Derrière Le Baron, les aristocrates de la cire

Agnès Fayet - Robert Lequeux - Damien Babilon - Olivier Rommel

Trois apiculteurs de la province de Namur ont uni leurs forces et leurs compétences pour proposer un service de gaufrage de cire qui existe depuis une année maintenant. Robert Lequeux assure la partie administrative, la trésorerie, les démarches commerciales et peut également suppléer au gaufrage. Olivier Rommel, chez qui la machine est hébergée, prépare les cuves la veille du jour prévu pour le gaufrage. Il se charge aussi de la partie commerciale, ce qui est facilité par le biais de son magasin (Vergers et ruchers mosans). Damien Babilon est, quant à lui, préposé à la maintenance de la machine et réalise le gaufrage.

Question toute simple : pourquoi Le Baron ?

C’est le « presque-acronyme » de nos trois noms : Lequeux, Babilon et Rommel. Une manière amusante de symboliser notre alliance.

Robert Lequeux, Olivier Rommel, Damien Babilon

Comment vous est venue l’idée de proposer ce service aux apiculteurs ?

Damien proposait déjà du gaufrage de cire à façon. De fil en aiguille, l’idée de trouver une solution pour offrir un service de gaufrage à plus grande échelle avec une traçabilité des lots est naturellement venue. Les briques se sont mises en place petit à petit. Nous avons monté le projet à trois pour ne pas assumer seuls les investissements que cela implique. Ensuite, chacun est venu avec ses possibilités et ses compétences. La machine a été placée aux Vergers et ruchers mosans parce qu’Olivier dispose de l’infrastructure. Il a de la place, un élévateur.

Comment faire pour bénéficier de ce service ?

Cela reste un service relativement local. Dès qu’il a 50 kilos de cire (le minimum que nous acceptons), l’apiculteur nous apporte son stock de cire. Il peut s’associer avec d’autres, au sein d’une section par exemple. Il suffit de prendre rendez-vous avec Damien pour le gaufrage. Nous pouvons aussi convenir d’une livraison pour le retour de la marchandise si l’apiculteur se trouve dans les environs de Namur, dans le Brabant-Wallon ou à Bruxelles, là où Robert se rend souvent.
Le délai du service est plus long au printemps. Il est fortement conseillé d’apporter sa cire en hiver.


Comment se passe concrètement le gaufrage de la cire avec Le Baron ?

A l’arrivée, la cire du client est pesée. Le client ne paye que la cire qui a été gaufrée et repart avec le fond de cuve qu’il peut mettre de côté pour la fois suivante par exemple. Il est bon de préciser que ces fonds de cuve existent parce que les cuves sont complètement nettoyées entre chaque lot de cire pour éviter les contaminations croisées et assurer la traçabilité de la cire. La cire est tout d’abord placée dans une première cuve de 180 litres (à double paroi remplie d’huile thermique) et stérilisée à 130°pendant une nuit ce qui supprime spores et bactéries. On ajoute à ce stade un peu d’acide oxalique pour éclaircir le produit. Le lendemain, la cire stérilisée est transférée dans la cuve de la chaudière (double paroi remplie d’eau) placée en hauteur sur un socle et accessible via une échelle métallique. Elle est chauffée électriquement à 90°. Son robinet est relié à une goulotte qui descend vers une petite cuve de filtrage munie d’un flotteur destiné à réguler le flux de la cire. La cire coule après filtration entre deux gros rouleaux alvéolés. Le débit est réglable via un petit robinet. De la vitesse de ce flux dépend la largeur des feuilles. En dessous se trouve un réservoir contenant de l’eau savonneuse régulièrement projetée sur les deux rouleaux alvéolés via un tube percé de multiples ouvertures. La cire est ainsi refroidie et lubrifiée. Elle se fige en larges bandes de cire gaufrée contenant 800 cellules/dm² qui avancent grâce à un système de cylindres. La bande de cire gaufrée arrive à la bonne épaisseur et à la bonne largeur sur une table munie d’un plateau roulant. Le réglage de la largeur s’effectue en déplaçant les lames circulaires, celui de la longueur à partir d’un panneau de commande électronique de présélection situé sur le côté de la machine. Les feuilles coupées se superposent au bout de la machine où l’opérateur les récupère. Les chutes de cire gaufrée tombent dans un bac sous la machine et sont remises dans le cycle.


