AF - Quelle est ta formation et d’où te vient cette passion pour les abeilles ?
SH - J’ai fait des études de bio-ingénieur forestier à l’UCLouvain. Pour l’apiculture, j’ai été formé par Agnès Beulens et Jan Vermeylen à l’Abeille du Hain à Braine-l’Alleud. J’ai eu mes premières ruches dès la fin de mes études. J’ai commencé en carnica puis j’ai fait la connaissance de Renaud Lavend’homme et je suis passé en Buckfast. J’avais vu qu’un rucher était à côté de chez moi. Un jour, l’apiculteur était là : c’était Renaud. On a papoté et il m’a parlé de ce qui le passionne, de l’élevage de reines, du varroa, en disant mordicus que le varroa est la cause première de la mortalité des colonies. J’ai bien aimé son approche apicole plus scientifique : on comprend la biologie des abeilles et puis on agit parce qu’on l’a comprise. Ça m’a beaucoup attiré. Et j’ai fait mon premier élevage de reine avec lui. Renaud a beaucoup aidé les apiculteurs localement. C’est comme ça que tout a commencé. Je terminais un boulot en CDD chez Apis Bruoc Sella. Renaud m’a appelé pour me dire que j’étais un bon candidat pour travailler sur le projet Arista : trilingue, bio-ingénieur, apiculteur, et en avril 2018 j’ai été engagé. Pour la Fondation Arista, c’était un tournant. Aux Pays-Bas, parallèlement, mon collègue Guillaume a été engagé.
AF - Et ton mémoire a été consacré à quoi ? Pure curiosité…
SH - Au départ, je souhaitais travailler sur les abeilles mellifères mais j’ai été redirigé sur un sujet concernant les pollinisateurs plus généralement. Je suis allé travailler dans les landes bretonnes sur la qualité des habitats versus l’abondance de pollinisateurs et parallèlement sur la concurrence possible entre les abeilles mellifères et sauvages. J’ai remarqué que dans les landes à bruyère où il y avait beaucoup de transhumance d’abeilles domestiques, l’abondance en pollinisateurs sauvages diminuait. Et par contre, sur les petits sites fragmentés, il y avait une grande diversité globale de pollinisateurs. C’était avec le labo d’Anne-Laure Jacquemart. J’ai fait mes premières identifications d’abeilles sauvages. Très compliqué… C’était intéressant de mettre toutes ces connaissances dans la perspective du déclin global des pollinisateurs. J’ai beaucoup appris. J’ai ensuite cherché du travail tout en m’investissant bénévolement chez Natagora et Jeunes et Nature.
AF - Et tu es toujours engagé chez Natagora…
SH - Oui, je suis formateur terrain en tant qu’indépendant complémentaire. Principalement en éthologie mais aussi en entomologie et un tout petit peu en ornithologie.
AF - Quelle est ta conception de la nature ?
SH - Ma conception de la nature, en Europe occidentale, c’est que tout est sous contrôle humain. Même quand on décide de laisser faire pour obtenir une réserve naturelle ou quand on choisit un mode de gestion pour retrouver des orchidées, on pose un acte anthropique. Je suis plutôt adepte du réensauvagement. Et il faut simplement que les décisions politiques suivent et que l’on accepte de laisser une plus grande place à la nature. Mais idéaliser la nature primaire, on en est tellement loin que ça ne sert à rien. Essayer de s’accrocher à une image fixe, par exemple dans le cas des exotiques envahissants, ça pose question. L’homme a déréglé et procède ensuite à des destructions d’espèces…
AF - Avec ta casquette Arista, tu t’éloignes radicalement du monde naturaliste.
SH - Avec Arista, on est dans un domaine de production agricole. Ce n’est pas que la nature n’a pas de place mais, au niveau durabilité, on va être dans un mode de gestion différent. Là, en effet, on veut éviter les produits de traitement chimique durs et les traitements à long terme. On utilise des chemins détournés pour y arriver. L’insémination est quelque chose d’incontournable. Mais ça reste tabou chez certains apiculteurs. Sans insémination, on perd notamment la douceur. Et je crois que c’est de la responsabilité de chaque apiculteur d’avoir des abeilles relativement douces. Il ne faut pas que l’apiculture présente un danger. A la Barbade, chaque année, il y a deux ou trois morts à cause des abeilles. Des promeneurs, pas des apiculteurs. D’accord, c’est densément peuplé et il y a peut-être des gènes d’abeille africanisée dans les ruchers, mais bon… Quand les apiculteurs ont des abeilles très agressives, c’est un vrai danger pour tous. Et c’est intolérable. Pour moi la voie vers la durabilité passe par la résistance des abeilles et par le contrôle de caractères nécessaires à la pratique apicole sereine.
