Apiculture et durabilité

Agnès FAYET

Plus que des réponses globales, ce sont des questions qu’il convient de se poser pour alimenter une réflexion sur la durabilité de la pratique apicole. Mais avant tout, qu’est-ce que la durabilité et comment le concept s’adapte-t-il à l’apiculture ?

Qu’est-ce que la durabilité ?


La durabilité combine des données économiques, sociales et environnementales. L‘objectif de la durabilité est de trouver une approche équilibrée entre ces trois critères de manière à minimiser les risques, de maintenir et même d’améliorer les pratiques pour garantir la pérennité de l’activité dans l’avenir. Pour être durable, une activité humaine doit répondre aux besoins des populations locales dans le présent sans compromettre la capacité d’autres populations ailleurs sur la planète ou celle des générations futures qui auront à leur tour à répondre à leurs propres besoins. Il faut garder à l’esprit la grande variabilité des réponses à des exigences de durabilité. Ce qui est durable à un endroit du monde ne l’est pas forcément à un autre. Un simple exemple : la ruche en bois ne saurait être un modèle de ruche durable dans un environnement où le bois est rare ou dans un environnement favorable aux termites.

Qu’est-ce que la durabilité en apiculture ?

Lorsqu’on parle d’un élevage, s’ajoute aux trois piliers de la durabilité des données concernant la manière dont notre pratique influence le bien-être de l’animal que nous élevons. En d’autres termes, nos méthodes d’élevage s’adaptent-elles aux besoins des abeilles ? La durabilité en apiculture sera donc un équilibre entre les enjeux sociaux, économiques, environnementaux et le respect des besoins des abeilles que nous inclurons dans la question environnementale.

Durabilité économique

Pour être durable, une pratique doit au minimum être rentable. À cela s’ajoute des critères qui prennent en compte la stabilité et l’autonomie économique ainsi que la notion de satisfaction à exercer l’activité, ce qui peut être considéré comme un avantage en nature :

  • La juste correspondance entre le revenu réel et les attentes de l‘apiculteur ;
  • La juste correspondance entre le revenu et le temps passé par l’apiculteur ;
  • La stabilité économique incluant la capacité à faire face aux variations des prix, à la diversité des produits et des points de vente ;
  • L’autonomie économique incluant les capacités d‘autofinancement et les capacités d‘investissement ;
  • L’équilibre entre charge de travail et congés ;
  • La prise en compte de la gestion des risques (sécurité, santé) ;
  • La rationalisation des débouchés commerciaux (circuits courts, etc.).

Durabilité sociale

Le secteur apicole répondra à plusieurs enjeux sociétaux impliquant plusieurs services dont la production alimentaire. Nous pouvons lister :

  • La production de produits de qualité bénéficiant d’une excellente traçabilité ;
  • La production de produits dans le respect d’une certaine éthique incluant les critères de respect du bien-être animal adapté à l’abeille ;
  • Le service de pollinisation répondant à la production alimentaire ;
  • Les services écosystémiques plus généraux difficilement quantifiables ;
  • Les contributions aux enjeux collectifs que sont la préservation de la diversité génétique et la prévention de l‘introduction de ravageurs envahissants ;
  • Les relations et échanges avec les gestionnaires fonciers, les agriculteurs, les voisins et les autres apiculteurs ;
  • La production de produits apicoles locaux et la participation à l‘économie locale ;
  • La participation au développement social et culturel ;
  • Le transfert des compétences et des connaissances de l‘apiculteur pour la pérennisation de la pratique apicole ;
  • L’autonomie dans la pratique apicole et l‘adaptabilité aux changements à plus ou moins longs termes (technicité, prise de décision indépendante, recours aux possibilités d‘information et de formation et aux échanges entre apiculteurs) ;

Durabilité environnementale

Inévitablement, l’amélioration de la qualité de l‘environnement et la prise en considération des ressources naturelles dont dépend l‘économie apicole sont liées à la production agricole et au modèle adopté. En d’autres termes, pas d’apiculture viable sans agriculture durable. La durabilité de l’agriculture est donc un préalable à la pratique apicole.

  • La prise en compte de la contribution et des impacts potentiels sur la biodiversité locale ;
  • La prise en compte de l’émission de gaz à effet de serre et de la gestion des déchets dans l’utilisation des matériaux et le choix des intrants ;
  • L’intégration paysagère des bâtiments et ruchers ;
  • L’adéquation entre les objectifs de production des apiculteurs et la qualité et la quantité des ressources disponibles ;
  • La prise en considération de la question du bien-être animal et de la complexité du superorganisme au centre de l’élevage apicole.

Une fois économiquement viable incluant des notions comme la qualité de vie, une fois socialement intégrée d’un point de vue général mais aussi d’un point de vue sectoriel, une fois écologiquement rationnelle prenant en compte les spécificités de l’abeille mellifère, l’apiculture peut être alors définie comme durable.

Nous reviendrons dans les prochains numéros sur les différents volets définissant la durabilité de l‘apiculture