Pour les cueilleurs de miel illustrés sur certaines peintures rupestres, cet aliment était le seul sucre disponible, d’où sa valeur. On était prêt à détruire une colonie pour en prélever les rayons pré cieux. Ce mélange de miel, de pollen, de cire et probablement de couvain répondait aux besoins alimentaires de ces « chasseurs de miel ».
Aujourd’hui, la situation est bien différente et l’on prend garde de ne pas hypothéquer la survie des colonies. Le miel doit rester le plus « vierge » possible. Le Codex Alimentarius dit clairement qu’au cun constituant particulier ne peut en être enlevé et que l’on ne peut rien y ajouter. De plus les enzymes doivent être préservées. Naturellement, ce produit doit être le fruit du travail des abeilles. Cette définition est vraiment une garantie contre de nombreuses malversations.
Différents modèles
Sur le terrain, on constate que la culture influence également les modes de récolte. Ainsi en Afrique, de nombreux apiculteurs pratiquent encore une apiculture proche de la cueillette. En Asie, Apis mellifera est arrivée tardivement. Les apiculteurs sont en transhumance permanente en saison. Dans ces conditions précaires, ils ne disposent que d’un petit extracteur. Ils font appel à des structures de collecte du miel fraichement récolté (non operculé) comme le font les circuits de ramassage du lait chez nous. En Europe et en Amérique, les apiculteurs récoltent un miel grandement operculé ce qui garantit le plus souvent sa conservation.
L’abeille opercule cependant lorsque la cellule de stockage est remplie mais elle ne dispose pas de moyen de contrôle de l’humidité ce qui fait que lorsque les conditions climatiques sont très chaudes et humides, l’humidité sous opercule peut dépasser les 20 % (norme légale). Au-delà de 18 %, ce qui est le cas très fréquemment en zone tropicale et dans une moindre mesure en zone tempérée maritime (par ex. : 10 à 30 % des miels en Belgique), les apiculteurs doivent déshumidifier le miel pour assurer sa conservation. Ce problème est moins fréquent en zones continentales.
Différentes stratégies
Dans un contexte de marché catastrophique, les relations commerciales se durcissent car chacun veut préserver son marché et l’on cherche à valoriser ses produits face à une concurrence qui bien souvent ne répond pas aux mêmes critères de qualité. Comme vous le savez, l’adultération des miels est un véritable fléau qu’il faut juguler au plus vite. Le COPA-COGECA vient de présen ter une stratégie pour agir dans ce sens (voir p.39).
De son côté, Apimondia a réactualisé sa déclaration contre la fraude des miels en y développant un volet sur la déshydra tation des miels. Dans ce texte, l’eau est considérée comme un constituant essen tiel et à ce titre, il serait dès lors inter dit de l’extraire du miel. Si l’on arrive à cela, de très nombreux apiculteurs de par le monde seront encore plus pénali sés qu’ils ne le sont aujourd’hui. Si l’eau est un paramètre essentiel de qualité qui peut être utilisé pour juger de l’état de maturité d’un miel, à ce jour, elle n’a jamais permis à un laboratoire de carac tériser l’origine botanique ou même géo graphique d’un miel, ce qui n’est pas le cas de ses autres constituants. J’aimerais ainsi que la déclaration soit retravaillée dans ce sens, au plus proche de la réalité de terrain.
Des solutions
Il est clair qu’il faut trouver des solutions pour amener un maximum d’apiculteurs de par le monde à améliorer leurs techniques de production en évitant des récoltes de miels qui n’ont pas reçu toute l’attention et les apports des abeilles. Dans ce cadre, les paramètres liés à ces éléments (enzymes et autres constituants spécifiques) sont essentiels. Cela veut dire que ces éléments actifs doivent être préservés. C’est malheureusement rarement le cas aujourd’hui lors des échanges internationaux (chauffages répétés, pasteurisation, etc.). Là aussi, il faut évoluer.
Mais comment s’attaquer aux sirops pro duits à très bas prix et qui concurrencent directement les miels et font chuter leur réelle valeur sur les marchés ? Là, les analyses montrent tous les jours leurs limites et de nouveaux sirops « indé tectables » voient le jour régulièrement. Pire, vu qu’on dispose des bases de don nées analytiques, on copie les spectres analytiques de certaines origines (par ex. : acacia de Hongrie) pour en faire des copies à bas prix. Face à cela, il reste la traçabilité de l’apiculteur au consom mateur : l’étiquetage des pays d’origine. Et c’est une bonne chose, mais on sait déjà qu’il faudra aller beaucoup plus loin pour arriver à une totale transparence du marché. Si dans l’Union européenne les apiculteurs semblent prêts, et même intéressés par une démarche de valorisa tion européenne, qu’en est-il des autres continents ? C’est en tous cas dans le respect de chaque producteur et dans l’échange et le partage d’expériences que l’on construira notre futur et non pas dans une augmentation des tensions entre producteurs, pays et continents. Il faut établir des règles justes et qui res pectent tous les opérateurs qui cherchent à produire et à commercialiser des miels de qualité.