Apprendre des abeilles

Etienne Bruneau

« Learning from the bees ! » Apprendre des abeilles, c’est tout un programme ! C’est aussi le thème d’un congrès de trois jours organisé du 31 août au 2 septembre par l’association anglaise Natural Beekeeping Trust, à Doorn près d’Utrecht aux Pays-Bas.

Un beau succès d’assistance pour cette première, avec plus de 350 inscrits et des inscriptions clôturées plusieurs semaines avant l’événement ! Il est vrai que l’affiche présentait quelques belles pointures en apiculture. A cette occasion, j’ai découvert une nouvelle facette du monde de l’abeille et de ses défenseurs. Voici quelques messages inspirants rapportés de ce congrès.

La philosophie


C’est Jonathan Powel, membre du Natural Beekeeping Trust et organisateur de ces journées, qui a défini le cadre de travail. Son association vise à promouvoir l‘apiculture durable et cherche à comprendre les besoins essentiels des abeilles tout en soutenant activement l‘agriculture et l‘horticulture biologiques/biodyna miques qui devrait permettre d’assurer la santé de l‘abeille mellifère à long terme. Dans son discours d’accueil, Jonathan s’est réjoui d’accueillir tous les « gardiens d’abeilles » qui élèvent des abeilles pour leur bien. En introduction, il a posé les questions suivantes : quelle est la place de l’abeille dans notre cœur ? Aidons-nous les abeilles où les abeilles nous aident-elles ? Comment amener cette source d’inspiration qu’est l’abeille à devenir suffisamment puissante pour permettre une réelle transformation de nos valeurs ? Comment faire des émules ? Etant donné les changements profonds de notre environnement et la crise écologique d’une ampleur jamais égalée, les membres du Natural Beekee ping Trust ressentent le besoin d’être guidés par les abeilles.

Les objectifs du congrès

L’introduction de ce congrès résume bien l’esprit dans lequel il s’est déroulé : « Nous pensons que le temps est venu de reconnaître la place de l‘abeille dans ce monde comme une créature digne de respect et de protection à part entière. Au lieu de faire passer les besoins des apiculteurs en premier, nous devons nous demander ce que nous pourrons offrir aux abeilles pour assurer leur avenir. Comment le comportement naturel des abeilles peut-il influencer notre façon de façonner et de conserver les paysages agricoles ainsi que nos pratiques apicoles ? Bref, comment et que pouvons-nous apprendre des abeilles ? ». C’est donc l’abeille qui est au centre du débat et pas les besoins de l’apiculture. Les mots « produits de la ruches », « production »… ne font pas partie du dis cours. Le retour aux sources c’est-à-dire la manière dont les abeilles vivent dans la nature, est en quelque sorte la clé du savoir.

Sur base de cette connaissance et en analysant l’état de dégradation auquel certains de nos paysages sont arrivés, comment recréer un environnement qui leur est favorable ? Comme le disent les organisateurs, apprendre des abeilles, cela recouvre non seulement le plan technique mais également l’écoute attentive des messages que ces pollinisateurs nous livrent sur nous-mêmes et sur notre relation à la nature. C’est ainsi qu’à côté de sessions à caractère scientifique ou technique, plusieurs modules ont été consacrés aux créations artistiques et aux inspirations spirituelles, ce qui n’étonne pas dans le contexte anglo-saxon dans lequel s’inscrivait l’événement.

Les amoureux des abeilles

Etre amoureux des abeilles, c’était le point commun, le point de liaison et de dialogue entre les différentes personnes présentes : apiculteurs amateurs, chercheurs consacrant leur vie à la compréhension des abeilles, artistes et personnes en quête de spiritualité tirant des abeilles leur source d’inspiration. Le public était donc très diversifié et venait de 15 pays différents essentiellement de pays anglophones (Grande-Bretagne, USA, Australie…) et relativement peu du monde latin (au maximum 10 individus francophones).


