2021 ... année fraîche et humide à oublier

Carine Massaux

En 2021, les conditions climatiques continuent d’atteindre des extrêmes et l’apiculteur s’adapte tant bien que mal pour sauver sa production.

En 2021, les miellées ont été très pauvres, perturbées par les températures fraîches et les précipitations élevées. Résultat, une année avec une production extrêmement faible au niveau des récoltes de miels.

Sur le site de l’IRM, l’année 2021 est définie comme une année très humide avec des précipitations extrêmes. Contrairement à 2020, il s’agit d’une année sans record de température, ni vague de chaleur. Bien que la température annuelle moyenne pour Uccle soit inférieure à la valeur normale (période 1991 - 2020), l’année 2021 fait globalement partie de la liste des 30 années les plus chaudes enregistrées sur le site depuis le début des mesures en 1833. 2021 est donc une année assez fraîche, mais qui se situe toujours dans la même tendance générale de réchauffement climatique.

Le printemps 2021 a été froid. Mars est néanmoins le seul mois du printemps avec une température moyenne supérieure à la valeur normale, en partie grâce à quelques journées particulièrement chaudes fin mars. Toujours ce régime d’irrégularités climatiques ! Le mois d’avril s’est ensuite avéré très froid, le plus froid depuis 1986.

Avec les basses températures du mois de mai qui ont suivi, un printemps beaucoup plus froid que la moyenne (8,8°C, normale : 10,5°C) a globalement été enregistré. Pour la période de référence actuelle de l’IRM (1991 - 2020), ce printemps est d’ailleurs le troisième plus froid, tant pour la température moyenne que pour les températures (maximale et minimale).

Les mois de mars et avril ont par ailleurs été assez secs et ensoleillés, tandis que le mois de mai fut beaucoup plus humide et morose, ainsi que plus venteux. Cependant, au final, le cumul saisonnier des précipitations de ces trois mois de printemps est juste égal à la valeur normale.


La fraîcheur du printemps a été suivie par un début de mois de juin assez chaud, et peu venteux. Ensuite, à partir du 20 juin, ainsi qu’en juillet et août, les températures ont été inférieures à la normale la majeure partie du temps. Cet été fut également le plus humide jamais enregistré, avec un nouveau record absolu de précipitations sur base des mesures effectuées par l’IRM depuis 1833. À ce sujet, nous gardons tous en mémoire les précipitations anormales que nous avons subies au cours de la première quinzaine de juillet. Elles sont de triste mémoire pour certains apiculteurs.


Données des balances

Ces données climatiques publiées par l’IRM se reflètent bien au niveau des différents ruchers suivis par notre réseau de balances, enrichi cette année de trois nouvelles balances. Par exemple pour la balance de Rebecq (extrême ouest de la province du Brabant wallon), dont les données enregistrées en 2021 sont présentées en figure 3, nous observons que jusqu’à fin mai les températures restent très fraîches. La température maximale (courbe violette) dépasse peu les 15°C tandis que la température minimale (courbe rouge) reste le plus souvent sous les 10°C. Quelques brèves journées plus chaudes sont observées fin mars ainsi qu’aux environs du 10 mai. En juin et juillet, les températures deviennent ensuite plus clémentes et tournent autour des 20 - 25°C mais les épisodes de pluie sont également fréquents et intenses au cours de ces deux derniers mois (bâtonnets bleus). Ces conditions climatiques fraîches au printemps puis très humides en été ont créé un contexte difficile, permettant aux abeilles de sortir très ponctuellement des ruches pour récolter le nectar. Les précipitations intenses de l’été ont par ailleurs dilué le nectar et délavé le miellat présent sur les feuilles, rendant la récolte plus énergivore et les ressources récoltées plus longues à sécher.

Les variations de poids enregistrées en 2021 par les balances en fonction de leur localisation sont présentées en figure 4.


Des disparités sont observées dans les prises de poids entre les différents ruchers. Ces différences, plus faibles que les années précédentes, sont naturellement liées à un effet colonie mais également à un effet climatique qui cette année, se traduit principalement par les quantités différentes de précipitations associées à chaque région. Trois balances ont enregistré une miellée un peu plus importante que les autres : Liège suivi de Doische et Arlon. La balance de Liège est située en milieu urbain. Nous verrons dans la suite de cet article que certaines espèces végétales plus courantes dans les villes ont davantage été présentes dans les miels récoltés en 2021. Au contraire, Doische et Arlon se situent respectivement dans le sud de la province de Namur et dans la province du Luxembourg, en zone rurale.

La figure 5 présente les variations annuelles de poids, calculées sur base de la moyenne annuelle de l’ensemble de notre réseau de balances. L’année 2021 est présentée en rouge.

