5 mesures pour protéger les ruchers du frelon asiatique

Agnès Fayet

Cinq mesures simples et peu onéreuses (quand on est bricoleur) pour protéger son rucher, présentées par les Amis des Abeilles du Val-d’Oise.


« Les 5 doigts de la main font le succès de la lutte » a déclaré Patrick Roger-Dalbert lors du webinaire organisé par le CARI le 3 février dernier, webinaire durant lequel quelques membres du groupe de travail « frelon » des Amis des Abeilles du Val-d’Oise (AAVO - https://www.abeilles95.fr) ont présenté 5 mesures simples et peu onéreuses (quand on est bricoleur) pour protéger son rucher.

Un travail d’équipe


Commençons par souligner l’importance de la démarche collective que l’équipe du Val d’Oise a engagé depuis 2017 contre le frelon asiatique (présent dans leur département depuis 2014).
Les 3 représentants présents, Patrick Roger-Dalbert, Jean-François Patingre et Raymond Leroy, ont insisté sur ce point.

L’organisation de la lutte anti-frelon a été réalisée avec les trois autres associations apicoles du Val d’Oise. Des « référents frelons » ont été mis en place à l’échelle du département avec la mission de réaliser un gros travail de formation et d’information des apiculteurs. L’AAVO a, de son côté, créé un groupe de travail
d’une quinzaine de membres pour travailler sur le matériel de lutte et de protection des ruchers. Ces apiculteurs ont testé des solutions, bricolé des outils de protection qui ont été améliorés avec le temps en fonction de leurs constatations sur le terrain. Ils ont délibérément laissé de côté le travail de recherche et de destruction des nids pour se concentrer sur la production d’un matériel de protection adapté. Ils ont pourtant bien conscience que le repérage et le contrôle des nids a également toute son importance dans ce qu’ils nomment « la guerre » contre le frelon.

5 outils à utiliser conjointement

Le groupe de travail a concentré son attention sur 5 mesures qui, mises en place conjointement, offrent aujourd’hui des résultats très satisfaisants selon leur expérience : les pièges, les muselières, les harpes électriques, le grillage de périmètre et l’espace de distanciation sous la ruche.


2017-2020, les premiers prototypes

Dès 2017, ils ont testé une muselière à grillage avec un grillage carré de 5,5 mm et des passages latéraux de 10 mm pour laisser aller et venir les faux-bourdons. Ce modèle s’est rapidement révélé inefficace et le modèle de muselière a évolué en 2019 vers un prototype muni de grilles de ventilation de récupération (lamelles orientées vers le haut). Ils ont également essayé plusieurs types de muselières électrifiées qui ne se sont pas montrées pertinentes en particulier pour les abeilles.

En 2018, ils ont lancé les premiers prototypes de harpes électriques avec bac d’eau et panneau solaire. Un support électrifié posé au-dessus du bac d’eau assure l’électrification du frelon avant qu’il ne tombe dans le bac d’eau additionné de détergent vaisselle où il meurt de noyade.


Depuis 2021, des résultats tangibles en mettant en place 5 mesures simples

Concernant les pièges, l’équipe a mis au point un modèle de piège nasse en bois muni d’un tiroir de fond pour bien séparer la partie accessible aux insectes de la partie « appâts ». Les insectes ne peuvent ainsi pas s’alimenter et l’on évite les risques sanitaires. Le piège est par ailleurs doté d’une double entrée à cône métallique de 8,5 mm. Le prototype s’est révélé particulièrement efficace en piégeage de printemps.

Depuis 2021, l’équipe s’est orientée vers une muselière à tubes (2 ou 3 tubes) inspirée de la muselière Norma ® mise au point par Norbert Mathieu. Cette muselière à tubes diminue considérablement le stress des colonies en occultant l’entrée de la ruche. Les abeilles sortent via le tube clair et rentrent via le tube sombre. L’orientation des tubes est importante pour faciliter la circulation des abeilles. En 2022, des grilles d’entrée/sortie imprimées en 3D ont été éditées pour être placées dans les tubes de 80 mm et éviter les intrusions éventuelles de frelons.