Du côté scientifique, on notait la présence de la référence internationale en matière d’apiculture naturelle, à savoir le professeur et chercheur américain Thomas Seeley, comptant près de 160 publications sur les abeilles et leur comportement.


Etaient également présents le professeur Peter Neumann, responsable de COLOSS et de la section « Abeilles survivant au Varroa par des moyens de sélection naturelle », le chercheur Tjeerd Blacquière de Wageningen spécialisé dans la résistance aux varroas acquise naturellement, Torben Schiffer, collègue de Jürgen Tautz de l’Université de Wurzburg, travaillant sur les colonies naturelles dans les troncs d’arbres et d’autres chercheurs moins connus des apiculteurs du monde francophone où le concept d’apiculture naturelle n’est pas encore très bien diffusé. Plusieurs artistes et créateurs étaient également présents. Citons l’écrivain Heather Swan auteur de « The Honeybees Thrive » (Où les abeilles prospèrent) et plusieurs plasticiens et musiciens… Astrid Schoots, professeure de musique et d’apiculture, a mis tout le monde en harmonie, en faisant chanter des comptines apicoles à l’auditoire au début de chaque journée.

Le public apiculteur était principalement constitué de « gardiens d’abeilles ». Les apiculteurs « conventionnels » (qui travaillent avec des ruches en vue de la production de miels ou d’autres produits de la ruche) et les apiculteurs « commerciaux » (qui ont une finalité économique marquée) étaient en minorité et parfois pointés du doigt. Cela s’explique par le fait qu’aux USA, les apiculteurs commerciaux sont souvent alliés aux groupes phytosanitaires. Gare aux nouveaux clivages dans le monde apicole sur base de ces différences entre « producteurs » et « gardiens » !

La sélection naturelle

La sélection naturelle est différente de la sélection que nous opérons sur nos abeilles. Généralement, nous recherchons les colonies les plus rentables en nous basant principalement sur la génétique. Dans la colonie, la nature nous montre des exemples de sélection. Le mâle est une vraie machine à féconder, conçu pour réaliser cette tâche exclusivement. Les rayons de cire sont bâtis de façon optimale afin d’économiser au mieux la matière première. Le pourcentage de cire à mâles correspond idéalement à la quantité de mâles dont a besoin la colonie (entre 10 et 25 %).

Les abeilles construisent des murs de propolis en automne pour se protéger. Leur thermorégulation est très sophistiquée. La capacité qu’ont les colonies à trouver des sites de butinage est également remarquable. On constate que la sélection naturelle utilise tout ce qui va dans son sens et on a bien du mal à voir tous les mécanismes impliqués. C’est par exemple le cas de la lutte contre varroa : comportement hygiénique, mutilation de varroas, désoperculation et réoperculation de cellules, etc. sont une imbrication d‘éléments que la sélection artificielle ignore, se por tant généralement sur le comportement hygiénique ou sur la suppression de la reproduction des varroas.

Comment résister au varroa ?

Thomas Seeley a fait un premier inventaire dans la forêt d’Arnot (NY, USA) en 1978. Il y dénombrait une colonie par km2. La varroase est arrivée en 1992. En 2002, dix ans plus tard, il a voulu voir s’il restait encore des colonies sauvages. A sa grande surprise le nombre de colo nies n’avait pas diminué même si elles avaient toutes des varroas. 9 % des colo nies avaient du couvain plâtré et aucune n’avait de loque (européenne ou américaine).

Son équipe a vérifié différentes hypothèses qui permettaient d’expliquer ce phénomène. Les chercheurs ont ainsi observé sur le plan génétique que les populations actuelles provenaient d’un nombre limité de colonies mères mais qu’elles avaient pu malgré tout conserver une bonne diversité génétique, réussite imputable principalement aux fécondations multiples.

