Nous allons décrire ici les différentes étapes auxquelles il faut penser avant de se lancer dans cette récolte et les différents points auxquels il faut faire attention.
Le pollen
Le pollen est un produit très complexe qui contient de nombreux éléments actifs. Cet aliment de très grande qualité est recommandé par les apithérapeutes. Sa teneur en éléments protéiniques et lipidiques associés à des éléments glucidiques en font cependant un produit très sensible qui peut se dégrader rapidement par le développement de champignons et/ou d’autres microéléments. Dans la fleur, il est également exposé aux contaminants aériens où il peut être contaminé par un pesticide utilisé pour le traitement de la plante ou du sol. Quelques plantes peuvent également produire des pollens contenant des toxines présentant un risque pour la santé (présence d’alcaloïdes pyrrolizidiniques - max 500 µg/kg). Une bonne connaissance de ce produit est dès lors indispensable avant de se lancer dans sa récolte.
L’environnement
Au vu de sa nature, l’idéal est de récolter du pollen dans un environnement naturel ou protégé (agriculture biologique). Les zones agricoles soumises à de nombreux traitements ne sont pas conseillées (arboriculture, maraîchage). Il faut également éviter la présence de zones plus chargées en polluants industriel ou urbains (HAP,…). Tout comme pour le nectar, si la majorité des pollens sont récoltés dans l’environnement proche de la ruche, les abeilles peuvent cependant aller en chercher à plusieurs kilomètres. Hormis certains cas rares, le niveau de contamination des pollens en Wallonie et à Bruxelles reste cependant très acceptable par rapport aux limites recommandées pour la santé.
Les trappes
Il existe de nombreux modèles de trappes à pollen. Les deux options les plus fréquentes sont celles qui se placent soit à l’avant de la ruche (type A), soit sont intégrées dans le plancher. Pour ces dernières, le peigne peut être vertical (type B) ou horizontal (type C). Cette dernière option est surtout utilisée dans les pays du nord. Voici les points qui doivent attirer votre attention :
• Le matériel doit être alimentaire et très facilement nettoyable
• Le peigne à pollen que les abeilles doivent traverser doit être suffisamment grand pour éviter l’engorgement de la ruche. Les peignes à échelle facilitent le passage des abeilles. Ils doivent avoir une certaine épaisseur afin d’éviter de blesser les abeilles. Les peignes doivent pouvoir s’enlever facilement et ils doivent se positionner afin de ne pas permettre des passages d’abeilles entre le peigne et le grillage qui le sépare du bac de réception.
• La capacité du bac doit être suffisante pour pouvoir y placer au moins la récolte de pollen d’une journée (idéalement 1 litre).
• Le bac doit être bien protégé de la pluie mais doit présenter une bonne aération. Il faut au moins qu’une ou plusieurs faces (latérale et/ou inférieure) soit entièrement grillagée. Le pollen est acide et si le grillage est métallique celui-ci doit pouvoir résister à cette acidité.
• Le bac doit pouvoir s’enlever rapidement sans vibration (éviter les glissières).
• Il faut que des passages pour les mâles soient prévus et qu’ils puissent être fermés (transhumance).
• Il faut que la conception de la trappe et que son positionnement évitent que les débris de la colonie ne se retrouvent dans le bac de réception du pollen. Certaines trappes sont équipées d’un réceptacle permettant de récupérer les débris plus importants comme les abeilles mortes que les abeilles tentent de sortir de la ruche.
• La trappe doit être protégée des intempéries et en aucun cas la pluie ne peut s’écouler dans le bac de réception.
• Le modèle doit permettre d’éviter que des souris ne séjournent au-dessus de la grille située au-dessus du bac de réception. Il doit être hermétique à tout intrus.
Les colonies utilisées pour la récolte
On ne peut pas placer des trappes à pollen sur toutes les colonies. Il faut absolument des colonies saines sans signe de maladie. Il est fortement déconseillé de récolter du pollen avec des lignées sensibles au couvain plâtré. Les colonies sélectionnées pour cette récolte doivent être de force moyenne et maintenues dans cet état par le retrait éventuel de cadres de couvain en saison.
Les colonies équipées de trappes sont regroupées dans un (des) rucher(s) spécifiques pour éviter les phénomènes de dérive vers des colonies sans trappe surtout en début de récolte.
