Depuis quelques années, le CARI a intégré un groupe de travail ISO au sein d’un comité technique international travaillant sur la standardisation des produits de la ruche (ISO/TC 34/SC 19). Pour ceux qui l’ignorent, l’ISO est une organisation non gouvernementale basée à Genève. Elle joue un rôle crucial dans la normalisation au niveau mondial afin de garantir la qualité, la sécurité, la fiabilité et l’efficacité des produits et services que nous utilisons au quotidien. À ce jour, plus de 25.000 normes ISO ont été publiées.
Fin 2023, ce travail de collaboration de longue haleine, entrepris au sein de l’ISO entre experts internationaux des produits de la ruche, s’est vu récompensé par la publication d’une norme sur les spécifications du pollen en pelotes : la norme ISO 24382:2023. Ce document s’applique aux pelotes de pollen récoltées à l’entrée des ruches, collectées par Apis mellifera et d’autres espèces d’abeilles, ainsi qu’au pollen sec, congelé ou déshydraté. Dans ce document sont détaillées les exigences de qualité, les méthodes analytiques à appliquer, les conditions de stockage et de conservation, ainsi que les mentions à noter sur l’emballage du pollen. Cette norme fixe des standards recommandés par le secteur, mais non exigés. Seuls les textes imposés par la loi ou par des réglementations spécifiques à l’UE ou à la Belgique sont obligatoires.
Pour cette étude comparative, la première étape a consisté à se procurer quelques pollens dans les commerces à proximité du CARI. Force est de constater que le pollen en pelotes reste un produit de niche, qui n’est presqu’exclusivement vendu que par les magasins bio ou spécialisés en produits naturels. Les pollens de notre étude sont issus de ces trois enseignes : Bio-Planet, Färm et Bi’OK, ainsi que d’un marché apicole local. Ces pollens ont été sélectionnés selon des origines florales variées et des producteurs différents afin de représenter un maximum de diversité. Le tableau 1 synthétise les principales caractéristiques de ces pollens : marque et dénomination de vente, producteur, origine géographique, conditionnement, ... ainsi que prix au kilo.
Origine et étiquetage
Les producteurs des six pollens étudiés sont situés dans différents pays européens (France, Espagne, Pays-Bas, Belgique et Roumanie). Tandis que l’origine géographique des pollens, renseignée sur l’emballage, est la Belgique (1 échantillon), l’Espagne (2 éch.) ou l’Europe (3 éch.), sans localisation plus précise. Toutes les indications importantes et obligatoires figurent sur les étiquettes de ces produits. À l’exception du pollen TF de Beelgium, l’ensemble de ces échantillons sont certifiés bio, affichant tous fièrement le logo biologique officiel de l’UE (Fig. 1) tandis que trois de ces produits affichent également des logos supplémentaires propres à leur pays (« Agriculture biologique » en France et « Ecologica Bio Organic » en Espagne). La grande majorité de ces pollens provient donc de zones davantage préservées de la pollution. Cette précaution est recommandée pour le pollen, considéré par certains scientifiques comme un bio-indicateur reflétant précisément la contamination de l’environnement(1,2).
Pour la moitié de ces produits (de Traay, Bee Care et l’Abeille heureuse), l’étiquetage comprend également un tableau de composition nutritionnelle. Il s’agit d’une information complémentaire recommandée, mais cette donnée n’est pas obligatoire en règle générale pour ce produit. En effet, tout comme le miel, le pollen en pelotes est un produit non transformé qui comprend un seul ingrédient. Il est donc exempté de l’étiquetage nutritionnel, rendu aujourd’hui obligatoire pour la majorité des produits alimentaires.
Concernant le prix, ces échantillons de pollen séché affichent des prix assez proches, de l’ordre de 60 à 65 €/kg, avec un prix légèrement plus attractif pour celui de la marque de Traay qui est vendu en quantité plus importante. Le pollen cru congelé est quant à lui proposé au prix un peu plus élevé de 83,5 €/kg.
