A l’époque, c’était le chemin à suivre préconisé par tous les scientifiques. Il m’a fallu plus de 25 ans pour comprendre le message très sage que m’avaient transmis plusieurs apiculteurs proches de leurs abeilles.
Aujourd’hui, on sait bien que cette politique cherchant à maîtriser les acariens a porté ses fruits jusqu’à l’apparition des premières résistances aux molécules de synthèse. C’est par un tel contrôle généralisé ne laissant que très peu de colonies se défendant de par elles-mêmes qu’on est arrivé à juguler temporairement la varroase. On est également rentré dans une course effrénée à l’utilisation des médicaments avec tous les problèmes qui s’en suivent : résidus dans les colonies et les produits apicoles, affaiblissement du système immunitaire des abeilles, résistance des varroas à plusieurs matières actives.
On a réalisé un travail à contre sens de ce qu’on aurait dû faire, à savoir renforcer le système immunitaire des abeilles, accélérer la sélection naturelle en éliminant les reines des colonies qui développent rapidement les varroas et limiter autant que possible les réinfestations. Cela demande naturellement un contrôle et un savoir faire que beaucoup d’apiculteurs n’étaient pas et ne sont probablement toujours pas prêts à assurer.
Ne répète-t-on pas les erreurs du passé lorsque, en remplacement des traitements, on privilégie aujourd’hui une sélection génétique pointue, assistée dans la mesure du possible par des marqueurs ?
L’objectif de ne conserver que les lignées porteuses du précieux caractère de résistance recherché ne risque t-il pas de générer d’autres problèmes comme le soulève Philippe Aimé dans son article ? Pourtant, si l’on observe la nature, de plus en plus de cas d’apparition de résistances naturelles sont confirmés principalement dans des environnements où très peu de traitements sont réalisés et où l’on a maintenu une grande biodiversité. Dans ces zones, les colonies apprennent en quelques années (2 à 5 ans) à se défendre contre ce parasite. Ce n’est possible que lorsqu’on respecte les besoins des abeilles. Le responsable du programme de sélection européen (EurBest) a redit l’importance à accorder à ces colonies qui nous montrent les pistes prises par les abeilles pour mieux résister aux varroas. On ne parle jamais de race pure ou de sous-races mais bien de colo nies locales qui ont subi des hybridations souvent multiples au fil des ans et qui se sont adaptées en conservant dans leur pool génétique les caractères qui assuraient leur survie.
Cela montre l’intérêt des colonies férales (retournées à l’état naturel) qui survivent pendant plusieurs années dans notre environnement sans traitement et sans nourrissement. Elles devraient être choyées quel que soit leur pedigree ou leur couleur car elles portent probablement dans leur patrimoine génétique les éléments indispensables pour apporter à nos abeilles la résilience dont elles ont tant besoin aujourd’hui. En fin de compte, ce sont ces caractères qui font le succès de notre abeille noire indigène qui a pu s’adapter au fil des ans à notre région. Nos programmes de sélections devraient se baser région par région sur ces colonies modèles et des éleveurs disposant d’une grande expérience (avec des années d’observations, de connaissances, de ressenti) pourraient réaliser un travail d’orfèvre en adaptant progressivement leur descendance pour qu’elle puisse mieux répondre aux critères de douceur et de productivité demandés par la majorité des apiculteurs.
Il n’y a pas une bonne race ou lignée, mais il y a une multitude d’abeilles bien adaptées à leur environnement et moins sensibles aux aléas climatiques. Laissons la nature agir et ensuite, réalisons ce travail d’élevage et de sélection qui permettra de répondre aux conditions économiques et/ou sociales demandées par la culture des abeilles. Chaque apiculteur doit cependant pouvoir gérer ses colonies et les suivre en multipliant celles de son choix.
La nature doit être notre source principale d’inspiration. La diversité du patrimoine génétique et le respect profond des abeilles sont les vraies clés pour l’avenir. Elles permettent de maintenir la grande diversité du patrimoine. Naturellement, le travail est sans fin et n’apporte pas de résultats à 100 %. Etre apiculteur va toujours demander un suivi de ses abeilles et une connaissance approfondie de