Dès qu’une colonie présente des signes de cette maladie, elle doit être écartée car les larves momifiées sont très difficiles à éliminer du pollen par une trieuse. Il faut savoir que les peignes favorisent le passage de plusieurs agents pathogènes (nosémose, bactéries et virus) d’où l’importance de nettoyer très régulièrement les peignes à pollen pour éviter la contamination des abeilles entre elles.
Période de récolte du pollen
La période de récolte va naturellement dépendre des productions potentielles en pollen par les plantes et de la météo. Il est déconseillé de garder des trappes fonctionnelles lors de périodes froides et humides, de même qu’en période de miellée intense. Par contre, en période de récolte, il faut une certaine continuité dans l’activation des trappes pour que les abeilles s’habituent au passage au travers du peigne. Cela leur permet d’adapter correctement le nombre de butineuses à affecter à cette tâche et de réguler le volume du pollen récolté traversant le peigne sans tomber pour assurer un apport continu suffisant à la ruche.
Il faudra éviter de poser les peignes des trappes lors de la floraison des séneçons, de la bourrache ou des vipérines si ces plantes constituent un part significative des apports.
Dans nos conditions climatiques assez humides, le passage de l’apiculteur pour récolter le pollen doit se faire tous les jours, en fin de période de vol. Le pollen ne peut être laissé dans la ruche durant la nuit, ce qui risque d’augmenter son humidité pendant la nuit. En période de grosse récolte, le retrait peut même se faire deux fois par jour.
Mise en place des trappes à pollen
Les trappes à pollen doivent être mise en place en début de saison sur toutes les ruches dans le(s) rucher(s) ou le groupe de ruches dédié à cette récolte. Il ne faut pas mettre le peigne à pollen durant les premiers jours pour éviter des dérives trop importantes entre colonies. Lorsque les abeilles se seront accoutumées aux nouvelles trappes, on pourra alors placer les peignes pour récupérer une partie du pollen qu’elles vont
récolter.
Le retrait des bacs à pollen
Lors du retrait des bacs de réception du pollen, il se peut que des abeilles se retrouvent dans le pollen. C’est la raison pour laquelle le contenu du bac est transféré dans un récipient recouvert par un filtre à larges mailles qui retiendra les grosses impuretés (abeilles ou parties d’abeilles, agglomérats de pelotes de pollens…). Il faut éviter de travailler avec des récipients trop haut et trop remplis pour éviter un tassement et une agglomération du pollen. Le pollen doit avoir une première phase de conditionnement au plus tard dans les 12 h qui suivent sa récolte.
L’idéal est de pouvoir surgeler (<-18°C) le pollen directement afin de détruire tous les petits insectes et acariens qui s’en nourrissent. Après cette surgélation (minimum 24 h) ou directement après la récolte si la surgélation n’est pas possible, il faut sécher le pollen destiné à une consommation sous cette forme.
Locaux de conditionnement
Le conditionnement du pollen ne devrait se faire que dans des locaux propres exclusivement destinés au travail des produits apicoles, à l’exception de la cire.
Les opérations de conditionnement du pollen seront donc effectuées soit dans un local consacré à cet usage soit, partagé avec d’autres productions apicoles ou alimentaires mais dans ce cas, les autres activités ne doivent pas se dérouler simultanément.
Une attention particulière doit être portée à l’absence de sources de contamination par les poussières, fumées ou des substances chimiques.
Le séchage du pollen
Le séchage du pollen est une opération délicate car il faut arriver à le sécher non seulement à l’extérieur mais également à l’intérieur du grain. Les échanges ne se font que par le ou les pores présents sur les pollens et dès lors, il faut attendre que l’équilibre se fasse entre l’intérieur et l’extérieur des grains. Le séchage doit donc se faire lentement avec un air sec mais pas trop afin d’éviter de créer une coque sèche bouchant les pores.
Il faut placer le pollen en fines couches sur des claies afin que chaque grain soit exposé au flux d’air sec. Le fait de réchauffer l’air permet de le sécher mais il faut éviter de monter la température au-dessus de 40°C car certains éléments sensibles du pollen seraient dégradés. Les UV dégradent également le pollen et dès lors tout séchage au soleil est fortement déconseillé même si cette pratique est encore fréquente au niveau international.
L’air utilisé doit être propre exempt de poussières ou de contaminants. On peut travailler avec un système de déshumidification d’air pour permettre de travailler à plus basse température. Les nouvelles techniques réduisent partiellement l’humidité du pollen avec de l’air à 32°C pour améliorer sa stabilité pour ensuite le surgeler. Il faut savoir que l’air chargé de l’humidité des pollens est très acide et corrosif. En fonction de l’humidité de départ des pollens, le séchage peut prendre de quelques heures à pratiquement une journée.