Nous constatons que cette année est associée aux plus faibles miellées enregistrées depuis 2005, année où nous avons mis en place notre réseau de balances.
Le climat du printemps, comme celui de l’été, ont en effet créé des conditions médiocres de récolte et ceci s’est directement répercuté sur les miellées, qui ont été très insuffisantes pour la plupart des apiculteurs wallons et bruxellois. De légères augmentations de poids sont observées vers le 10 mai ainsi que fin mai/début juin et puis graduellement durant le mois de juin, ce qui correspond bien à des périodes plus chaudes avec moins de précipitations.


Impact sur la récolte

Les données des balances sont comparées aux résultats du questionnaire « Miellées » que nous envoyons depuis des années à une bonne cinquantaine d’apiculteurs pour le suivi de leurs ruchers.

La figure 6 nous présente les récoltes moyennes à la ruche calculées sur base de ce questionnaire depuis 1998. Des miellées moyennes de 2,1 kg pour le miel de printemps et de 5,2 kg pour le miel d’été ont été calculées pour 2021. Ces valeurs sont bien inférieures à la moyenne globale et vont dans le même sens que les relevés obtenus à partir de notre réseau de balances.

Les conditions fraîches et humides du printemps et de l’été se reflètent également au niveau de l’humidité des miels analysés au laboratoire du CARI. En moyenne, près d’un tiers des miels de nos régions présentent une valeur supérieure à 18 % en humidité (voir figure 7).

L’origine florale des miels récoltés a également été influencée par ces conditions climatiques particulières de 2021. Les quelques jours de beau temps fin mars ont favorisé la production et la récolte du nectar de saule, habituellement assez rare. Plus de 80 % des miels de printemps analysés au CARI comportaient en effet du nectar de saule, accompagné de nectar et miellat de fruitiers. Comme en 2020, le nectar de colza a été peu récolté par les abeilles, désavantagé par les basses températures observées au moment de sa floraison.

Concernant les miels d’été, le nectar de ronces et le miellat sont les plus fréquemment présents. Les ronces constituent une espèce omniprésente qui colonise de nombreux milieux, sa floraison s’étend
de plus sur une longue période (fin juin et tout juillet) au moment où les autres espèces mellifères deviennent rares. Le tilleul et le troène, dont les floraisons se situent généralement fin juin - début juillet sont également bien présents cette année dans les miels provenant plutôt des zones urbaines et périurbaines. À l’opposé, le châtaignier et les trèfles ont été moins visités, la récolte du nectar de ces espèces étant davantage favorisée lors d’étés plus chauds (25°C).


Impact sur les colonies

Sciensano annonce une mortalité stable en Belgique ces 3 dernières années. Pour la saison 2020 - 2021, les taux de mortalité ont été les suivants :

Mortalité hivernale :
17,76 % (95 % IC : 15,66 – 19,76)
Mortalité saisonnière :
4,85 % (95 % IC : 3,78 – 6,19)
Mortalité annuelle :
18,55 % (95 % IC : 16,49 – 20,80)

Nous ne connaissons pas encore les chiffres de la mortalité hivernale de la saison 2021 - 22. D’un point de vue apicole plus global, 2021 a été une année exceptionnellement mauvaise. La plus mauvaise depuis 24 ans. Que constate-t-on ? Tout d’abord une diminution de 25 % de la production de miel par rapport à la moyenne générale. Cet indicateur économique est éloquent. Côté élevage, on note une forte diminution du taux de fécondation des reines selon les témoignages des apiculteurs. Il a été très largement nécessaire de nourrir énormément les colonies pour les maintenir envie face à la mauvaise météo que nous venons d’évoquer. Suite de la litanie de problèmes, on a constaté à certains endroits la réapparition du dépérissement (CCD) en fin de saison 2021 avec une faible production d’abeilles d’hiver.

La cause en est-elle le climat ou une autre raison ? Comme toujours avec le CCD, il est difficile de cerner le problème avec certitude.
La probable utilisation d’une plus grande quantité de fongicides cette année, expliquée par un climat particulièrement humide, pourrait être un élément de réponse.

Légère éclaircie dans ce paysage assez sombre, le développement du couvain a été également très perturbé, ce qui n’a pas favorisé le développement de varroa. Il n’en demeure pas moins que la reconstitution du cheptel est bien loin d’atteindre les pertes de colonies et que nous pouvons craindre une forte mortalité des colonies au cours de l’hiver 2021-2022.




En conclusion

L’année 2021 est à oublier rapidement. Les conditions climatiques extrêmement défavorables n’ont jamais laissé aux abeilles l’opportunité de réaliser de belles récoltes. Que ce soit pour le miel de printemps ou pour le miel d’été, les productions ont atteint cette année des records mais dans le sens négatif du terme.

Des productions si faibles de miels n’ont en effet plus été enregistrées depuis de nombreuses années. Le constat n’est pas meilleur du point de vue du cheptel, avec des problèmes de développement perturbé et des pertes record.

Il nous reste donc à vous souhaiter une excellente saison 2022 afin de rattraper cette dernière saison désastreuse.