Vendre son miel : un jeu difficile

Voir couler l’or jaune à la sortie de l’extracteur, quel plaisir pour les sens, et quelle satisfaction d’amour-propre quand les kilos s’ajoutent aux kilos !

Le fruit de toute une année de soins et de compétences est là, devant nous. Les maturateurs se ferment les uns après les autres. Et maintenant vient le moment de prospecter de nouveaux marchés, de rechercher de nouveaux clients. Nous connaissons des apiculteurs-vendeurs accomplis. Beaucoup n’ont cependant pas ce sens inné de la vente. Ainsi, pour couronner le cours de « commercialisation et diversification » organisé par le CARI cette année, Claude Husting, formateur à la vente professionnelle, a donné les bases que devrait posséder tout bon vendeur.

Les apiculteurs qui désirent vendre leurs produits sont principalement confrontés à deux types de démarches commerciales :

* la vente ponctuelle sur un marché, dans une foire : les clients se suivent, reviennent ou non, et sont par définition multiples
* la prospection auprès d’un client bien précis, l’argumentation et la conclusion d’un accord ou d’un contrat commercial

Quelle que soit la situation rencontrée, les qualités d’un vendeur sont toujours les mêmes. Un brainstorming, organisé lors du cours, nous a permis d’évoquer quelques qualités indispensables telles que la confiance en soi, l’humour, le dynamisme, alliés à une présentation impeccable. On a cependant tendance à avoir du vendeur l’image fausse de celui qui est prêt à tout pour vendre.

 !!!Des qualités en série

La qualité essentielle est à peine évoquée, à savoir la capacité de communiquer. \" La vente, c’est l’art de communiquer \". Cela se traduit avant tout par un sens de l’écoute très développé. Un bon vendeur est également quelqu’un de confiant, d’enthousiaste, avec une attitude positive. Avoir l’esprit d’un gagnant et un enthousiasme contagieux, ce n’est pas toujours facile lorsqu’on essuie une série d’échecs. La persévérance fait donc partie des qualités indispensables. N’oubliez pas qu’il n’y a qu’une seule chose qui soit plus contagieuse que l’enthousiasme, c’est le manque d’enthousiasme. Mais ce n’est pas encore suffisant. La vente, c’est 10 % d’inspiration et 90 % de travail. Il faut un bon sens pratique, de l’organisation. On n’improvise pas. Les objectifs sont clairement définis dès le départ et restent constamment à l’esprit. Il faut connaître parfaitement son produit, ses qualités et ses faiblesses, il faut le situer par rapport à ses concurrents. Contrairement à ce que l’on peut croire, l’honnêteté, ça paie. Il ne faut donc pas utiliser des arguments faux ou non fondés, cela se retourne toujours contre vous.

L’attitude et la gestuelle sont également primordiales. Un sourire franc (je me sens bien avec le cient), une attitude corporelle ouverte (évitez les bras croisés), un regard droit et chaleureux, la prise de notes, des signes d’acquiescement (hochement de la tête) ne pourront qu’améliorer le contact que vous aurez avec un client. Vous vous montrerez ouvert, confiant et à l’écoute de votre interlocuteur. Vous créerez ainsi le climat de confiance indispensable à toute relation. \" Le plus important, ce n’est pas ce que nous disons, mais la façon dont nous le disons \". On peut ainsi très bien tenir un discours en désaccord avec ce que pense l’interlocuteur sans le froisser si l’on y met la forme. Sans cela, on rentre dans un conflit dont on sort toujours perdant.

 !!!Chacun a deux oreilles et une bouche

L’écoute est essentielle. En pratique, trois possibilités s’offrent à vous pour montrer que vous avez compris ce que votre client vous dit. Vous pouvez ainsi faire écho en reprenant ce qui est essentiel à ses yeux : « Si je vous comprends bien, vous disiez , c’est bien cela ? ». Dans le même esprit, on peut également résumer ce que le client vient de dire : \" Pour le dire avec vos propres termes, vous proposez que \". On peut enfin revenir sur le sujet : \" Pour revenir sur ce que vous m’avez dit tout à l’heure, ce qui est significatif pour vous, c’est \". De cette façon, votre client se sentira écouté. Il faudra lui poser de nouvelles questions en relation directe avec ce qu’il a dit pour lui montrer que vous portez un intérêt réel à ses réponses. Les questions seront ouvertes pour qu’il puisse s’exprimer. Vous cernerez mieux ses besoins. Il faut lui laisser le temps de répondre. Ne lui jetez pas vos arguments à la tête, ne répondez pas du tac-au-tac et surtout, évitez les \" Oui, mais \". Souvent, en laissant un temps de silence, vous obtiendrez le petit détail d’information qui lui tient particulièrement à coeur, « la dernière goutte » dans le jargon commercial. Le client se sentira ainsi respecté et compris, vous aurez gagné sa sympathie.

 !!!Mener un entretien

Celui qui pose les questions dirige la conversation. Tout en restant courtois, attentif et sympathique, il faut alterner les questions ouvertes et les questions fermées (réponse courte ne nécessitant pas de commentaire) pour éviter la monotonie. La reformulation est importante car elle permet de faire le point, de resituer la conversation. N’oubliez pas que les mots que chacun préfère entendre sont ses propres mots. Il faut pouvoir approuver ce que le client dit lorsque cela correspond à votre position. Le climat de confiance en sera amélioré. Il faut également veiller à rester au même niveau que votre interlocuteur, que ce soit en utilisant un vocabulaire compréhensible (les notions de HMF, de rapport glucose/fructose sont à réserver à des chimistes, de même le jargon apicole « fourchette à désoperculer », « ensemencement », « malaxage » sont à réserver aux personnes qui connaissent bien l’apiculture) ou en parlant de ce qui l’intéresse et non de ce qui vous intéresse. À vous de conduire l’entretien de façon à évoquer les avantages que votre produit peut lui apporter en fonction de ses attentes (sécurité, hygiène). Ce sont les questions que vous lui aurez posées qui vous auront fait découvrir ses pôles d’intérêts. À tout instant au cours de l’entretien, il est utile de garder à l’esprit un schéma de conduite qui vous mène à vos objectifs. Avant de conclure, vous en arriverez sans doute à parler du prix. Sachez que le prix est une notion toute subjective, il dépend de la valeur que vous aurez donnée à votre produit aux yeux de l’acheteur.

Au vu de tout cela, vous comprendrez probablement pourquoi il y a si peu d’apiculteurs-vendeurs accomplis. Même si certaines personnes ont plus de dispositions que d’autres, c’est avant tout à force de travail et d’entraînement que l’on arrive à de bons résultats. Tout en restant soi-même, il faut acquérir cette gymnastique de l’esprit, cette vivacité et ce comportement qui ne viennent pas tout de suite. C’est à force d’essais et d’erreurs que l’on y arrive. Il faut mettre à profit toutes les situations qui se présentent pour vous entraîner. Après chaque expérience, il faut dresser un bilan : quelle information ai-je pu obtenir, ce client était-il intéressé, comment était la relation, quels étaient les mots positifs ?

Si vous suivez cette voie, vous verrez que votre satisfaction d’avoir récolté de nombreux kilos sera beaucoup plus grande encore le jour où vous parviendrez à vendre l’entièreté de votre production à un prix digne du temps que vous y avez consacré. Même si les règles sont parfois difficiles, la vente doit devenir pour vous un jeu.

<

>