2016, atypique

Etienne BRUNEAU - Carine MASSAUX

2016 restera probablement gravée dans la mémoire de plus d’un apiculteur comme une très mauvaise saison apicole. Si l’hivernage s’était passé sans encombre, les récoltes qui ont suivi étaient les plus mauvaises depuis une trentaine d’année. Par la suite, la saison s’est adoucie et nous a apporté une arrière saison une fois de plus atypique.

Une analyse du climat pendant la saison apicole nous permet de constater que le printemps a été particulièrement maussade. Il faut retourner aux années 1980 (plus précisément 1983, 1985, 1986) pour trouver des printemps aussi froids et pluvieux. De plus, cette année, il s’est prolongé par un début de mois de juillet tout aussi pluvieux. Lorsqu’on sait que le gros des apports de nectar se situe normalement entre avril et la mi juillet, il n’est pas étonnant de constater que le profil des miellées est resté particulièrement bas cette année. La figure 1 présente les prises de poids cumulées des balances situées dans les différentes régions de Wallonie et de Bruxelles. Si certaines n’ont pratiquement rien récolté, d’autres ont cependant réalisé de belles miellées. Globalement, c’est au nord du sillon entre-Sambre et Meuse que la situation a permis des récoltes qui recouvrent les périodes du 1er au 28 mai et du 1er au 25 juillet (fig. 1 et 3). Lorsqu’on compare 2016 aux autres années, on remarque aussi que les premières rentrées se sont faites tardivement (fig. 2)

Fig.1 : Évolution du poids des ruches : saison 2016

Fig.2 : Évolution moyenne des poids des ruches de 2005 à 2016

Fig.3 : Suivi climatique et des prises de poids du rucher de Rebecq

Les miels récoltés en 2016 présentaient également des caractéristiques assez particulières.

Fig.4 : Humidité des miels en 2016

Logiquement, dans des conditions climatiques aussi humides, il n’est pas étonnant de retrouver une trop forte proportion de miels chargés en eau (plus de 18 % d’humidité) qui ne se conserveront dès lors pas longtemps (fig. 4).

Un phénomène plus étonnant encore a été enregistré lorsque l’origine botanique des miels récoltés a été analysée. Pour la première fois, une forte proportion des miels de printemps (35 %) contenait une quantité importante d’un miellat dont l’origine n’a pu être identifiée (fig. 5). Ce miellat en mélange avec du nectar de fruitier était composé d’un grand pourcentage de saccharose. Quelques miels sortaient ainsi des limites officielles préconisées par la directive Miel (teneur en saccharose supérieure à 5 %). En été, la période possible de butinage correspondait à la floraison du châtaignier (fig. 6). Cet arbre requiert d’avoir les pieds dans un sol humide pour produire du nectar, ce qui était le cas cette année. Les conditions étaient réunies sur le plateau hennuyer brabançon pour récolter des miels dominés par les châtaigniers et pour donner ainsi aux miels d’été une amertume peu coutumière.
Les récoltes de miels tant au printemps qu’en été ont été les plus faibles enregistrées depuis 17 ans (fig. 7) avec respectivement 5,7 et 5,4 kg par ruche. La quantité produite en moyenne par apiculteur était naturellement assez basse avec 183 kg au printemps et 83 kg en été. Le prix du miel n’a pratiquement pas évolué avec une moyenne de 11,94 € le kilo au détail et 9,96 € au revendeur. Par contre la fin de saison s’est montrée particulièrement favorable et on a même pu constater une troisième période de rentrée de nectar dans certains ruchers. La quantité de sirop de nourrissement donnée aux abeilles est souvent restée très réduite vu que les colonies disposaient de réserves abondantes. Les couvertures de sol hivernales ont été fortement visitées.

Fig.5 : Origine botanique

Fig.6 : Évolution des miellées sur 19 ans

Fig.7 : Pertes et reconstitution du cheptel de 2006 à 2016

Suite à un hiver particulièrement clément, les pertes de colonies enregistrées sont restées sous la barre des 10 %. De nombreuses colonies faibles ont pu redémarrer au printemps 2016 mais vu les difficultés d’alimentation en saison, le développement des colonies est resté très limité et la production de nouvelles colonies a été difficile. De nombreuses colonies ont même dû être nourries pour éviter la famine en juin. Ceci explique que seule une dizaine de pour cents de colonies ont pu être reconstituées (fig. 8), ce qui n’a donc pas permis de reconstituer le cheptel perdu lors de l’hiver 2014 – 2015 et qui explique la diminution générale du nombre de colonies depuis deux ans (fig. 9). On constate également que le nombre de ruchettes produites a été moins important. La différence entre les colonies au printemps et en été n’a pratiquement pas évolué. Heureusement le nombre de colonies mises en hivernage fin 2016 était cependant un peu plus élevé que l’an dernier.

Fig.8 : Evolution du nombre de colonies

Fig.9 : Évolution des ruches et ruchettes de 2000 à 2016

Sur le plan sanitaire, le nombre de varroas est resté relativement bas jusqu’au traitement d’été. Par la suite, des ré-infestations ont été constatées en de nombreux endroits. Ce phénomène a surtout été mis en évidence en septembre. L’enquête réalisée par l’AFSCA dans le cadre de « HealthyBee » en septembre a permis d’évaluer le nombre de varroas phorétiques dans une centaine de colonies (16,7 % avec 5 varroas phorétiques ou plus par 100 abeilles). Dans notre rucher, malgré un traitement estival efficace, le nombre d’acariens par colonie était en moyenne de 1000. De plus, plusieurs apiculteurs signalaient des mortalités dès le mois de novembre.

On peut ainsi résumer 2016 en disant que c’est une fois de plus une année atypique avec peu de pertes hivernales, très peu de récoltes, peu de repeuplements et de fortes ré-infestations de varroas.