Le problème de la pénurie de miel, qui était autre fois largement imputable au « manque d‘abeilles », n‘est pas toujours lié au mauvais développement des ruches au cours des dernières saisons. Dans certains cas, de plus en plus fréquents, la rareté des récoltes est directement imputable à des problèmes environne mentaux et climatiques. Le millésime 2019 est un exemple parfait d‘instabilité environnementale, qui a ruiné la saison apicole en raison de la production rare ou nulle de nectar par de nombreuses plantes, tant arborées qu‘herbacées.
Par exemple, dans le nord-ouest, les abeilles sont sorties de l‘hiver 2018/2019 merveilleusement bien, avec des populations importantes et saines, mais la végétation environnante n‘a pas favorisé leur développement déjà à partir de la floraison du pissenlit, et cela ne s‘est pas mieux terminé avec l‘acacia. Essayant d‘analyser quels sont les facteurs déterminant une bonne production de miel, des études récentes montrent comment 4 acteurs principaux (sol, plante, micro-organismes et abeille) coopèrent en synergie dans les phases de soutien nutritionnel à la plante, de production de nectar, d‘attractivité des flux nectarifères et, enfin, de collecte et d‘exploitation de ces derniers, avec le climat comme arbitre.
Les 4 principaux acteurs subissent directement l‘impact des changements climatiques, avec des effets qui touchent parfois plus d‘un seul acteur, et par fois les impliquent tous. Quelque soit le nombre de ces acteurs impliqués, le résultat, du point de vue de l‘apiculture, est toujours et en tout cas le même : la rare disponibilité du nectar.
Dans cet article, nous traitons des complexités du flux de nectar du point de vue des plantes, en prenant comme exemple le Robinia pseudoacacia, car dans les années 70 et 80, il a fait l‘objet de quelques études physiologiques par des chercheurs hongrois, et d’autres. À cet égard, une grande partie des informations contenues dans cet article ont été extrapolées à partir d‘une intéressante revue signée par Agnes Farkas et Edit Zajàcz en 2007 (disponible à l‘adresse web suivante : http://www.aca demia.edu/download/45384716/ EJPS B_12125-151o.pdf), qui recueille les besoins climatiques et physiologiques des principales plantes nectarifères d’intérêt apicole dans les climats continentaux.
L‘acacia, exactement comme toutes les plantes à feuilles caduques des climats tempérés, doit effectuer un certain nombre de processus biochimiques et physiologiques qui permettent la formation d‘une inflorescence attractive pour les insectes pollinisateurs et une fructification efficace.
Il est important de comprendre que pour l‘acacia, le potentiel de production de nectar est déjà déterminé au stade de bourgeon. Le processus de différenciation de ces derniers commence déjà l‘été précédent, et c‘est à cette période que les futures fleurs sont différenciées, dans le processus de division des bourgeons primaires et secondaires, avec la détermination de leur qualité. La structure des bourgeons d‘acacia est vraiment très similaire à celle de la vigne, avec un bourgeon primaire central et des bourgeons secondaires latéraux (fig. 1).
Si la plante d‘acacia subit des conditions stressantes en été en raison du climat défavorable, la différenciation ne portera pas sur un grand nombre de bourgeons et, par conséquent, au printemps suivant, la plante ne pourra pas produire une floraison significative.
Fig. 1 - Structure du bourgeon de vigne (Vitis vinifera), avec les bourgeons principaux et secondaires | Photos du web
Dans la phase automnale, l‘acacia commence la croissance des bourgeons, qui sont renforcés pour résister au froid. En hiver, tout comme la plupart des plantes à feuilles caduques typiques des climats tempérés, l‘acacia doit satisfaire au besoin en froid. Froid qui ne doit pas être compris comme températures nécessairement inférieures à zéro. En fait, par besoin en froid on entend la quantité de froid nécessaire pour inter rompre la quiescence et induire l‘ouverture des bourgeons au printemps, et est calculé comme un nombre minimum d‘heures avec une température inférieure à 8°C. Par exemple, le poirier (Pyrus communis) et le noyer (Juglans regia) ont besoin d‘environ 700-800 heures (29 à 33 jours) de températures inférieures à 8°C pendant l‘hiver. Malheureusement, le nombre exact d‘heures de temps froid nécessaires pour l‘acacia est encore inconnu.
Au printemps, le débourrement des bourgeons et donc le début de la circulation de la sève a lieu en même temps que la floraison des abricotiers (en moyenne mi-mars pour l‘Italie du Nord). Il s‘agit d‘une période n’apparaissant pas comme étant à risque, où la plupart des apiculteurs sont amenés à considérer l‘acacia comme étant dans une phase de dormance encore active car il est généralement parmi les derniers à montrer des signes visibles de début de phase végétative. Si le bourgeon principal subit un traumatisme dû au froid pendant cette période, il avorte. Il a été déterminé que c‘est le bourgeon principal qui crée les flux de nectar nécessaires à une bonne production de nectar, tandis que les bourgeons secondaires, qui forment également des inflorescences, ne sont généralement pas en mesure de les garantir. Au printemps, pendant la période de floraison, les meilleures conditions ambiantes sont : un air modérément humide, l‘absence de vent, des températures nocturnes minimales d‘au moins 14 °C, et maximales de 25 °C pendant la journée. Ces valeurs de température sont très importantes et seront mieux expliquées plus loin.
