Résultats de l’action européenne coordonnée pour mesurer l’incidence des miels d’importation frelatés

Agnès FAYET

La Direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire (DG SANTE) de la Commission européenne a initié et coordonné une action visant à recueillir des renseignements sur l’incidence du miel non conforme importé dans l’Union. Le Centre commun de recherche (JRC) et l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) ont également participé à l’opération. Un échantillonnage s’est déroulé de novembre 2021 à février 2022 dans 16 États membres, ainsi que la Norvège et la Suisse, sur base volontaire. 320 lots de miel ont été échantillonnés au total. Les échantillons collectés ont été analysés par la Commission dans son Centre commun de recherche de Geel en Belgique. Au total, 123 exportateurs ont été contrôlés, dont 70 ont été signalés comme ayant exporté des lots de miel suspectés d’être frelatés avec des sucres. Sur les 96 importateurs de l’UE concernés, les deux tiers d’entre eux (63) ont importé au moins un envoi suspect.

Les pays ayant participé à l’action coordonnée de l’UE pour échantillonner le miel importé

Le nombre d’échantillons par pays a été calculé sur base des statistiques des contrôles passés. Les pays ayant subi le plus de contrôles suspects ont été les plus « observés » par l’opération 2021-2022, même si certains pays ont moins joué le jeu que d’autres (cf. Allemagne).


L’UE est le deuxième importateur mondial de miel (après les États-Unis) avec 30 % des importations mondiales de miel. Les principaux États membres importateurs sont l’Allemagne, la Pologne, la Belgique et l’Espagne. Ces 4 pays ont également été le plus souvent l’objet de contrôles suspects (cf. les objectifs d’échantillonnage). Comme la majeure partie du miel importé est utilisée dans des mélanges et commercialisée au détail sous des noms de marque (c’est le cas de 80 % des miels vendus au détail), la traçabilité est extrêmement difficile une fois le produit dans la chaîne commerciale.

Les pays exportateurs vers l’UE et les pays membres importateurs

Sur les 320 échantillons reçus des autorités compétentes des États membres de l’UE, 147 (soit 46 %) ont été suspectés d’être non conformes aux dispositions de la Directive européenne 2001/110/CE sur le miel. Cela signifie qu’au moins un marqueur de sources étrangères de sucre a été détecté dans ces lots. Les techniques utilisées ont fourni des informations qualitatives (présence/absence de marqueurs). Il n’a pas été possible d’estimer le niveau de sirops exogènes présents dans le miel.

Nombre d’échantillons prélevés par pays
DG SANTE report : Sampling, investigations and results

Origine géographique des échantillons de miel suspects
JRC Technical report : Analytical testing of

Proportion (%) d’envois suspects de miel des principaux pays exportateurs (pour des raisons statistiques, les pays avec moins de 10 échantillons n’ont pas été pris en compte)
JRC Technical report : Analytical testing of imported honey

Origine géographique des envois de miel entrant en Belgique (les barres en orange indiquent le nombre d’échantillons suspects, les barres en vert le nombre d’échantillons non suspects)
À noter que trois opérateurs ont été investigués en Belgique. Le renforcement des contrôles aux frontières des exportateurs soupçonnés d’exporter du miel frelaté vers l’UE et les résultats défavorables des laboratoires officiels ont conduit à refuser l’entrée dans l’UE de 20 tonnes de miel frelaté en Belgique
JRC Technical report : Analytical testing of imported honey. Administrative boundaries : © EuroGeographics © UN-FAO ©Turkstat Catography : Eurostat - IMAGE, 04/2022

Origine géographique des envois de miel entrant en France (les barres en orange indiquent le nombre d’échantillons suspects, les barres en vert le nombre d’échantillons non suspects)
À noter que la France prévoit de nouveaux contrôles dans le secteur en 2023
JRC Technical report : Analytical testing of imported honey. Administrative boundaries : © EuroGeographics © UN-FAO ©Turkstat Catography : Eurostat - IMAGE, 04/2022

Pays importateurs. En vert dans ce tableau les importateurs de miels conformes à la Directive européenne sur le miel et en rouge les importateurs ayant importé au moins un échantillon de miel suspecté d’être non conforme à la Directive européenne sur le miel. Source : DG SANTE report : Sampling, investigations and results

