Ces outils me permettent d’améliorer la ruche artificielle nécessaire pour pratiquer l’apiculture tout en m’inspirant de l’habitat naturel des abeilles. Le but est de contribuer à l’amélioration des échanges (air, eau, température, humidité relative dans le cœur de grappe) au sein de la colonie.
Pour parvenir à une gestion pertinente des colonies de production, il est nécessaire d’écouter ce que les abeilles demandent. Pour comprendre ce qu’elles demandent, j’ai mis en place des outils qui traduisent le modèle de fonctionnement de la colonie au sein de son habitat.
Une ruche telle qu’on nous la présente au niveau commercial n’est ni plus ni moins qu’une boîte artificielle. Pour améliorer la qualité de vie dans cette boîte artificielle, il faut commencer par s’inspirer de l’habitat naturel des colonies d’abeilles. Dans la nature, les gâteaux de cire sont attachés au plafond. Nous, apiculteurs, laissons un couloir entre le haut des cadres et le couvre-cadre. Dans une cavité dans un tronc d’arbre, il y a un grand vide d’air en dessous de la grappe. Ceci a toute son importance au niveau de la circulation de l’air dans la colonie. Comment s’inspirer de ces constats dans notre gestion apicole ? Nous disposons d’une boîte artificielle pour loger nos abeilles mais que peut-on faire pour améliorer la qualité de vie dans cette boîte artificielle ?
Les outils essentiels pour bien produire dans le respect des besoins des abeilles sont les suivants selon moi :
• la qualité du bois utilisé dans mon atelier de construction de matériel ;
• un fond de la ruche adapté aux échanges d’air (chaleur, humidité relative ou degré d’hygrométrie) dans la colonie pour respecter le besoin de la grappe d’abeilles ;
• le couvre-cadre qui est aussi un régulateur de des échanges ;
• le cadre à mâles ;
• les partitions (chaudes, froides, en aluminium).
La qualité des matériaux
Deux bois me semblent répondre à des critères de qualité appropriés à l’habitat de la colonie : le pin Weymouth et le cèdre. Le cèdre est un bois de bonne qualité mais très cher. Le pin Weymouth est également un bois de haute qualité, léger, chaud qui permet un échange intéressant du point de vue de l’humidité.
Cette qualité de bois permet de fabriquer des ruches mais également des fonds de ruche et des nourrisseurs par exemple, deux autres outils essentiels à la bonne gestion des colonies. Le corps des ruches est toujours fabriqué avec des planches d’une seule pièce et un assemblage plein bois, une colle qui résiste à l’humidité et à la chaleur et des vis inox. Le premier objectif est la solidité des ruches et leur
longévité.
Le fond de ruche et le couvre cadre régulateur
Pour s’inspirer de la nature et créer un espace vide en dessous de la colonie, on peut placer une hausse vide en-dessous de la ruche. En ce qui me concerne, j’ai préféré m’orienter vers un fond de ruche d’un modèle bien précis et d’un couvre-cadre régulateur qui génèrent ensemble une ventilation laminaire. La ventilation à flux laminaire, c’est une ventilation qui permet le renouvellement de l’air dans la ruche sans impact sur la grappe d’abeilles. L’objectif est d’éviter l’effet cheminée qui perturbe la colonie. La conception d’un tel fond de ruche demande une observation et une expérimentation pendant de longues années (voir Abeilles&Cie n°201 p.12 et 13 pour plus de détails sur la circulation de l’air dans la colonie etc.). Soit mon fond de ruche est muni d’une grille métallique avec un espace fil de 3 mm (type grille Kemp), soit je remplace la grille Kemp par un ensemble de bois triangulaires.
Grâce à cette évaluation, on peut facilement mesurer le potentiel d’abeilles qui n’est pas utile à la vie interne de la colonie. Le fond a une hauteur de 12 cm permettant un vide d’air ventilé, comme une sortede ha ll d’entrée pour empêcher l’air de percuter la colonie. A l’arrière du fond, le plateau varroa est muni de vis rondes permettant le réglage de la ventilation (3 mm maximum pour éviter le passage des abeilles). Une ventilation est prévue à gauche et à droite du fond pour activer le flux laminaire. Une partie de l’air
monte en parallèle de la face avant et le Co2 est balayé à partir du trou de vol vers l’arrière du fond. Le pendant nécessaire au fond de ruche adapté est le couvrecadre. Il va être un instrument de régulation et on va l’adapter en fonction de la période de l’année.
On laisse le chasse-abeilles mais il est retourné par rapport à la position été. On doit obturer le trou de 60 mm en posant une toile à propolis pour éviter que les abeilles ne passent dans le chasse-abeilles dans le mauvais sens en cette période hivernale. Le rôle du chasse-abeilles est de permettre au flux d’air de passer sans se refroidir. Une enveloppe en toile de jute remplie à l’intérieur de 350 feuilles de journaux est placée dans le chasse-abeilles pour assurer le réchauffement de l’air sans choc thermique jusqu’à sa sortie via la fente située dans la tranche avant du chasse-abeilles. L’air va passer très lentement à travers ce sys-
tème et ressortir tout doucement par la fente prévue dans le chasse-abeille en transportant l’eau condensée dans l’air.