D’autres études ont porté sur la façon dont les abeilles vivent dans la nature. Les chercheurs ont ainsi testé l’incidence de la proximité des colonies, la cavité choisie par les abeilles et la structure du nid.
Dans la nature la distance entre les colo nies tourne autour de 900 m. Ils ont comparé un rucher de 12 colonies proches d’un rucher de 12 colonies espacées chacune de 21 à 73 m. Après deux ans sans traitement les 12 colonies « proches » étaient mortes et dans les colonies « espacées », 5 colonies, ayant essaimé, sur 12 avaient survécu.

Le volume de la cavité est également important. A l’état naturel, la majorité des cavités occupées aura un volume proche du volume d’un corps Langstroth. Les chercheurs ont ainsi mené une expérience où a été comparée l’évolution des varroas dans des colonies gardées sur un corps par rapport à d’autres sur 4 corps (volume habituel utilisé par les apiculteurs américains). 10 colonies sur 12 ont essaimé sur un corps pour 2 sur 12 sur quatre corps. En fin d’été, ils ont dénombré 6,2 ± 3,5 varroas/ 100 abeilles (33 % avec des ailes déformées) dans les grandes ruches pour 1,1 ± 1,6 varroas : 100 abeilles (aucune avec des ailes déformées) dans les petites. L’essaimage correspond à une perte de varroas de l’ordre de 70 à 80 %. Les colonies sur un corps survivent ainsi beau coup mieux face aux varroas.

Dans les cavités naturelles, à la différence de nos ruches, les abeilles tapissent les parois d’une importante couche de propolis formant ainsi un manteau anti-microbien. Cela les aide à combattre efficacement certains agents pathogènes. Ainsi, on peut dire que les abeilles à l’état naturel mettent en place une sélection génétique mais elles ont également une stratégie de défense basée sur le choix de leur site de nidification : isolement, volume, aseptisation. Il existe certaine ment d’autres paramètres qui n’ont pas encore été identifiés.

Thomas Seeley résume la situation. Nous avons appris :
• Que les abeilles européennes peuvent survivre sans traitement chimique contre varroa ;
• Que les colonies sauvages ont bénéficié d’une forte sélection naturelle dans les 20 dernières années, probablement liée au varroa ;
• Que la façon dont on détient des abeilles ne correspond pas à ce qu’elles vivent dans la nature et ne leur est pas vraiment favorable :

  • Entassées dans les ruchers (diffusion facile des maladies) ;
  • Ruches de grand volume (plus grande production de miel mais moins d’es saimage et moindre santé des colo nies) ;
  • Propolisation des parois découragée (défense naturelle plus faible contre les infections microbiennes).
    Thomas Seeley fait plusieurs propositions pour éviter les traitements :
    • Prendre des essaims provenant de zones avec des colonies établies à l’état natu rel (colonies présentant une résistance au Varroa) ;
    • Disperser ses ruches (moins de diffu sion des maladies et plus particulière ment des acariens) ;
    • Garder les colonies dans de plus petites ruches et les laisser essaimer (moins de miel mais également un niveau d’aca riens plus faible) ;
    • Placer du matériel de récolte de la propolis sur les parois intérieures des ruches (stimule la production d’une couche de propolis) ;
    • Elever des reines au départ des colo nies qui survivent (garder le patrimoine adapté localement) ;
    • Donner aux colonies qui survivent un cadre de cellules de mâles par corps de ruche (favorise le succès génétique des survivantes).

