FICHE PEDAGOGIQUE : Dynamique de population de Varroa destructor

Julien DUWEZ

À l’état sauvage, certaines colonies d’abeilles sont capables de survivre en présence de Varroa. C’est notamment le cas dans la forêt d’Arnot aux USA. Ces colonies limitent le risque d’effondrement en réduisant leur taille, en essaimant régulièrement et en occupant un environnement large avec une faible densité de colonies. Des comportements et un environnement qui influencent grandement la dynamique de population de Varroa. L’objectif de cet article est de présenter les différents facteurs qui vont influencer la croissance du parasite.
En plus de la taille de la colonie, de l’essaimage et de l’environnement, la quantité initiale de Varroas ainsi que la résistance des abeilles vis-à-vis de l’acarien affecteront la dynamique de sa population. Il est évident que les traitements (chimiques et biotechniques) joueront également un rôle dans l’évolution de la population du parasite, mais ceux-ci feront l’objet d’un prochain article.

Population initiale des acariens 

La croissance de Varroa durant la saison est exponentielle. Une fondatrice qui se reproduit donnera en moyenne 0,7 à 1,45 fille mature dans du couvain d’ouvrière. La Figure 1 nous montre l’augmentation de la population d’acarien en fonction de la quantité initiale. Avec cela en tête, nous pouvons facilement comprendre l’intérêt des traitements hivernaux. Ils ont comme objectif de diminuer la quantité initialement présente en parasite pour débuter la saison (et non de permettre à la colonie de terminer l’hiver !).

Figure 1 : Croissance exponentielle de Varroa destructor en fonction de la quantité
initialement présente.

Taille de la colonie

La taille de la colonie est en lien direct avec la quantité de couvain. Si la taille de la colonie est limitée, la quantité de couvain sera plus faible et cela ralentira la progression exponentielle de Varroa. De plus, les arrêts de ponte ou périodes avec un élevage plus faible, indiquées en bleu sur la Figure 2, auront une incidence sur la multiplication du parasite. Dans la lutte contre Varroa, il peut être intéressant de préférer une abeille marquant un arrêt de ponte plus prononcé en période de faible rentrée de pollen ou de nectar.

Figure 2 : Évolution de la taille de la colonie au cours de la saison.
Extrait de scientificbeekeeping.com

L’environnement

L’environnement dans lequel se trouvent les colonies a beaucoup d’influence sur la population de Varroa. Lorsque la densité de colonies d’abeilles est faible, comme c’est le cas dans la forêt d’Arnot, la transmission du parasite est plutôt verticale, de la colonie parent vers les colonies filles. La conséquence est qu’une réduction de la virulence des virus transmis par l’acarien a été observée. Ainsi, la colonie a plus de chance de survivre malgré la pression parasitaire élevée. En Belgique, la densité de colonies est trop importante et la transmission du parasite se fait davantage horizontalement, entre colonies voisines via la dérive et le pillage. Une colonie fortement infestée et par conséquent affaiblie se fera piller par les colonies voisines. Le pillage peut avoir lieu sur plus d’un kilomètre ! Dans un environnement sans gestion contre la Varroase, plus de 2000 Varroas peuvent infester votre colonie au cours de la saison avec une grande majorité en fin d’été.

L’essaimage

En période d’essaimage, environ 80 % des Varroas se trouvent dans le couvain et entre 50 et 70 % des abeilles quitteront la colonie mère. L’essaim partira avec approximativement 15 à 25 % des Varroas totaux. De plus, l’essaimage permet d’avoir une période sans couvain empêchant ainsi temporairement la reproduction de l’acarien. D’après les travaux de Thomas D. Seeley, l’essaimage aurait comme conséquence de réduire la population du parasite de 50 à 60 % dans la colonie mère.

Résistance à Varroa

Le comportement de résistance à Varroa impact fortement sa dynamique de population. Dans une colonie ayant un score VSH supérieur à 75 %, la reproduction de l’acarien est fortement réduite. Cette colonie ne nécessitera pas de gestion anti-Varroa. La fondatrice étant interrompue pendant son cycle de reproduction, aucune fille mature n’émergera.

Randy Oliver, un scientifique et apiculteur américain, a créé un modèle Excel à partir de ses observations et de la littérature scientifique. Son modèle est mis à jour régulièrement et est libre de téléchargement sur https://scientificbeekeeping.com/ . L’ensemble des facteurs présentés peut être adapté en fonction de votre environnement, de votre gestion apicole, du nombre de Varroas initialement présents, du taux VSH de vos abeilles, … L’utilisation de ce modèle vous permettra d’avoir une approche proactive et non rétroactive contre le parasite.
Dans le prochain article, nous détaillerons l’action spoliatrice et le cortège de virus véhiculé par Varroa.

Sources :
Seeley, T.D. Honey bees of the Arnot Forest : a population of feral colonies persisting with Varroa destructor in the northeastern United States. Apidologie 38, 19–29 (2007).

Traynor and al. Varroa destructor : A Complex Parasite, Crippling Honey Bees Worldwide. Trends in Parasitology 36:7, 592-626 (2020)

Jerzy Wilde, Stefan Fuchs, Janusz Bratkowski & Maciej Siuda (2005) Distribution of Varroa destructor between swarms and colonies. Journal of Apicultural Research 44:4, 190-194.

Seeley, TD & ML Smith (2015) Crowding honeybee colonies in apiaries can increase their vulnerability to the deadly ectoparasite Varroa destructor. Apidologie 46, 716–727.

Gloria DeGrandi-Hoffman & Robert Curry (2004) A mathematical model of Varroa mite (Varroa destructor Anderson and Trueman) and honeybee (Apis mellifera L.) population dynamics, International Journal of Acarology, 30:3, 259-274

Peck DT, Seeley TD (2019) Mite bombs or robber lures ? The roles of drifting and robbing in Varroa destructor transmission from collapsing honey bee colonies to their neighbors. PLoS ONE 14(6) : e0218392