AF - Pour toi, insémination et sélection d’abeilles résistantes, c’est indissociable ?
SH - Oui, c’est indissociable.
AF - Dans un premier temps ou à long terme ?
SH - A un mâle dans un premier temps. A plusieurs mâles à long terme. Mais c’est sûr que ce sera toujours indissociable. L’insémination, on ne peut pas s’en passer pour maintenir des races « pures » et des caractéristiques apicoles souhaitées. Ce qu’il y a d’incroyable avec l’abeille, c’est sa très grande force adaptative. Je suis persuadée à 100% que si on n’avait plus que des essaims sauvages et si les apiculteurs disparaissaient dans une zone géographique, les abeilles survivraient. Il faudrait peut-être 15, 20, 30 ou 50 ans pour que l’adaptation se fasse, mais l’espèce s’en sortirait. Et relativement rapidement. Les abeilles ont une capacité de diversification importante si l’on considère la redistribution des gènes et le mode d’accouplement. Ce modèle vivant a une capacité d’adaptation énorme. C’est la force de l’insecte par rapport aux mammifères par exemple. Il suffit de voir l’adaptation du frelon asiatique en Europe et la rapidité de son installation. Le problème, c’est qu’avec une certaine forme de sélection, on a fait des erreurs qui n’ont pas été corrigées immédiatement. Maintenant, on est en train de les corriger avec le projet de sélection actuel. On commence à voir aujourd’hui des exploitations apicoles qui n’ont plus besoin de traitement. Elles se comptent sur les doigts d’une main. C’est un début. On évolue en passant par un modèle moins rentable tout d’abord car il nous faut retrouver la production de miel. On y travaille.
AF - A quelle échelle de temps l’objectif sera-t-il atteint ?
SH - C’est une très bonne question. Une réponse politique serait de dire, tout dépend des moyens alloués. Mais je dirais qu’ici, en Wallonie, dans un avenir relativement proche – deux ou trois ans - on sera en mesure de dérouler à plus large échelle. Aujourd’hui , on est un peu réticent à le faire car on n’est pas encore assez avancé dans la sélection et le risque du flop est trop grand à large échelle. Je sens qu’on arrive à un moment où la génétique résistante pourra être bientôt plus largement accessible. Maintenant, ça ne veut pas dire qu’on pourra arrêter de traiter du jour au lendemain. Ça veut dire que la zone de Sélange-Arlon et son équivalent au Grand-Duché va devenir une zone géographique sans traitement. On pourra parler d’une zone tampon VSH. Évidemment, si on pense fécondation naturelle, il faudra que l’on envisage plusieurs zones comme celles-ci et du coup que l’on envisage un mitage du territoire en fonction des races et sous-espèces considérées. Mais ça devient plus compliqué et difficile à gérer. L’asbl est née du secteur et répondra aux demandes des apiculteurs. On ne pourra pas implémenter ces zones à plus large échelle sans que ce soit une demande des apiculteurs. Dans les faits, il y a déjà tellement de F1 et de reines inséminées à droite et à gauche que ce ne serait pas trop difficile de créer d’autres zones comme Sélange.
AF - Si l’on en croit votre programme de formation et la construction de la connaissance qui s’en dégage, autour de l’élevage et de la sélection, est-ce que vous visez un public particulier ou pas ? Ou est-ce que vous considérez que c’est à la portée de tout le monde ?
SH - Je pense que le public apicole est très varié. A terme, l’objectif est de s’adresser à tout le monde. Dans un premier temps, nous nous adressons aux apiculteurs qui ont du temps, de l’énergie et les capacités de s’investir dans le projet (qui est assez lourd) en tant que bénévole. L’objectif est d’autonomiser des groupes. Prenons l’exemple de Ransart. A l’origine, Renaud faisait leurs inséminations et ils s‘en remettaient à nous. Ils ont évolué et aujourd’hui, ils ont un excellent inséminateur en interne, Michel Leloup, et d’autres personnes sont en formation pour l’insémination. On a un groupe vraiment très autonome. On discute génétique avec eux mais leur agenda interne leur appartient. Ce modèle, on essaye de le répandre. Chaque groupe a ses spécificités. Ce sont des relais locaux de connaissance. Mais on sait bien que ce ne sera jamais plus de 20 à 30 % des apiculteurs en Wallonie. Beaucoup sont simplement intéressés par la génétique. On répondra à ce public dans la phase deux, au moment où l’on mettra en place des canaux de distribution de reines via des vendeurs de reines.
