Les paramètres de vol
Comme nous le savons tous, les butineuses volent pour aller chercher le nectar et le pollen dont elles ont besoin. Leur vol est cependant conditionné par plusieurs éléments. Bien que la taille de l’espèce d’abeille va limiter le périmètre qu’elles pourront visiter, ce sont surtout les paramètres météorologiques et environnementaux qui vont déterminer leurs vols. D’une part, l’abondance en ressources nectarifères aux alentours est primordial. La production de ces plantes est liée à la météo. Des conditions favorables permettront aux plantes de s’épanouir alors qu’une pluie intense lavera le nectar. D’autre part, ces facteurs météorologiques influencent immédiatement le comportement des abeilles. Un vent et une pluie trop forts peuvent limiter leurs sorties alors que le soleil et des températures adéquates les inciteront à voler.
La technologie déjà au service des apiculteurs
En apiculture, divers capteurs permettent de récolter des données sur les colonies. Des compteurs optiques ou l’analyse d’images permettent de surveiller l’activité de vol. Les balances électroniques aident à la surveillance de la miellée. Quant à l’activité interne de la ruche, on peut la surveiller avec des sondes et des capteurs thermiques et de vibrations. D’autres études cherchent à modéliser le comportement des colonies. On peut citer une étude anglaise qui modélise la sortie des abeilles selon les conditions météorologiques en se basant sur les données de compteurs optiques placés à l’entrée de la ruche. Une seconde étude belge tente de prédire la production potentielle de miel selon les éléments environnant la ruche. Ce sont deux approches qui considèrent d’une part les conditions météorologiques et d’autre part l’environnement dans leur modélisation. L’idée de mettre une application entre les mains de l’apiculteur est aussi déjà exploitée. Hivelog, par exemple, est une application de prise de notes des constatations ou des actions entreprises lors des visites des ruches.
Le cadre du TFE
Ce travail de fin d’études a été réalisé dans ce contexte d’exploitation de la technologie afin d’aider les apiculteurs. Le but étant de leurs permettre de prévoir avec plus de certitude l’évolution de la miellée quelques jours à l’avance. Le travail a eu pour finalité de mettre en place un outil informatique capable de prédire la variation de poids de la ruche selon la météo. Lorsqu’il sera abouti, ce dispositif prévisionnel permettra aux apiculteurs d’adapter et de prévoir les visites des ruches.
Les bases de données
Pour développer un modèle de prédiction de miellée, il a fallu récupérer les données adéquates et ce en grande quantité pour assurer un modèle suffisamment précis. Pour ce faire, les données de 16 ruches du réseau de balances du CARI ont été récoltées sur une période de 9 ans. À partir du site web du CARI, il a également été possible d’obtenir les commentaires des apiculteurs qui complètent le journal de leur ruche en ligne. Concernant les données météorologiques, l’IRM nous a fourni, pour la même période de temps, celles qui correspondaient aux communes des ruches respectives. Ces mesures sont relatives à la région dans laquelle se trouve la ruche et non à sa position exacte. Par conséquent, nous perdons légèrement en précision. Les données météorologiques mises à disposition par l’IRM sont le rayonnement solaire, la durée d’insolation, la quantité de précipitation, la vitesse du vent et le taux d’humidité.
La préparation des données
Avant d’établir un modèle de prédiction, il est primordial de s’assurer que les données avec lesquelles on travaille sont correctes. C’est pourquoi il faut passer par une étape d’analyse et de nettoyage des données. Les apiculteurs qui écrivent des commentaires sur le site le font en général pour signaler un problème ou expliquer une manipulation qui a causé un écart dans les mesures de la balance. Le CARI analyse ces commentaires et en déduit des corrections de mesures lorsque c’est nécessaire. Il a fallu comprendre et généraliser cette méthode de correction sur l’ensemble des données collectées pour le travail. On prête attention aux variations de poids par jour qui paraissent trop grandes par rapport au travail de nos butineuses. Il a été constaté que lorsque le CARI apporte une correction aux données, elle consiste de manière générale à mettre la variation de poids à une valeur nulle ou proche de 0 kg. Comme plus de 80 % des données commentées ont été corrigées par le CARI, il a été décidé de procéder de la même manière sur l’ensemble des données associées à un commentaire en ramenant ces variations de poids à 0 kg. Par ailleurs, il est fréquent de faire face à des données qui semblent aberrantes mais pour lesquelles l’apiculteur n’a entré aucune information. On a déterminé pour celles-ci qu’une variation de poids supérieure à 10 kg par jour devait être corrigée. Par contre pour les variations de poids supérieures à 5 kg mais n’excédant pas les 10 kg, il a fallu travailler au cas par cas. La décision de corriger la donnée ou non se faisait selon le relevé de température et si l’évolution de poids des ruches aux alentours était similaire ou non. Quant aux données météorologiques qui sont mesurées par les balances, elles présentaient trop d’aberrations et d’erreurs de mesures que pour être utilisées dans ce travail. C’est pourquoi nous avons fait appel à l’IRM qui fournit des données plus fiables et comparables entre sites.