On peut donc dire que deux produits sont utilisés dans le processus ?

Oui. L’acide oxalique est utilisé dans la cuve de stérilisation en très faible quantité (quelques grammes pour 200 kilos) pour précipiter les pollens et les déchets de la cire. Cela permet d’obtenir une cire bien jaune. C’est un acide naturel autorisé en bio et dans la ruche en traitement contre varroa. Il y a aussi un savon fourni par le distributeur de la machine. Il est utilisé pour empêcher que la cire ne colle sur les rouleaux alvéolés qui assurent le gaufrage des feuilles de cire.


Pourquoi avoir choisi ce type de machine avec un procédé de cire coulée et pas de cire laminée ?

Nous avons visité plusieurs fabricants de machines en Allemagne et notre choix s’est porté sur ce type de machine qui offrait l’avantage d’occuper moins de place qu’une lamineuse, d’être moins onéreuse et d’être très vite opérationnelle. Cela répondait plus à nos besoins. Avec ce procédé de la cire coulée, la feuille de cire est très bien acceptée par les abeilles. Certes, la cire est plus cassante en dessous de 18° mais elle est plus vite bâtie. Il faut simplement manipuler les feuilles avec précaution.


Que pensez-vous des problèmes actuels rencontrés par certains apiculteurs qui utilisent des cires du commerce ? Comment y répondez-vous ?

Nous avons un peu devancé le problème en lançant notre projet mais c’était prévisible. Le premier problème, c’est la traçabilité du produit. Clairement, il n’y a aucune transparence sur l’origine de la cire du commerce. La filière est opaque. Les cires bios, importées d’Inde avec une traçabilité compliquée et vendues à un prix exorbitant, ne présentent pas une solution sur le long terme. La première solution à apporter est la relocalisation du circuit. Ici, l’apiculteur apporte sa propre cire dont il assume la qualité et nous la lui gaufrons. Cela règle une bonne partie des problèmes puisque nous stérilisons systématiquement la cire que nous allons gaufrer par souci d’hygiène et que nous nettoyons systématiquement les cuves entre chaque lot. Chaque apiculteur connaît sa cire et annule ainsi les risques d’intoxication s’il n’a pas lui-même ajouté de contaminants dans la ruche.
Aujourd’hui, les apiculteurs ne devraient plus gaspiller leur cire. C’est un matériau noble et la filière apicole est déficitaire en cire. D’ailleurs, le prix est en hausse. Comme par ailleurs la filière apicole est en phase de croissance, il y a un manque criant de matière première. Plus la demande est grande, plus les prix explosent et plus les fraudes augmentent. Le prix en hausse s’explique non seulement par la loi de l’offre et de la demande mais aussi par la nécessité récente de produire des certificats d’analyses ainsi que par un repli du marché. On arrive aujourd’hui à 20 €/kilo pour la cire gaufrée. Les chaudières à cire deviennent très rentables ! Le Baron est un service qui permet d’obtenir de la cire gaufrée entre 3 et 5,5 €/kilo en fonction de la quantité apportée. Nous pratiquons des prix « justes » qui prennent en compte les charges fixes et une petite rémunération de l’opérateur. Nous n’en sommes pas encore à l’amortissement de la machine que nous n’espérons pas avant une petite dizaine d’années. Notre service est une solution intéressante non seulement pour la question de l’hygiène, de la traçabilité mais aussi du portefeuille des apiculteurs.