AF - Des éleveurs attitrés ?
SH - On pourra dire que ces éleveurs travaillent dans le cadre du projet Arista et qu’ils suivent le protocole. On ne pourra pas dire que leur génétique est 100 % résistante car il y aura toujours des incertitudes, par exemple en fécondation naturelle, sur la provenance des mâles. On aimerait que tout soit clair sur le fait qu’il faille tester une colonie avec la méthode de comptage dans le couvain pour avoir une bonne idée de son niveau de résistance. Il y a par exemple risque de devoir traiter une colonie après une ou deux années en production si son niveau de résistance de départ n’était pas suffisant et donc on peut conseiller un protocole pour le vérifier. Etc. De plus nombreux apiculteurs seront en contact avec ça. Et il faudra accepter de perdre le contrôle dans une certaine mesure. Nous serons un peu comme un organisme d’accréditation. On vérifie que le travail est bien fait et que tout se passe bien selon le protocole. On est conscient qu’il y aura beaucoup de travail à faire en terme de communication. Dans une quinzaine d’années, on peut espérer que des abeilles VSH pourront être disponibles en Wallonie et à Bruxelles, puis en Flandre. On pourra travailler avec Buckfast Wallonia dont les fondateurs sont des membres Arista hyperactifs. On envisagera des stations de fécondation ouvertes à tous, des séances de picking. On espère aussi poursuivre le travail avec Mellifica pour l’abeille noire.
AF - Cela implique une évolution de l’asbl Arista et un développement de la partie formation et supervision.
SH - Après le COVID, on a vraiment essayé de consolider l’asbl. On veut montrer aux membres qu’on est là pour eux.
On répond à leurs questions. Et on les rend autonome. Il faut que le travail porte ses fruits. Des groupes se structurent indépendamment des sections apicoles.
AF - Tu as parlé plus haut d’insémination et de durabilité. L’association des deux mots peut ne pas être facile à comprendre. Comment justifies-tu cela ? As-tu conscience que l’insémination n’est pas une pratique forcément plébiscitée par une majorité d’apiculteurs ?
SH - Je pense que l’on a tous une vision différente de l’apiculture. Il y a eu un énorme engouement pour l’apiculture ces dernières années et de nombreux apiculteurs cherchent un rapprochement avec la nature, ont envie de consommer leur miel, ne veulent pas d’intrant dans les ruches, etc. Le gros souci, c’est que si on retire l’insémination de l’équation, c’est retourner au Moyen-Âge de l’apiculture parce qu’on ne fait quasiment plus rien en terme de sélection. On va parler d’îles de fécondation. D’accord, mais quelle durabilité si on doit faire
600 kilomètres ? L’important pour la sélection c’est de contrôler la fécondation. Alors, oui, il y a des îles en Allemagne et aux Pays-Bas, il y a des zones relativement contrôlées comme Virelles, mais c’est peu. L’insémination offre une solution assez simple, mis à part l’apprentissage. C’est lourd mais beaucoup plus léger que la gestion de zones protégées. C’est particulièrement le cas en Belgique où la densité de population est énorme et où de nombreux petits apiculteurs émaillent le paysage. Ils ont des besoins et des pratiques différents, élèvent les abeilles qu’ils veulent, et c’est normal. Avec l’insémination, on peut contrôler les gènes paternels à un niveau très local sans avoir à se soucier de l’environnement apicole. Pour moi, c’est simple : pas de sélection sans insémination.
AF - Mais les sélectionneurs, dans le monde apicole, restent une population très marginale, non ?
