Les informations récoltées lors de ces suivis permettent d’appréhender au mieux la gestion de l’acarien. La décision d’un éventuel traitement et du moment opportun de son application peuvent être alors considérés en toute connaissance de cause. Cependant, ce type de suivi n’est certainement pas la raison pour laquelle bon nombre d’apiculteurs se sont passionnés pour le monde de l’abeille mellifère ! De plus les méthodes de quantification existantes sont souvent chronophages, fastidieuses et perturbatrices de la colonie. Serait-il dès lors possible de faciliter cette quantification en la rendant moins coûteuse en temps et en énergie tout en maintenant un suivi précis et régulier des populations d’acariens ? Une récente étude (Harriet Hall 2021) s’intéresse à cette question et tente de proposer une solution grâce à une méthode de quantification « à distance » et « non invasive ».
Comment fonctionne cette méthode de détection ?
La méthode de quantification proposée suite à l’étude se base sur la détection des pulsations saccadées propres au varroa à l’aide d’un capteur de vibrations ultra-sensible (1000 mV/g). Il s’agit plus précisément d’un accéléromètre (voir illustration capteur). L’intensité des vibrations produites par un seul acarien est telle qu’elle est bien supérieure à l’intensité des vibrations de centaines d’abeilles.
Expérimentation en laboratoire
Afin d’en connaître d’avantage sur les pulsations propres au varroa, une expérimentation en laboratoire a été mise en place (voir schéma illustration p. 38) dans le cadre de l’étude de Harriet Hall 2021. Pour plusieurs types de substrat (boite de Pétri, rayon bâti vide, rayon avec du couvain), un varroa est observé à l’aide d’une caméra et d’un capteur de vibrations ultra-sensible. La caméra filme l’expérimentation tandis que le capteur de vibrations ultra-sensible enregistre les vibrations au cours du temps. Suite à des observations menées en parallèle, les chercheurs ont démontré que les pulsations produites par le varroa sont synchronisées avec un déplacement latéral rapide de l’acarien (vers la droite ou la gauche) avant de retourner à sa position initiale. Un mouvement de flexion des pattes du varroa peut aussi être observé lors de l’émission de la pulsation. En plus de ces observations, l’étude s’intéresse aux caractéristiques physiques, à la périodicité et à la force de cette pulsation émise par le parasite. Cette expérimentation met en évidence que l’intensité du signal émis par l’acarien dépend de la surface sur laquelle la vibration se pro-
page. Il est donc attendu que l’intensité de ce signal et la facilité de sa détection varient au cours de l’année en fonction des cycles de remplissage des cadres par le couvain (Bencsik et al. 2015). Le succès de détection dépend également de la distance séparant le capteur de l’acarien, raison pour laquelle il est fort probable que plusieurs capteurs soient nécessaires dans une même ruche pour échantillonner au mieux la population de varroa.
Pourquoi travailler avec des capteur de vibrations alors qu’il existe des capteurs vidéos ?
Contrairement aux méthodes de quantification à l’aide de capteurs vidéos placés à l’intérieur de la ruche, la qualité de l’enregistrement avec un capteur de vibrations ultra-sensible est indépendante de la couche de propolis et de cire (que les abeilles peuvent appliquer sur les capteurs) ou des niveaux d’obscurité.
C’est un énorme avantage ! (Ramirez et al. 2012 ;Elizondo et al.2013 ;Chazette et al 2016 ;Bjerge et al.2019 ;Bilik et al.2021).
Les capteurs de vibrations ultra-sensibles (fixés sur le rayon au centre de la ruche) peuvent donc être laissés pendant des périodes illimitées et prolongées pour surveiller et enregistrer en permanence
les vibrations captées dans la colonie. De plus, si les données vidéos nécessitent de grandes puissances informatiques lors de leur traitement, ce n’est pas le cas pour les données de vibration.
Qu’est-ce que nous apporte cette étude ?
Dans un premier temps, l’étude permet d’en découvrir d’avantage sur le comportement intrinsèque du Varroa destructor, notamment en mettant en évidence ces pulsations très présentes et jusque-là encore non renseignées dans la littérature.
Ensuite, l’étude est pionnière dans le milieu apicole et bien que la méthode de quantification du Varroa destructor grâce à la détection des pulsations qu’il émet ne soit pas encore d’application, les
résultats de l’étude suggèrent qu’il pourrait être possible de détecter de manière continue et non intrusive les varroas vivants dans des colonies complètement peuplées. Cela apporterait une plus-value non négligeable au milieu apicole car cette méthode permettrait de réduire le nombre de visites aux ruchers et les dérangements occasionnés aux colonies lors des diverses méthodes de quantification du varroa tout en ayant un suivi précis des populations.
Enfin, la découverte des émissions de pulsations du varroa interroge sur la raison de ce comportement.
Étant donné l’énorme quantité d’énergie que le varroa doit investir dans ce mouvement saccadé
par rapport à sa taille, il est très probable que cette action lui soit bénéfique, peut-être dans un but de communication ou d’exploration au sein de la ruche ! Il y a donc matière à investiguer pour en découvrir davantage. De plus, ce comportement varie fortement d’un individu à l’autre, certain varroas émettant plus de 100 pulsations continuellement et pour des périodes prolongées alors que d’autre n’en n’émettent que très peu. Une meilleure compréhension de ce comportement d’émission de pulsations pourrait un jour
peut-être mener à une nouvelle méthode de traitement contre ce parasite.
Référence :
Hall, H., Bencsik, M., Newton, M. I., Chandler, D., Prince, G., & Dwyer, S. (2021). Varroa destructor mites regularly generate ultra-short, high magnitude vibrational pulses. Entomologia Generalis. https://doi.org/10.1127/entomologia/2021/1407