Le premier essais de modélisation
À présent, il est possible d’exploiter les données nettoyées pour en déduire un modèle de prédiction de variation de poids. Pour cela, nous utiliserons les variables à notre disposition, à savoir les températures, le rayonnement solaire, la durée d’insolation, l’humidité, la quantité de précipitation, la vitesse du vent et le mois de l’année. Après plusieurs essais de modélisation, notre choix s’est dirigé vers la construction d’un arbre de décision. Ce type de modèle hiérarchise les données selon les variables pour leur attribuer une catégorie ou une valeur, dans notre cas, de variation de poids. On construit l’arbre de décision sur base des données historiques à disposition pour qu’il soit adapté à tous les scénarios possibles et qu’il puisse servir avec des données futures. À chaque étape, le modèle va interroger les données en employant les variables comme des critères de décision. Selon la valeur de cette variable, le processus continue vers une sous-branche de l’arbre qui va à son tour interroger la donnée. Ainsi de suite jusqu’à arriver à la cime de l’arbre où la donnée se voit attribuer une variation de poids probable qui correspond aux données météorologiques entrées. Le modèle établi durant ce TFE présente une erreur de prédiction moyenne de 0.27 kg sur la variation de poids réelle attendue. En observant la prédiction sur l’année 2020 par rapport aux variations réelles de poids de cette même année, l’évolution de la courbe est assez fidèle. Nous remarquons cependant que le modèle continue de prédire une augmentation de poids sur la période de juillet à août. Ce qui traduit que le modèle n’arrive pas à prendre en compte qu’à cette période, malgré la météo favorable à la miellée, les abeilles ne trouvent plus de ressource en nectar dans leur environnement.
Les premières prévisions de miellée
À terme, le modèle sera employé dans une application pour prédire les variations de poids de la semaine à venir selon les prévisions météorologiques que l’IRM annoncera. Ce qui signifie que les données seront prédites à partir d’une information qui évolue au fil des heures. Ce phénomène augmente la marge d’erreur de prédiction de notre modèle. En le perfectionnant d’avantages, nous devrions limiter cet effet.
Les obstacles à vaincre
Afin d’améliorer le modèle, plusieurs pistes peuvent être suivies. Dans un premier temps, limiter les erreurs à la prise de mesures des balances serait vraiment idéal. L’analyse détaillée heure par heure devrait mieux permettre d’enlever les données de prises ou de pertes brutales de poids. L’idéal serait naturellement que chaque apiculteur travaille avec un matériel précis pour les ruches placées sur les balances et d’instaurer une méthodologie de prise de notes régulière et précise. La confiance et l’efficacité du traitement des données seraient plus fiables. Pour cibler l’erreur de prédiction sur le mois de juillet et août, le modèle devra considérer l’environnement des ruches pour associer l’état de la flore nectarifère à la miellée. D’autres éléments peuvent être pris en compte tels que les informations sur l’état interne de la colonie ou bien la période de pluie sur la journée et non plus uniquement la quantité par jour car une pluie intense sur 1h de temps n’empêchera pas les abeilles de sortir par après.
Le développement de l’application
Lorsque le modèle sera suffisamment précis, une application pourra être développée et mise à disposition des apiculteurs. Celle-ci pourra présenter par région une carte présentant la météo des miellées. Il sera même possible d’obtenir des informations plus précises par jour et par ville.
Nous espérons que ce travail pourra être poursuivi par un nouvel étudiant et que cet outil puisse vous être proposé dans un futur proche. D’ici là, je vous souhaite de belles miellées.