SH - La sélection c’est quoi ? Ça peut être très simple et c’est accessible à tous. J’ai 5 ruches dans mon jardin. Chaque année, je vois celle qui fait le plus de miel, celle qui est la plus douce, etc. Je fais quelques cellules royales, dans le cadre d’un élevage classique ou autre. Je remère les autres reines moins performantes. C’est déjà de la sélection. Le problème avec ça, c’est que on ne contrôle que 50% de la génétique. Du coup, c’est impossible de sélectionner des critères comme la résistance de cette façon. C’est impossible. Et on est complètement dépendant de l’environnement, de ses voisins apiculteurs… Pour moi, provoquer la mort artificielle d’une colonie qui ne résiste pas à la sécheresse ou à d’autres paramètres de ce type, c’est jouer le rôle de la nature en quelque sorte. Celle qui a fait le plus de miel, c’est celle qui, dans la nature, aurait survécu à l’hiver. Sélectionner, c’est faire ce qu’aurait fait la nature mais en l’orientant selon les préférences de l’apiculteur. Que ce soit la résistance telle que définie à Bâton-Rouge au départ ou les caractéristiques que, je pense, les apiculteurs aiment voir dans leurs abeilles, c’est-à-dire en premier la douceur, l’absence d’essaimage (même si certains la recherchent) et la production de miel, c’est positif pour tous et il faut le travailler sur une base génétique large. A mon avis, dans les stations de fécondation, cette base n’est pas assez large. Les mêmes lignées reviennent tous les trois ou quatre ans. Un nombre énorme de reines est fécondé par une lignée. Finalement, on se rend compte que c’est une très grosse opportunité de faire féconder une lignée à large échelle mais c’est aussi un goulot d’étranglement. L’insémination permet d’avoir un grand nombre de combinaisons génétiques. En partant de 5 lignées maternelles et 5 lignées paternelles, tu peux avoir
25 combinaisons différentes, chose impossible sur une île. Le problème de l’abeille, c’est que la diversité génétique est tellement importante, que si tu ne testes pas chaque génération, tu ne fais pas de sélection. Tu prends une raceuse très homogène, tu fais un élevage dessus, tu vas quand même avoir 20/30 % de non-valeurs. Si tu fais ça sur une raceuse moins homogène génétiquement, tu vas avoir 50 % de non-valeurs. Si tu fais ça sur une de nos reines du programme, tu vas peut-être avoir 30/40 % de valeurs. On est obligé de faire des croisements avec le plus grand nombre de combinaisons possibles et de tout tester. Chaque année tout change et avec les changements climatiques, les modifications des miellées, on a des abeilles qui, si on ne travaille pas sur base des observations des apiculteurs-testeurs, ne sont plus adaptées. Le problème numéro un c’est que le panel génétique à partir d’une seule reine est gigantesque…
AF - C’est peut-être ce qui sauve les abeilles, non ?
SH - Oui, je suis entièrement d’accord. C’est ce qui sauve les abeilles. La seule chose, si nous prenons des reines raceuses mal adaptées, on se tire une balle dans le pied. Si on ne regarde pas celles qui sont les plus performantes et résilientes face aux changements actuels, on va se retrouver à faire pire que la sélection naturelle. Ici, c’est imiter la nature et essayer d’améliorer une sélection naturelle qui se ferait avec des changements rapides. La première pression de sélection, selon moi, ce sont les apiculteurs. Donc on peut se baser là-dessus pour améliorer les critères de sélection.
AF - Donc toi tu penses que tout apiculteur est sélectionneur. Ce n’est pas ce que tout le monde pense.
SH - L’objectif n’est pas du tout que tout le monde arrive au niveau de Paul Jungels qui est le sélectionneur d’abeilles Buckfast en Europe occidentale, ni à son niveau de connaissance, ni à la finesse de son travail. Mais il dit qu’il faut être un « bon père d’abeilles ». Ça veut dire que tes abeilles sont en bonne santé, que tu ne les laisses pas mourir de faim ni crever à cause de varroa. Que tu ne les déranges pas trop non plus (les visites hebdomadaires sont inutiles). Qu’elles ne soient pas stressées par des causes apicoles ou environnementales. Dans le cadre d’un programme de sélection à large échelle, on formalise les remarques des apiculteurs qui font le travail d’observation à leur niveau. Ce que chacun fait à son petit niveau, c’est déjà une petite sélection. Chaque apiculteur favorise la génétique qui lui plait le plus. Le formaliser sur une génétique connue, c’est rentrer dans le programme Arista. Le travail que les apiculteurs font à la station de fécondation de Sélange a une valeur incalculable. Former les apiculteurs qui, en retour, donnent de l’information, c’est augmenter le réseau de données. Tout le monde sait dire quel rucher a fait le plus de miel, tout le monde sait dire laquelle est la plus agressive, laquelle a essaimé. Ces données peuvent être utilisées dans le cadre d’un programme de sélection à large échelle comme ce que propose Arista. On distribue des larves, des cellules royales. Et c’est parti. On intègre les apiculteurs à un groupe qui fait des élevages, distribue. Et si ils rendent les données, ils ont accès à la génétique. Une évaluation n’a de valeur que dans une contexte particulier variable (rucher, apiculteur, saison) mais les données rendues ont beaucoup d’importance pour évaluer et développer la génétique.