L’hôpital Darwin pour les abeilles mellifères

Si l’on recherche l’aptitude des colonies à se reproduire, le nombre d’essaims sera déterminant ainsi que leur capacité à survivre. Sur base de cet objectif biologique, le chercheur Peter Neumann fait une analyse assez critique de notre façon d’agir envers les abeilles. De fait, en apiculture, l’apiculteur joue un rôle essentiel car il intervient à divers niveaux. Il illustre son propos au départ de plusieurs exemples :
• L’importation massive de reines italiennes (Sicile) en Finlande illustre de façon criante l’impact que peuvent avoir les apiculteurs. De telles importations perturbent les interactions exis tantes entre le génotype de l’abeille et l’environnement, par exemple les transferts d’immunité de la reine à sa descendance. Les nombreux échanges internationaux de reines interfèrent sur le patrimoine génétique local et sur les mécanismes d’adaptation aux conditions environnementales locales de l’ensemble des colonies.
• La recherche de colonies peu essai meuses placées dans des conditions qui vont limiter cet essaimage limite la sélection naturelle.
• La découpe du couvain de mâle (qu’il préconisait dans le passé) constitue une réelle castration des colonies qui peut avoir un impact sur l’adaptation locale des colonies.
• Toute la lutte contre l’essaimage sans division pratiquée par les apiculteurs s’oppose clairement au mécanisme de reproduction qui apporte aux colonies un dynamisme indispensable.
• Eviter la production de propolis a un impact sur le système immunitaire des abeilles.
• L’élevage des reines avec picking ne va pas permettre à la colonie de choi sir les larves adaptées à la produc tion de reines (fratrie royaliste à côté des fratries gardiennes, récolteuses de pollen, nettoyeuses de cadavres, etc.). La fratrie qui produit des reines est assez peu représentée chez les abeilles. L’éleveur ne sait pas déter miner à partir de quelle fratrie il lance son élevage.
• Le choix des mâles lors de l’insémination artificielle ne permet pas de sélectionner les mâles les mieux adaptés pour féconder les reines. De plus, la diversité génétique utilisée pour les fécondations est plus faible que ce que l’on observe dans la nature.
• Tous les intrants dans la colonie (les traitements effectués pour lutter contre varroa, les sirops de nourrisse ment…) ne sont pas neutres pour les abeilles.
• La transhumance ou la qualité des emplacements choisis va naturelle ment influencer l’alimentation et les capacités de développement des colonies.

Il est évident que la prise en compte de la sélection naturelle ne résoudra pas tous les problèmes de l‘apiculture. Cependant, des solutions durables pour le secteur apicole ne peuvent être réalisées qu‘en tirant parti de la sélection naturelle et non en essayant de la limiter.

Bee nature


Dès 2006, le biologiste Torben Schiffer s‘est mis à la recherche d‘ennemis naturels de l‘acarien varroa, car déjà à cette époque, il est devenu évident, en raison des pertes croissantes de populations d’abeilles, que les méthodes de lutte habituelles ne permettraient pas de trouver une solution durable. Il travaille actuellement sur le projet allemand Bee nature . Dans ce cadre, il a étudié de près les cavités occupées par les abeilles. Il travaille sur la vie dans ces cavités et plus particulièrement sur la température et l’humidité avec la condensation qui y est liée. La chaleur se concentre sur le haut des cavités ce qui n’est pas le cas dans la plupart de nos ruches. Les réserves sont donc toujours accessibles même lors des hivers les plus froids.


En parallèle, il a analysé des ruches à simples parois et a mis en évidence leur sensibilité à une augmentation de l’humidité relative, ce qui favorise le développement de nombreux organismes pathogènes. L’ajout d’un plancher grillagé résout dans la plupart des cas les problèmes d’humidité en excès mais provoque de très grandes variations diurnes et annuelle de la température dans la ruche. Si cela ne semble pas trop perturber les abeilles, cela génère cependant une consommation plus importante et perturbe les organismes plus sensibles qui y sont associés. Pour créer des conditions idéales pour les symbiotes, les ruches devraient être adaptées, mieux isolées, et le toit devrait mieux réguler l’humidité.
Il a constaté que dans les arbres creux, les abeilles déposaient une grosse couche de propolis en y laissant des microperforations. Celles-ci permettent le passage de vapeur d’eau tout en restant imperméables à l’eau sous forme liquide. La couche de propolis agit ainsi comme du Gore-Tex. La vapeur d’eau passe dans l’âme de l’arbre et la colonie évite ainsi toute condensation et humidité excessive.