L’idéal est de pouvoir contrôler l’humidité du pollen. Il existe un petit appareil mis au point pour les semences qui a un programme pour le pollen (Samap-O-test H40). Celui-ci permet une prise d’humidité immédiate. L’humidité doit être inférieure à 8 % pour assurer une bonne conservation du pollen sans surgélation.
Au niveau du séchoir, il faudra être attentif à ce que :
• sa capacité soit adaptée à la production journalière,
• les claies et tout le matériel en contact avec le pollen soient en matériaux alimentaires, résistants aux acides et nettoyables facilement,
• il permette une bonne répartition de l’air au travers des claies,
• la température du flux d’air ne dépasse pas 40°C,
• un filtre à air puisse retenir les poussières ,
• la vitesse du flux d’air puisse être contrôlée (un plus)
• l’humidité de l’air puisse être contrôlée (un plus).
Le tri
Le tri du pollen pourra s’effectuer sur du pollen sec ou sur du pollen surgelé en petit conditionnement. Dans ce dernier cas, les quantités de pollen mises en œuvre devront pouvoir être travaillées rapidement dans un local avec la température la plus basse possible afin de limiter autant que possible la période de décongélation.
On peut assez facilement enlever les poussières de pollen avec un tamis fin, par contre les autres éléments étrangers nécessiteront de le trier à la main. C’est l’opération la plus fastidieuse car elle demande une attention soutenue. Elle peut cependant être fortement allégée avec l’utilisation d’un équipement spécifique qui séparera les particules fines et les particules lourdes et/ou légères des pelotes de pollen. Le pollen sera également passé à proximité d’une bande aimantée qui retiendra les éléments métalliques éventuellement présents. Il existe des tarares en acier inoxydable et des trieuses plus spécifiques dans le commerce. Dans tous les cas, un contrôle visuel restera nécessaire.
Le stockage
Le stockage du pollen se fera à l’abri de la lumière dans un local à basse température (< 15°C) pour le pollen sec et dans un surgélateur (<-18°C) pour le pollen surgelé. La durée de conservation du pollen sec ne devrait pas dépasser un an pour le pollen sec et deux ans pour le pollen surgelé.
Le conditionnement pour la vente
Il est conseillé de conditionner le pollen sec dans des pots hermétiques qui ne laissent pas passer les UV (opaques : plastiques ou verres spéciaux). Les contenants ne doivent pas être trop grands pour assurer une consommation rapide. Pour le pollen surgelé les paquets idéalement refermables seront d’un maximum 1 kg. Les consommateurs pourront en extraire la quantité qu’ils peuvent consommer rapidement. Le pollen ne se conserve que très peu de temps décongelé au frigo (max 3 à 4 jours). Comme les pelotes ne sont pas agglomérées, il est préférable de le consommer directement à la sortie du surgélateur.
Il est possible de récolter des pollens monofloraux, c’est-à-dire que plus de 80 % proviennent de l’origine botanique indiquée. Pour les pollens toutes fleurs, l’idéal est de pouvoir mélanger des pollens récoltés à différentes périodes de l’année.
Attention : Le pollen séché entre dans la catégorie des produits transformés.
L’étiquetage
Les mentions légales ci-dessous doivent figurer sur l’étiquetage :
• dénomination de vente : pollen séché ou pollen surgelé
• date de durabilité : pollen séché : max. 1 an après la date de récolte, pollen surgelé : max. 24 mois après la date de récolte,
• l’origine botanique en cas de monofloral et éventuellement liste de quelques plantes présentes en cas de multifloral,
• conditions de conservation (stockage). Pour le pollen congelé, indiquer « ne peut être recongelé, et doit être consommé immédiatement et au maximum dans les 4 jours s’il est conservé au frigo »,
• poids net,
• nom et adresse de l’apiculteur (du conditionneur ou du vendeur),
• pays de récolte du pollen (facultatif),
• n° de lot ou autre pour assurer la traçabilité.
Il faut indiquer sur l’étiquette que le produit est potentiellement allergène pour les personnes sensibles aux allergies alimentaires...
Seules les allégations nutritionnelles ou de santé autorisées (par l’AFSCA en Belgique) peuvent être utilisées.
La présence de plus de 0,9 % de pollen d’origine OGM impose un étiquetage spécifique : produit OGM.
Bonne récolte !