AF - Qu’est-ce qui te motive dans le plus dans ce programme ?
SH - Moi, personnellement, ce qui me pousse, c’est que cette énergie que j’envoie et qui me revient et me nourrit complètement. Quand je vois la motivation des groupes aux journée de comptage, c’est juste incroyable. Il y a une dynamique qui se crée et qui vient d’un besoin du secteur. Les échanges existent aujourd’hui au-delà même des séances organisées. Les apiculteurs établissent des dialogues entre eux en dehors. Il y a beaucoup de jeunes qui s’impliquent. C’est vraiment incroyable ! Les journées de formation sont réservées aux débutants. Lors des journées de comptage, tout se joue. Le ciment humain est là. C’est un révélateur de personnalités et de talents.
AF - Tu as laissé échapper un terme qui m’a intéressé lors de cette conversation. Tu as parlé de « réensauvagement ». C’est une question écologique assez polémique comme tu le sais. A ton avis, sera-t-il possible un jour de parler de réensauvagement pour
les abeilles mellifères ?
SH - La première question que je me pose - et j’ai lu quelques données peu encourageantes - c’est quelle est la proportion d’abeilles mellifères férales versus les abeilles mellifères dans les ruchers ? Et surtout quelle est leur longévité ? Je pense que la proportion est faible. Pour la longévité, c’est difficile à évaluer. Dans des endroits où la densité d’apiculteurs est très faible et où l’environnement offre suffisamment de cavités, je pense que les colonies pourraient assez vite ne plus trop souffrir du varroa, acquérir de la résistance et se montrer résilientes face aux modifications du climat. Une base génétique la plus large possible est un trésor à garder. Mais quand la maison brûle, on emporte les biens les plus précieux. C’est un peu ce que font les apiculteurs chaque année. Ils ne thésaurisent pas des souches peu intéressantes. En 2017 et 2018, dans le programme, on a commencé à être coincé par la consanguinité. Aujourd’hui, on veille à la diversité génétique, même si certaines lignées sont un peu moins performantes. Il est très important d’avoir un plan global. La valeur d’une reine et d’un pédigrée n’est estimée que par rapport à un ensemble large et sur du long terme. Une gestion globale de la génétique est un projet qui n’a pas d’équivalent. C’est une énorme responsabilité mais cela donne une opportunité gigantesque de conserver des reines et des lignées. Les apiculteurs ne voient que ce qu’ils ont chez eux. La gestion globale en connaissance de cause est donc capitale.
AF - Tu reviens à la sélection.
SH - Le travail de sélection n’est hélas pas valorisé en apiculture. Le sélectionneur transmet des reines aux multiplicateurs. Il ne vend pas directement de reines. L’effort de sélection, un travail difficile, n’est pas valorisé financièrement. Il y a une reconnaissance en influence, en génétique. Quand tu regardes comment on se fait de l’argent en apiculture, le fait de sélectionner n’es pas récompensé. C’est le fait de gens exceptionnels, passionnés, qui ont une compréhension des abeilles qui dépasse la moyenne.
AF - Si je résume ta pensée, l’objectif d’Arista est de démocratiser l’acte de sélection, de décomplexer les apiculteurs et de leur donner des outils pour faire une sélection à petite échelle efficace pour le bénéfice du plus grand nombre.
SH - Je souhaite que les apiculteurs comprennent que ce qu’ils voient dans leur ruche a de l’importance. Il faut qu’on puisse traduire ces observations dans un système universel même si une évaluation est associée à un évaluateur et à un rucher. Le langage universel, c’est la grille d’évaluation dans chaque race. Nous prenons en charge la dimension supplémentaire des pédigrées. L’idéal serait qu’un maximum d’apiculteurs rendent des données.