Traitement, conditionnement et conservation
Les trappes à pollens représentent la technique la plus utilisée pour récolter les pollens à l’entrée de la ruche. A ce stade, le pollen aggloméré en pelotes contient trop d’humidité et ne peut pas se conserver à température ambiante. Il est donc indispensable de le déshydrater (par séchage à max. 40°C), de le lyophiliser ou de le congeler à -18°C afin d’éviter le développement de micro-organismes et d’assurer sa bonne conservation. Le séchage appliqué doit être le plus modéré possible (combinaison optimale de temps, température, ventilation et humidité ambiante) pour réduire au minimum la dégradation des composés bénéfiques tandis que la congélation ne cause pas ou très peu de changement significatif sur la composition nutritionnelle du pollen. Cette dernière est par conséquent à privilégier mais inconvénient majeur, elle demande des installations de conservation et de transport plus conséquentes pour le respect de la chaîne du froid et le maintien à -18°C. Cette contrainte importante a un impact direct sur la disponibilité des pollens qui sont commercialisés. Le pollen frais non déshydraté et congelé est en effet plus rarement proposé à la vente. Lors de cette étude, un seul échantillon de pollen congelé a pu être trouvé dans les commerces à proximité du CARI (Louvain-la-Neuve), tandis que plusieurs variétés de pollens séchés étaient disponibles. Le pollen Bee-Care de Nectar & co, étiqueté comme partiellement déshumidifié, se situe quant à lui à un stade d’humidité intermédiaire, un peu plus élevé que les pollens séchés. Ce séchage moins poussé a pour principal objectif de préserver davantage les propriétés santé du pollen, tout en permettant des pratiques de conservation plus aisées à mettre en œuvre (température réfrigérée et non congelée). Concernant le matériau utilisé pour l’emballage, la norme ISO 24382:2023 préconise les règles à suivre pour tout produit alimentaire : dans des récipients hermétiques de qualité alimentaire, en matériau n’affectant pas la qualité du pollen et le protégeant du rayonnement UV. Parmi les produits évalués, seul le pollen Bee-Care de Nectar & co est conservé dans un sachet opaque le préservant des rayonnements de la lumière. Les autres échantillons sont conditionnés en pot de verre, ou de plastique pour le pollen cru congelé de l’Abeille Heureuse. Concernant la durée de conservation, le pollen congelé, sec ou lyophilisé ne doit pas être stocké pendant plus de deux ans. Ce critère est bien respecté par l’ensemble des pollens de cette étude comparative.
Composition, pureté et origine
La composition des six pollens de cette étude a été caractérisée par différentes analyses réalisées soit au laboratoire du CARI, soit au laboratoire de Meurice R&D/Labiris. Les résultats de ces analyses sont présentés en Tableau 2. Ces résultats sont exprimés en pourcentage de la composition totale. Lors de cette étude, les résidus éventuels de produits de traitement (antibiotiques, pesticides,…) ou de pollution environnementale n’ont pas été évalués.
Le taux d’humidité est un critère important pour la bonne conservation du pollen. La norme ISO 24382:2023 fixe un maximum de 8 ou 9 % (selon la méthode d’analyse appliquée) pour le pollen sec et aucune limite pour le pollen frais congelé. Nous constatons que tous les pollens de cette étude répondent à la limite préconisée par la norme.
La teneur en cendres reflète la teneur en minéraux dans le pollen. Elle varie selon l’espèce florale et l’origine géographique, mais aussi selon le type de sol et la capacité de la plante à accumuler des minéraux dans le pollen. Une teneur trop élevée en cendres peut également être une indication d’impuretés d’origine minérale, liée à un mauvais nettoyage du pollen. Les teneurs en cendres des pollens étudiés sont de l’ordre de 2 à 3 %. Ces résultats respectent le minimum de 1 % préconisé par la norme 24382:2023 et sont proches des valeurs citées dans la littérature scientifique : moyenne de 2,9 %, sur une gamme allant de 0,5 à 7,8 % en cendres3.
Le pollen frais est un produit très complet, qui renferme de nombreux nutriments intéressants. Sa composition nutritionnelle est cependant très variable d’un pollen à l’autre, principalement en fonction de son origine botanique. Une synthèse scientifique, réalisée sur base de l’examen de plus de 100 études, cite des gammes assez larges pour les différents composés : moyenne de 54,2 % (18,5-84,3 %) en glucides dont les sucres, moyenne de 21,3 % (4,5-40,7 %) en protéines et moyenne de 5,3 % (0,4-13,5 %) en lipides(3).
Les résultats obtenus dans le cadre de cette étude pour les teneurs en glucides, lipides, et protéines confirment des différences entre échantillons de pollens, mais qui restent bien dans les limites citées dans la littérature scientifique et/ou préconisées par la norme 24382:2023 (Tableau 3).
Parmi ces composés, il est néanmoins intéressant de noter que les pollens Beelgium et Bee Care présentent des teneurs en protéines plus élevées. Comme vous le savez, les protéines constituent une catégorie de nutriments indispensable à notre organisme, en intervenant dans de nombreux processus vitaux pour notre corps. Une teneur plus élevée en protéines est par conséquent un avantage en termes d’apports nutritifs pour le consommateur. Les plus faibles résultats obtenus lors de notre étude se situent à 16 %, valeur toujours bien supérieure à la limite minimale de 10 % préconisée par la norme.