L‘acacia, surtout ces dernières années, a deux comportements distincts pendant la floraison : dans le premier cas, l‘acacia émet l‘inflorescence sans allonger le bourgeon et développer le feuillage (fig. 2a) tandis que dans le second cas, l‘acacia, avant la floraison, développe le bourgeon et le feuillage, et seulement après, l‘inflorescence (fig. 2b-c).
L‘activation d‘un comportement plutôt qu‘un autre entraîne des différences considérables dans la récupération des ressources en sucre nécessaires à la production de nectar.
Dans le cas où l‘acacia se lance dans son activité végétative, en investissant les énergies immédiatement disponibles sur
la fleur, la source des sucres doit être liée aux réserves d‘amidon accumulées l‘année précédente dans l‘appareil végétatif. Au moment de la germination, les bourgeons apicaux produisent de l‘acide giberélique (AG), une hormone végétale qui induit la synthèse des enzymes diastasiques, c‘est-à-dire un groupe d‘enzymes qui ont pour tâche de scinder les macromolécules d‘amidon en glucose. Il s‘agit notamment de α et β-amylase.
De plus, les diastases, comme toutes les enzymes, suivent une cinétique de réaction précise ou, en d‘autres termes, la vitesse de leur activité est liée à la température. Chaque enzyme ou sa modification a des optimums de température différents. La figure 3 montre comment deux isolats de ß-amylase distincts provenant d‘organismes distincts se comportent le mieux à des températures sensiblement différentes. Le premier (cercle noir) à 27-30°C et le second (cercle blanc) à environ 60°C (Fig. 3).
En outre, le graphique exprime la constante catalytique (Kcat) de l‘activité de l‘amylase, c‘est-à-dire le nombre de molécules de substrat (amidon) qui sont converties en produit (glucose) dans l‘unité de temps, en fonction de la température.
Et c‘est précisément en référence à la figure 3 que nous rétablissons les températures idéales minimales et maximales précédemment indiquées pour l‘acacia au niveau du sol. En fait, il est clair que les basses températures enregistrées en mai 2019 (températures nocturnes < 10°C) ont contribué à une activité de l’amylase très lente (Kcat d‘environ 200). Il suffit d‘augmenter la température de 4°C pour doubler l‘activité, et de 8°C pour la tripler. Il est donc clair que la température près du sol peut jouer un rôle clé dans la détermination de la quantité de glucose disponible pour la production de nectar, démontrant ainsi l‘influence clé du climat sur les flux de nectar.
Mais que se passe-t-il lorsque l‘acacia se lance dans son activité végétative en produisant d‘abord les feuilles puis la fleur ? Et surtout, pourquoi choisit-elle cette deuxième alternative ? Ici, malheureusement, chaque argument est basé sur une supposition. Il est certain que chaque étape du développement des plantes est généralement régulée par des activités hormonales qui induisent la synthèse d‘enzymes et de produits spécifiques. On pourrait donc supposer un déséquilibre hormonal tel que la plante décide d‘activer la croissance du feuillage pour compenser par la photosynthèse le besoin en sucres non correctement satisfait par le système racinaire. Une fois que le bourgeon s‘est allongé, générant un nouveau bourgeon apical, et que les feuilles se sont développées, il existe d‘autres organes de la plante vers lesquels le flux de sucres est détourné, déterminant la croissance d‘autres parties, évidemment au détriment de l‘inflorescence et de sa production de nectar. Dans ces cas, en effet, la production de nectar d‘acacia ne se fait qu‘à des températures très élevées, ce qui accélère, certes, les processus biologiques de la plante, mais peut-être aussi épargne à la ruche des consommations considérables pour le maintien de la chaleur dans la chambre de couvain ; et, dans tous les cas, les récoltes sont généralement modestes.
Fig 2a Robinier pseudoacacia qui n’a développé que des inflorescences sans feuillage.
Fig 2b et c : Robinier pseudoacacia qui a abord développé les bourgeons et le feuillage et seulement ensuite les inflorescences.
En conclusion, malheureusement ces dernières années, nous avons eu l‘occasion d‘observer comment la présence des fleurs ne se traduit pas automatiquement par un flux de nectar certain. En outre, l‘exemple cité pour l‘activité amylasique en fonction de la température pourrait facilement être transposé à tous les mécanismes enzymatiques qui conduisent à la synthèse de composés organiques volatils (COV ou, pour simplifier à l‘extrême, les parfums) et à leur capacité à s‘évaporer de manière attrayante pour la fleur.
En analysant la bibliographie, on peut bien comprendre comment, en Hongrie, les générations futures d‘apiculteurs entre autres. Du point de vue réglementaire, l‘opération, en Italie, semble ne pas être autorisée, car dans notre pays, l‘acacia est considéré comme une plante exotique envahissante. Toutefois, je ne pense pas qu‘il soit trompeur de souligner qu‘à l‘heure actuelle (et heureusement pour le secteur apicole), la diffusion de l‘acacia sur le territoire national est considérable et parfois pré dominante par rapport au patrimoine forestier indigène, surtout le long des cours d‘eau et dans les plaines alluviales.
Article traduit de la revue l’apis
| M A R Z O | 3 | 2 0 2 0
p 46 - 48