Jamais aucun courant d’air ne traversera ainsi la grappe d’abeilles. Cela revient à l’équivalent d’attacher les cadres au sommet : il n’y a plus de courant d’air dans les ruelles. Il est important que les échanges qui se font au sein de la colonie soient très lents. Ces moyens mis à disposition des abeilles leur permettent, grâce au passage au-dessus des cadres (16 à 17 mm) où les abeilles s’installent de jouer leur rôle de régulateur du fluide air-chaleur-humidité.
Chacun des nourrisseurs couvre-cadre fait 12 à 15 kilos. Toutes les colonies ont un Aluthermo Quattro® en hiver mais en contact avec le toit, pas avec les abeilles. L’ Aluthermo Quattro® impacte très peu l’isolation en période hivernale. Elle est neutralisée grâce au positionnement du polycarbonate. Les colonies hivernent sans isolation. L’isolation n’est pas justifiée quand il n’y a pas de couvain. La première séquence d’isolation se passe fin janvier. C’est la pose de coussins en fibre de chanvre de 6 cm d’épaisseur que l’on
met dans les nourrisseurs-couvre cadre.
Le 15 mars est une date pivot importante.
On va intervenir dans les colonies autour de cette date en déplaçant le chasse- abeilles et en plaçant le polycarbonate au plus proche des abeilles. Puisque l’Aluthermo Quattro® est au-dessus du chasse - abeilles + coussin, l’ensemble devient accumulateur d’énergie.
Alternative : si l’option choisie est un nourrisseur en bois couvre-cadre pour l’hivernage, il reste en contact avec les abeilles de janvier jusqu’au 15 mars avec un coussin en fibres de chanvre d’une épaisseur de 6 cm emballé dans une toile pare-vapeur. Le 15 mars, on intercale le polycarbonate entre les abeilles et le nourrisseur.
Les partitions et l’indicateur de poussée
L’indicateur de poussée est le résultat de deux sitations qui suscitent la construction de nouvelles cires : la transformation interne de la colonie et les rentrées de nectar. Cet indicateur de poussée nous aide à n’intervenir qu’à bon escient. Il est justifié, à cette période là de l’année, de constater la présence de la ponte de la reine. Idéalement, il y a toujours une partition à droite (quand on se trouve derrière la colonie) car une colonie hiverne à droite. C’est capital pour son développement.
Une partition en Aluthermo Quattro® d’1 cm d’épaisseur sera placée à gauche et à droite. Elle doit permettre le passage des abeilles entre la nourriture et la partition et ce des deux côtés. Il faut bien laisser le passage de 5 mm entre la partition et le cadre de nourriture. Ce passage doit permettre le passage des abeilles et la ponte de la reine. C’est un outil, associé au polycarbonate, qui va permettre à la colonie de me dire quand il faut la développer. Raisonnablement, de l’autre côté de la partition il y aura de beaux cadres de nourriture pour permettre le développement. C’est avant tout une sécurité.
Au-delà de deux, c’est inutile. Ensuite l’apiculteur va amener de nouvelles cires pour permettre aux abeilles d’exprimer la dynamique de la colonie en produisant de la cire.
Quand la colonie aura atteint son potentiel pour se développer avec la partition froide en aluminium, elle va passer de l’autre côté de la partition si la colonie a besoin de s’agrandir. Et la reine va passer également de l’autre côté de la partition et pondre le cadre qui se trouve contre la partition. En avançant au fil du temps, si les colonies se sont développées de l’autre côté, il suffit de déplacer la partition et d’ajouter une cire au besoin.
Il est très important que l’habitat soit toujours proportionnel à la capacité de la colonie. A partir de 9 cadres, on peut déjà poser une hausse pour accueillir une miellée printanière. Il est cependant
impératif à ce moment de l’année de lire la colonie par le dessous. C’est alors que le deuxième indicateur de poussée entre en jeu. Il s’agit de la grappe d’abeilles en dessous. La hausse sera placée uniquement après la lecture de cet indicateur de poussée en bas de la ruche. Les abeilles doivent construire le moins possible vers le bas. Mettre les hausses c’est offrir aux abeilles la possibilité de gérer le développement de la colonie, permettre aux butineuses de se placer confortablement en périphérie du couvain.
Le cadre à mâles
Je place un cadre à mâles dans toutes les colonies sans exception, y compris dans les ruchettes et les miniplus. Il s’agit de la moitié d’un cadre d’environ 10 cm maximum. Il doit toujours être placé à gauche quand on développe sa colonie.
En effet, un cadre à mâles est un aimant ou un régulateur en terme de biologie de l’abeille. Il faut penser que l’on double la consommation de nourriture pour développer des mâles. On peut dire que c’est une soupape de sécurité pour les abeilles. Le cadre à mâles leur permet de garder leur équilibre pour gérer l’es-
saimage. Le cadre à mâles doit être en position 2 à partir de la gauche.