Par rapport aux varroas, il a constaté que les abeilles avaient un comportement d’épouillage bien marqué dans les cavités. Remises dans des colonies de plus grand volume, elles peuvent perdre ce comportement.


C’est également Torben Schiffer qui a mis en évidence la présence de micro-scorpions (Chelifer cancroides) qui peuvent limiter le nombre de varroas (voir article de Agnès Fayet « Retour à l’équilibre » dans Abeilles&Cie n°173). Ces alliés ne peuvent vivre dans nos ruches qui ne comptent pas d’anfractuosités et qui subissent des traitements.

http://beenature-project.com/Aktuelle-Forschungen/Propolisforschung

Fort Knox


Bartlomiej Maleta nous a expliqué le choix du nom de Fort Knox, inspiré d’une célèbre prison américaine, pour ce projet polonais visant à rechercher et à diffuser les colonies naturellement résistantes aux varroas. Lui et son équipe ont fait le constat qu’au départ de quelques colonies, la probabilité de trouver un potentiel génétique prometteur est très faible et qu’un apiculteur seul va probablement se décourager suite aux pertes répétées de colonies. De plus, les apiculteurs qui ne traitent pas leurs colonies sont souvent montrés du doigt par leurs collègues comme des foyers d’infestation à neutraliser. De là est partie l’idée du projet Fort Knox qui regroupe une série d’apiculteurs désirant travailler de façon plus naturelle.

Mettre tout un patrimoine en commun dans un projet augmente les chances de pouvoir trouver un patrimoine génétique correct. Ils ont abandonné l’idée de financement pour reconstituer le cheptel et ont préféré partir d’un système d’échange dans lequel les colonies perdues sont remplacées par les collègues au départ des essaims produits par les colonies survivantes. Ils ont débuté en 2016 avec un petit groupe d’apiculteurs (18) et un nombre limité de colonies afin de pouvoir bien définir les règles de fonctionnement. Chaque participant met dans le panier commun un nombre défini de colonies. Ces colonies sont conduites selon les critères de l’apiculture naturelle conçue sans aucune intervention chimique et sur base d’une sélection naturelle. Une évaluation annuelle des abeilles qui ont survécu est
réalisée. Celles-ci seront multipliées.

Les personnes qui mettent plus de colonies en donnent plus aux autres les bonnes années mais ils reçoivent également des colonies en cas de perte, au prorata de ce qu’ils ont donné. Avec un tel système, les petits apiculteurs ont plus de chance de ne pas repartir à zéro. Ils ont constaté que les pertes peuvent être plus importantes que ce qu’ils avaient prévu (70 à 80 %) et que les colonies affaiblies ont parfois des difficultés à se multiplier. Ils préconisent dès lors de partir de colonies qui pré sentent déjà des caractéristiques inté ressantes et de travailler avec une base plus importante de personnes. Plus d’informations sur leur site : http:// wolnepszczoly.org/tag/fortknox/


Les associations

Plusieurs associations qui travaillent sur l’apiculture naturelle étaient représentées. Certaines tenaient un stand et présentaient des ruches répondant aux critères définis par les théoriciens de l’apiculture naturelle. Un représentant de l’association suisse « Free the bees » (freethebees.ch) est venu présenter leurs activités basées sur des services d’information et de formation des apiculteurs et de sensibilisation du grand public. En association avec Hobos, un projet allemand géré par le professeur Jürgen Tautz, ils ont fait un travail de classification des différents types d’apiculture en fonction de leur caractère extensif ou intensif. Ceci nous permet de voir plus clair sur ce que recouvrent ces différentes appellations. Le tableau suivant présente ces résultats. Vous constaterez que la plupart d’entre nous avons une apiculture considérée comme intensive et que je qualifierais plutôt de conventionnelle. On pourrait même ajouter une colonne pour ce que nous nous considérons comme plus intensif (insémination artificielle, transhumance, importation extérieure de matériel biologique sélectionné…).