Une nouvelle muselière a vu le jour en 2018, conçue par Jean-Claude Pichon, Gérard Villars et Bruno Stagnitto (inventeurs AAVO) : la muselière « vénitienne ». Cette muselière est dotée de lattes inclinées vers l’avant et espacées d’environ 8 mm. La latte supérieure est inclinée à 45° vers le ciel. Si les abeilles manifestent une grande mobilité à l’entrée comme à la sortie, les frelons ne pénètrent pas à l’intérieur de la muselière, selon les observations des testeurs. Il faut veiller à bien occulter l’auvent et le fond de la muselière et à permettre aux abeilles un passage vertical à l’aplomb de la face de la ruche pour faciliter les départs et les arrivées.

La particularité du produit est que les matériaux utilisés sont issus de récupération : structure en bois des premiers modèles de muselières à grillage de 2016, lattes en bois (cadre de lits) ou lames en aluminium (volets roulants). Ces muselières sont maintenant en test depuis 4 ans, sur suffisamment de ruchers et dans des situations assez variées pour affirmer qu’ils sont efficaces selon les testeurs de l’AAVO. Une porte verte Nicot est conseillée à l’entrée de la ruche par sécurité contre l’intrusion possible des frelons à l’intérieur de l’espace (encore jamais constatée à ce jour).


Par ailleurs, dans le prolongement de ses prototypes de harpes électriques, l’AAVO a créé des harpes électriques en kit que les membres de l’association ont monté par eux-mêmes. Ils ont pu les tester et les valider. Tout apiculteur à peine bricoleur peut maintenant le monter seul et à un prix très modique.

Les plans ainsi que tous les détails de fourniture et les tutoriels de montage sont disponibles en ligne gratuitement sur le site de l’AAVO. Cet équipement a été très utile en 2022, année particulièrement marquée par les attaques de frelons. Pour éviter que les harpes ne se mettent en court-circuit par temps humide (pluie ou brouillard), les guides cannelés des fils en partie inférieure des harpes sont tout simplement enduits de cire d’abeille liquide au pinceau. L’électrification est en cours d’amélioration en ce printemps 2023 (avec un choix selon le nombre de harpes à brancher) et les plans en kit seront bientôt disponibles en accès libre, toujours à un prix de revient assez bas.

Installer un périmètre en grillage de type « grillage à poules » à 1 mètre devant les ruches permet de canaliser les déplacements des frelons latéralement pour induire le passage à travers les harpes électriques. L’avantage de ce dispositif qui complète les outils déjà présentés est qu’il est simple à mettre en place et peu onéreux. 1 mètre de hauteur de grillage est suffisant pour obtenir un résultat.

Enfin, une sorte d’évidence : empêcher les frelons de circuler sous les ruches c’est réduire le stress des colonies. Il suffit de placer, sous le corps de ruche une hausse munie d’un grillage 6x6 en partie inférieure pour que les phéromones des frelons et leurs émissions sonores ne soient plus perçues par les abeilles. Les prédateurs sont gênés et canalisés dans le couloir dangereux organisé devant les ruches. Certains apiculteurs utilisent un grillage fixé autour des supports de ruche ou posent simplement les ruches au sol.

Il est bon de noter l’avantage que l’on peut tirer de la végétation à cet égard : herbes hautes ou buissons sont les alliées des abeilles et des apiculteurs face au frelon, gêné dans ses mouvements.

Une chose semble certaine à écouter les apiculteurs de l’AAVO : l’usage concomitant des 5 outils que l’on vient de présenter diminue la pression et fait baisser le taux de chasse des frelons. Sans ces dispositifs, il est désormais difficile pour les abeilles d’arriver à l’automne avec une population forte et de survivre aux attaques de fin de saison. Ces mécanismes de protection permettent aux abeilles de poursuivre leurs activités de butinage et en particulier les récoltes de pollen nécessaires à la constitution des populations d’abeilles d’hiver.

Insistons sur la nécessité de protéger avec ces 5 éléments. Une simple porte verte anti-frelons n’est évidemment pas suffisante pour préserver la sérénité de la colonie. Patrick Roger-Dalbert, Jean-François Patingre et Raymond Leroy ont prouvé qu’il est possible de s’équiper sans se ruiner avec un peu de bricolage et de récupération et surtout avec beaucoup d’entraide.

Soulignons pour finir la grande générosité de l’équipe de l’AAVO qui diffuse les plans des différents modèles et les tutos de fabrication en vidéo sur le site internet de l’association : https://www.abeilles95.fr/?page_id=3468

Merci à toute l’équipe pour le partage et pour cette vision collective inspirante !