Enquêtes et techniques frauduleuses révélées

Des enquêtes ont été ensuite menées par les autorités des États membres et des États de l’AELE à propos des lieux d’importation, de transformation, de mélange et d’emballage. Ces enquêtes étaient destinées à confirmer les soupçons de non-conformité, à établir les responsabilités de l’opérateur et à dissuader ceux qui, volontairement et en toute connaissance de cause, mettent du miel frelaté sur le marché de l’UE. Sur 63 opérateurs concernés par l’importation d’au moins un envoi suspect, 44 ont fait l’objet d’une enquête complémentaire à ce jour dont 7 ont déjà été sanctionnés. Les techniques frauduleuses suivantes ont été révélées :
• L’utilisation de sirops de sucre pour falsifier le miel et faire baisser son prix ;
• Le recours régulier à des laboratoires accrédités par l’UE pour adapter les mélanges miel/sucre afin d’éviter la détection par les clients et les autorités officielles avant le début des opérations d’importation ;
• L’utilisation d’additifs et de colorants pour imiter les sources botaniques du miel ;
• Le masquage délibéré de la véritable origine géographique du miel en falsifiant les informations de traçabilité.

Méthodes d’analyse utilisées et détections

Le Centre commun de recherche (JRC) a utilisé plusieurs méthodes pour détecter le miel suspecté de contenir du ou des sirop(s) de sucre ajouté(s).
Ces méthodes sont plus fines et efficaces que celles utilisées lors d’un précédent plan de contrôle coordonné à l’échelle de l’UE mené en 2015-2017. À l’époque, seulement 14 % des échantillons analysés ne respectaient pas les critères de référence établis pour évaluer l’authenticité du miel. Concernant le récent contrôle, le Centre commun de recherche (JRC)a pu mettre en évidence que les sirops de sucre à base d’amidon de maïs ou de canne à sucre ne sont plus utilisés pour couper le miel. Ils sont remplacés par des sirops fabriqués principalement à partir de riz, de blé ou de betterave à sucre. Il reste à améliorer et harmoniser les méthodes d’analyse pour accroître la capacité des laboratoires de contrôle officiels à détecter le miel frelaté avec des sirops de sucre « sur mesure » qui imitent le profil de sucres caractéristiques du miel véritable. Une fois disponibles, ces méthodes de détection améliorées constitueront un moyen de dissuasion efficace pour réduire les opportunités de fraude dans le commerce international du miel.

La récente action coordonnée de l’UE a confirmé l’hypothèse selon laquelle une part importante du miel importé de pays tiers et mis sur le marché de l’UE est suspectée de ne pas être conforme aux dispositions de la Directive européenne sur le miel 2001/110/CE et reste la plupart du temps non détectée et pour partie non détectable avec les moyens techniques disponibles actuellement. Une collaboration active de toutes les parties prenantes pour identifier et combattre les pratiques trompeuses ou frauduleuses dans le commerce du miel est nécessaire. Un renforcement du contrôle officiel, une amélioration des techniques de détection et la mise en place de meilleures garanties d’authenticité du miel importé dans l’Union européenne sont à l’ordre du jour pour la protection des consommateurs et de la filière apicole européenne qu’il est nécessaire de préserver d’une concurrence déloyale. Espérons que le résultat de cette opération de contrôle stimulera une révision de la Directive européenne sur le miel 2001/110/CE dans le sens de plus de traçabilité réelle et efficace.

Sources :

  • JRC Technical report : Analytical testing of imported honey https://publications.jrc.ec.europa.eu/repository/handle/JRC130227
    Ždiniaková, T., Loerchner, C., De Rudder, O., Dimitrova, T., Kaklamanos, G., Breidbach, A., Respaldiza Hidalgo, M.A., Vaz Silva, I.M., Paiano, V., Ulberth, F. and Maquet, A., EU Coordinated action to deter certain fraudulent practices in the honey sector, EUR 31461 EN, Publications Office of the European Union, Luxembourg, 2023, ISBN 978-92-68-01292-5, doi:10.2760/184511, JRC130227.