Le congrès m’a permis de découvrir une jeune association en Flandre qui s’occupe d‘apiculture naturelle. En Wallonie il existe également une association dont voici le site : http://www.apiculture-naturelle.be
Citons également de nombreux stages de formation en France où quelques associations s’orientent résolument vers une apiculture naturelle ou écologique.

Refleurissement


Deborah Post, apicultrice biodynamique, a présenté son projet Honey Highwayqui était partenaire de ces journées. Elle s’est demandée comment communiquer l’importance d’une relation fructueuse entre les abeilles et leur environnement ? Comment amener les gens à devenir des partenaires actifs dans la sauvegarde du futur des abeilles ? La présence de zones refuges est essentielle pour la survie des abeilles et des autres pollinisateurs. Pourtant, le paysage des Pays-Bas est dominé par l’organisation et par une agriculture intensive à large échelle. Plus de la moitié des 357 espèces indigènes est en danger d’extinction. Il y a un grand besoin de restaurer la biodiversité.

Il est vrai qu’aux Pays-Bas l’agriculture intensive et l’exploitation maximale des sols a généré un niveau de dégradation de la biodiversité rarement observé dans d’autres pays. Dans les alentours de l’hôtel qui accueillait l’événement, en bordure d’une réserve naturelle, on n’observait pratiquement aucun insecte (ni mouche, ni guêpes, ni…) et les oiseaux étaient pour ainsi dire inexistants ! Dans ce contexte, le projet Honey Highway a proposé de grandes campagnes de semis de plantes indigènes mellifères en bordure de voiries, de lignes de chemin de fer ou de fossés (http:// www.honeyhighway.nl). Les résultats ne se sont pas fait attendre avec des semis de plantes indigènes sur 3ha en 2015, 9 ha (40 km) en 2016 et 2017 et 13,5 ha (40 km) en 2018. Ces actions s’inscrivent directement dans le cadre d’une amélioration des ressources alimentaires (pollen et nectar) pour les abeilles du plan « Nationaal Bijenge zondheid-actieprogramma » (programme national d’actions pour la santé des abeilles).

Comme vous pouvez le constater, il y a matière à réflexion et à action. Ainsi, il serait intéressant de réunir les personnes qui seraient intéressées par le développement d’un projet « apiculture naturelle » dans la lutte contre la varroase. Si vous connaissez des colonies naturelles ou retournées à la nature (férales) depuis plusieurs années, leurs essaims pourraient servir de base au démarrage d’un projet collectif. N’hésitez pas à nous en informer.

Nous organiserons probablement un week-end du CARI en début d’année 2019 sur ce thème de l’apiculture naturelle.

Références
Alexander S. Mikheyev, Mandy M. Y. Tin, Jatin Arora & Thomas D. Seeley (2015)
Museum samples reveal rapid evolution by wild honey bees exposed to a novel parasite
Nature Communications volume 6, Article number : 7991 (2015)
Thomas D. Seeley, Michael L. Smith (2015) Crow ding honeybee colonies in apiaries can increase their vulnerability to the deadly ectoparasite Varroa destructor Apidologie November 2015, Volume 46, Issue 6, pp 716–727
Loftus, J. C., Smith, M. L., & Seeley, T. D.(2016). How honey bee colonies survive in the wild : Testing the importance of small nests and frequent swar ming. PLoS One, 11(3), e0150362. doi:10.1371/journal.pone.0150362
Peter Neumann, Tjeerd Blacquière (2016) The Darwin cure for apiculture ? Natural selection and managed honeybee health - Evolutionary Applications12 November 2016 - https://doi. org/10.1111/eva.12448