Pourquoi parler d’un aimant ? Les bonnes reines, les bonnes colonies avec un bon comportement ne vont pas faire de mâles alors même que les colonies essaimeuses en auront déjà fait. Elles vont pratiquement toutes, la même semaine, sauter au-delà des cadres de nourriture pour aller pondre le cadre à mâles. La colonie va dégager la nourriture et lier le cadre à mâles avec le nid à couvain. A ce stade, on n’intervient pas. La colonie va se développer toute seule. C’est le cadre à mâles qui va attirer la colonie dans son développement. C’est un outil extraordinaire !
Les fondamentaux du cycle de ma saison apicole en un résumé rapide
La qualité de l’habitat et le comportement de l’apiculteur sont des clés impor tantes de mon exploitation. Je travaille sur des colonies fortes (cf. photo du 15 janvier 22) et je fais en sorte de déranger le moins possible les colonies et de ne pas générer chez les abeilles un comportement agressif. Je fais très peu de
visites intensives et jamais de prélèvement de cadres de couvain. Certains éléments simples contribuent à un confort de visite qui évite d’écraser les abeilles.
La surveillance à travers le polycarbonate en fait partie. Une règle : pas d’intrusion dans une colonie sauf cas exceptionnel où il faut faire une expertise. Les visites sont alors toujours brèves, entre 30 secondes et 2 minutes maximum. Si on dérange trop les abeilles, si on tue beaucoup d’abeilles en travaillant, on
crée de l’agressivité dans la colonie. Cela peut ainsi fausser le paramètre douceur qui est recherché dans ma sélection par exemple. Il y a la douceur liée au comportement de la lignée mais aussi la douceur
liée aux pratiques apicoles.
Tous les process du travail de l’apiculteur participent à la sélection. Il s’agit juste de bien utiliser certains outils tels que ceux qui ont été cités ci-dessus et qui fonctionnent comme des indicateurs de développement de la colonie. Il est également important de mettre des cires au moment précis du besoin. Une cire placée doit se construire le jour même et la reine doit être en mesure de propager sa ponte dès le lendemain.
Le contrôle de la varroase se fait toute l’année à la fois par des observations et des sondages. Dans un habitat de qualité où l’abeille peut réguler ses besoins (taux d’humidité, chaleur et air), le taux de varroa va être réduit parce que le développement des parasites sera défavorisé. C’est évidemment un outil parmi d’autres pour gérer la varroase dans les colonies.
Il est indispensable de récolter du pollen quand il y a de l’abondance pour en disposer (sous la forme de pollen surgelé) pour l’équilibre de l’exploitation : élevage de reines, de mâles et redistribution en cas de carrence en fin de saison pour engraisser les dernières abeilles jeunes de fin de saison.
J’ai une pratique de nourrissement qui est la clé de mon travail annuel. Je procède à 4 séquences de nourrissement avec du sirop Happyflor® qui répond au besoin des abeilles :
1. Vers le 15/20 juillet : 12 kilos
2. Vers le 15/20 aout : 12 kilos
3. Vers le 15 septembre : ce qui est nécessaire en fonction de la consommation, de l’environnement, de la météo de l’arrière saison.
4. Pour compléter, je nourris autour du 15 octobre. Le sirop que je choisis de donner est de très haute qualité et elles peuvent le prendre à des température de 5 à 7 degrés.
On a besoin de faire un nourrissement tardif après avoir fait un nourrissement global. Pourquoi ? Le nourrissement tardif permet de construire le lit de la grappe. Les abeilles vont stocker du sirop liquide. Cela va permettre aux abeilles sur le lit de devenir des abeilles froides des abeilles chaudes (pour réagir directement à des chocs thermiques).
Cette technique de travail est destinée à s’adapter aux aléas climatiques. On va créer un lit de sirop qui reste liquide et ne sera jamais operculé. Si le besoin s’en fait sentir , les abeilles vont remplir leur jabot de ce sirop. Et par ce mécanisme, l’abeille devient chaude. Cela lui permet de très facilement réguler son habitat, sans stress, c’est-à-dire sans facteur violent qui contribuerait au vieillissement des abeilles.
L’objectif du nourrissement à partir de août-septembre c’est de créer un accumulateur d’énergie. Vous
pouvez mettre toutes les isolations possibles, vous ne pourriez pas remplacer le concept des abeilles. Un isolant n’est pas accumulateur d’énergie. L’isolant ne fait que limiter la déperdition de chaleur mais le sucre (une bonne copie du miel avec un équilibre glucose+fructose + 3 % sacharose) est un accumulateur d’énergie. Il est indispensable, vital, qu’il y ait une couche sucrée appropriée au-dessus, à gauche et à droite de la grappe d’abeilles pour que la grappe soit confinée dans ce contexte et ne subisse pas les chocs thermiques violents.
Deux éléments agissent de manière insidieuse dans une colonie : la varroase et un habitat inadapté. Les deux combinés conduisent inéluctablement à la mort de la colonie. Les abeilles vont vieillir et ne plus pouvoir produire de la gelée royale.
La reine pondra mais il y aura un mauvais développement des larves. L’apiculteur a donc le devoir d’avoir une gestion de la varroase tout au long de l’année et d’adapter l’habitat qu’il offre à ses colonies.