Dans les années 80, le développement très important des surfaces de cultures de tournesol en France a permis le développement d’exploitations professionnelles apicoles dans les régions où cette culture oléagineuse était implantée (Poitou Charente, Centre et Sud-Ouest). Le tournesol fait partie des plantes très mellifères avec une production possible de plus de 50 kg/ruche. Son implantation a atteint son maximum au début des années 90 avec plus de 1.000.000 ha cultivés. A cette époque, le tournesol constituait l’apport dominant en miels en France. Les exploitations apicoles étaient totalement axées sur sa production qu’elles revendaient en gros. Par la suite, les surfaces emblavées en tournesol ont diminué, mais surtout, les rendements en miel à l’hectare ont chuté. Des baisses de production de 40 à 70 % de miel de tournesol ont été enregistrées entre 1996 et 2004. Il y a eu l’épisode Gaucho (traitement à l’imidaclopride) suivi de celui du Régent (traitement au fipronil) qui ont initié le mouvement de révolte des apiculteurs en France (la coordination apicole) contre les néonicotinoïdes et le fipronil. Aujourd’hui, malgré le retrait de ces molécules et la faible utilisation de produits phytosanitaires sur ces cultures, les rendements restent nettement plus bas que ce qui était possible par le passé. Comme le signale l’ITSAP dans son rapport de 2014/2015 : « Les rendements importants et stables que l’on connaissait sur cette miellée de tournesol il y a encore une vingtaine d’années ont fortement chuté et deviennent actuellement incertains voire nuls. Les apiculteurs professionnels témoignent à la fois de diverses difficultés dans la production de ce miel et s’interrogent sur l’état et la dynamique attendue de la colonie à l’approche de cette miellée, sur le comportement des abeilles sur les capitules de tournesol, mais également sur l’impact négatif qu’auraient les nouvelles variétés (potentiel nectarifère faible). » On peut s’étonner que déjà en 1968, à l’occasion d’une journée d’étude sur les perspectives de l’apiculture française, R. Borneck faisait remarquer que : « Le Tournesol est une plante qui est très mellifère dans une bonne partie de l’Europe centrale, plus exactement en Roumanie, en Bulgarie et au sud de l’U.R.S.S. Mais déjà dans ces pays on s’est aperçu que les anciennes variétés de tournesol étaient des variétés extrêmement mellifères alors que les nouvelles variétés hybrides l’étaient beaucoup moins, et ceci dans des proportions considérables. » J. Lecomte lui répondait : « Et je crois qu’il serait bon de leur demander de penser dans leurs tests de variétés, à envisager la question de la sécrétion nectarifère. C’est d’ailleurs quelque chose qui, en France, en amélioration des plantes, a été toujours négligée, tandis qu’en Union Soviétique, cela fait partie des qualités de la plante quand il s’agit bien entendu d’une plante ayant une vocation mellifère. » Plus surprenant, on peut lire sur semencemag.fr : « Il existe des tournesols qui produisent beaucoup de nectar, plus que la moyenne. Ces variétés sont prisées en Inde et en Amérique du Sud, où il y a peu d’insectes pollinisateurs : le manque est compensé en augmentant la fabrication de nectar. Le revers est que cette mobilisation d’énergie pour ces variétés de tournesol les rend plus sensibles aux maladies. »
C’est dans ce contexte très particulier d’une apiculture en plein questionnement que nous avons voulu voir comment les apiculteurs de cette zone qui vivaient de cette récolte de miel se sont adaptés à ces conditions beaucoup plus difficiles. Notre voyage nous a ainsi permis de rencontrer un panel d’apiculteurs fort différents qui nous ont surpris par la qualité de leur accueil, de leur disponibilité et de leur ouverture. C’est ce que nous allons partager avec vous dans nos prochains numéros.