Les polyphénols constituent une autre famille de composés intéressants en raison de l’activité antioxydante qui leur est associée. Ces molécules sont en effet capables d’interagir avec les radicaux libres de notre organisme et fournissent à nos cellules une protection contre les méfaits causés par le vieillissement ou l’exposition prolongée à des éléments tels que les infections, les rayons UV du soleil, la pollution... Bien que cette famille de composés soit très étendue et diversifiée, ils sont en partie responsables avec d’autres de l’activité antioxydante et biologique reconnue au pollen4. Les pollens de cette étude présentent tous des teneurs en polyphénols assez proches, de l’ordre de 10 à 15 mg d’équivalents acide gallique (AG) par gramme de pollen. La norme ne fixe aucune prescription concernant la teneur minimale requise en ces composés tandis que la littérature scientifique décrit une teneur moyenne de 30,6 mg éq.AG/g de pollen, avec des variations allant de 0,7 - 213,2 mg éq.AG/g3, qui sont principalement fonction des origines botaniques et géographiques. En raison de l’origine multiflorale des pollens de cette étude, ceux-ci se situent dans la gamme de concentrations généralement rencontrée pour ces composés.
Origine florale
Pour déterminer correctement l’origine botanique des pelotes de pollen, une analyse palynologique s’avère très utile. En première approche, la couleur du pollen apporte une première indication sur la diversité des pelotes. Mais il faut savoir que la couleur d’une même espèce botanique peut varier légèrement en fonction de sa maturité et par ailleurs, une couleur similaire peut être présentée par plusieurs espèces. L’analyse palynologique reste donc le moyen le plus fiable pour identifier l’origine florale des pelotes de pollen, et classer le produit sous une appellation mono- ou multiflorale. La norme préconise l’appellation « Pollen monofloral » avec indication de la plante dominante, si le pourcentage en volume de ce pollen est d’au moins 80 % du volume total de pollens présents. Dans les autres cas, c’est l’appellation « Pollen multifloral » qui doit apparaître et il est préconisé d’inclure une liste des plantes (au moins trois) le constituant pour informer au mieux les consommateurs lors de leur achat. Cette dernière recommandation n’est cependant suivie sur aucun des emballages de cette étude.
Concernant l’origine géographique mentionnée, aucune anomalie n’est constatée. Les espèces végétales identifiées dans les six échantillons de pollens étudiés, et présentées en Tableau 4, sont en concordance avec les origines géographiques annoncées. Et par ailleurs, la présence d’espèces végétales appartenant à des familles davantage répandues hors Europe ou dans les régions subtropicales à tropicales n’est pas relevée.
Conclusion
Ces dernières années, un intérêt croissant des consommateurs est observé pour les composés bioactifs naturels, tels que le pollen, qui présentent un profil nutritionnel intéressant pour aider à pallier des carences de notre régime alimentaire.
Les résultats obtenus dans le cadre de cette étude sur six échantillons de pollen commercialisés à proximité du CARI, sont conformes et répondent aux critères et limites préconisés par la norme concernant les constituants nutritionnels. La composition nutritionnelle est cependant très variable d’un pollen à l’autre, principalement en fonction de son origine botanique. Pour compléter l’étiquetage et informer au mieux les consommateurs (règlement UE 1169/2011), l’idéal serait cependant que le tableau de composition nutritionnelle figure à chaque fois sur l’emballage et que les producteurs ajoutent la liste des origines florales des pollens majoritaires composant le produit.
La publication de la norme ISO 24382:2023 est une réelle avancée qui clarifie et définit les exigences de qualité et de traitements spécifiques au pollen en pelotes. Il revient maintenant au législateur en la matière d’imposer ou non les exigences de cette norme au travers d’une directive européenne et d’un arrêté royal belge.
Références biblio :
- 1. Renata Cabrera de Oliveira, Sonia Claudia do Nascimento Queiroz, Cynthia Fernandes Pinto da Luz, Rafael Silveira Porto, Susanne Rath. Bee pollen as a bioindicator of environmental pesticide contamination. 2016. Chemosphere, vol. 163, pp 525-534. https://doi.org/10.1016/j.chemosphere.2016.08.022
- 2. Federica Flamminii, Ada Consalvo, Angelo Cichelli, Alessandro Chiaudani. Assessing mineral content and heavy metal exposure in Abruzzo honey and bee pollen from different anthropic areas. 2024. Foods, 13(12), 1930. https://doi.org/10.3390/foods13121930
- 3. Mamta Thakur, Vikas Nanda. 2020. Composition and functionality of bee pollen : a review. Trends in Food Science & Technology, vol. 98, pp 82-106. https://doi.org/10.1016/j.tifs.2020.02.001
- 4. Anna Rzepecka-Stojko, Jerzy Stojko, Anna Kurek-Górecka, Michał Górecki, Agata Kabała-Dzik 5, Robert Kubina 6, Aleksandra Moździerz, Ewa Buszman. 2015. Polyphenols from bee pollen : structure, absorption, metabolism and biological activity. Molecules, Dec 4, 20(12), pp 21732-49. https://doi : 10.3390/molecules201219800