Raphaël Tellier, artiste libre dans son rucher

Agnès Fayet

Raphaël Tellier est un artiste et un jeune apiculteur qui met son talent au service de l’image des produits de la ruche.

Partant du constat que le miel est bien souvent mal valorisé, il propose aux apiculteurs des solutions pour sublimer l’image de leurs activités et de leurs produits tout en respectant leurs personnalités. Ceci est prétexte à bien des échanges comme nous allons le découvrir.

AF - Comment en êtes vous arrivé à ce que vous faites aujourd’hui ?
RT - A l’origine, j’ai fait des études en Arts Appliqués pour m’orienter vers ma passion de toujours c’est-à-dire l’illustration, le dessin. J’ai eu l’opportunité d’intégrer un atelier dans le nord de la France (à Aire-sur-La-Lys(62)) qui proposait ses services pour Disney® Londres, Les Éditions Atlas®, Warner Bros® et autres licences.
Mon métier était celui d’illustrateur de personnages sous licence, le travail consistait à réaliser des albums jeunesse illustrés et approuvés par la licence afin qu’ils accompagnent la sortie des longs métrages. Nous étions un atelier composé d’une trentaine d’illustrateurs. On travaillait d’une manière traditionnelle.
C’était magnifique, ce fut pour moi le meilleur enseignement que j’ai pu recevoir et j’en profite pour remercier Philippe Harchy pour la confiance qu’il a su m’accorder durant ces années : j’ai fait partie de cette génération d’illustrateurs « papier-crayon » et l’outil informatique s’est installé pour s’imposer comme un instrument essentiel permettant de finaliser les documents à des fins numériques.

Jusqu’à ce jour je continue à entretenir l’approche traditionnelle du dessin tout en maîtrisant l’usage des outils informatiques. J’ai travaillé environ 8 ans chez Disney®. Et j’ai progressivement eu envie de voler de mes propres ailes. Je ne voulais plus « travailler » je voulais juste « gagner ma vie ». Je voulais que mon activité me rémunère à la hauteur de mes besoins.

Je désirais « gagner ma liberté ». C’est ainsi que je me suis mis à mon compte et j’ai continué à proposer mes services à Disney et autres clients au titre de graphiste-illustrateur indépendant. J’ai diversifié peu à peu mon activité en proposant mes services dans le cadre d’autres secteurs en créant mon Studio de création graphique (LE STUDIO RAFFI) sur la ville de Reims. Puis j’ai pris conscience que le travail en ville, les horaires d’ouverture à respecter, la nuisance sonore des lieux... étaient trop contraignants pour moi et tout ceci ne me ressemblait pas. J’ai donc quitté la ville et délocalisé mon activité dans une maison en plaine campagne dans le département de l’Aisne. J’étais très isolé, loin de tout, au milieu de la nature, et au calme, pour mon plus grand bonheur... enfin « libre ». Le téléphone et internet suffisaient pour que je puisse répondre aux besoins de ma clientèle. Je n’avais que très peu de contraintes dans mon organisation.


Puis j’ai fini par m’installer dans l’Oise dans une belle petite longère pour y rejoindre ma compagne qui est également graphiste pour les Parfumeries Fragonard®. Je suis arrivé alors à un moment de ma vie où j’ai u besoin de nouveaux défis. J’ai décidé d’apporter une réflexion sur l’évolution de mon activité et mon avenir. Je ne voulais pas poursuivre ainsi sentant que la passion n’était plus au rendez-vous. J’ai engagé une cessation d’activité pour prendre un peu de recul. En parallèle j’ai commencé à entrer dans le monde des abeilles. J’ai pris une ou deux années sabbatiques pour envisager le métier d’apiculteur et pourquoi
pas, une reconversion en apiculture. Je suis allé rendre des services ici et là chez des apiculteurs et tout particulièrement chez Bruno C. (Éleveur - Producteur) pour prendre conscience et découvrir les réalités et difficultés du métier. Je voulais m’assurer que je n’avais pas juste une idée farfelue et sans suite. Et puis j’ai suivi une formation en apiculture pour avoir un suivi régulier, des cours théoriques, prendre contact d’autres contacts avec d’autres apiculteurs. J’ai fait une année de formation théorique et pratique au Rucher école de Beauvais dans le département de l’Oise. Ma passion a grandi et s’est affirmée, je revenais de chaque cours complètement épanoui. J’ai commencé doucement avec un petit rucher de 4 colonies Buckfast.

AF - Un peu juste pour une activité économique...

RT - Oui...Pour devenir un apiculteur à 100 %, je me suis bien rendu compte qu’il allait falloir plusieurs années et que ce n’était pas réaliste pour en dégager un salaire. En parallèle, j’étais toujours sollicité pour des projets en création graphique et illustrations, car je suis également portraitiste animalier. Je donne
aussi des cours de dessin pour enfants, adolescents et adultes dans un petit atelier local. Le graphisme et le dessin sont mes passions premières, je ne pouvais pas lâcher ça. Au fur et à mesure de ma découverte du monde apicole, je me suis rendu compte qu’il manquait une étape importante toujours négligée et inexis-
tante (ou survolée) dans les cours : la mise en valeur de la qualité des produits de l’apiculteur et sa personnalité. J’ai évoqué le sujet dans le cadre de mon syndicat apicole. Je leur ai proposé de
travailler sur leurs étiquettes personnalisées. L’idée en a séduit plus d’un et c’est ainsi que j’ai commencé à proposer mes services dans un cercle très local. Et puis de fil en aiguille, de bouche à oreille, j’ai eu de plus en plus de demandes. J’ai alors mis en place une activité concrète et j’ai créé une société pour répondre au
nombreuses demandes des apiculteurs : la création graphique et la fabrication d’étiquettes et puis la mise en valeur de leur activité à travers la réalisation de logos, d’illustrations, de flyers, de cartes de visite, de bâches, de panneaux signalétiques, d’habillage de véhicule, et tout autres supports de communications...
Je réponds à tous leurs besoins pour valoriser leur image. Cela a petit à petit dépassé le département de l’Oise pour s’étendre sur toute la France et j’ai le plaisir de travailler pour les apiculteurs d’à peu près tous les départements, sans oublier la Corse et la France d’Outre-Mer.

Et oui j’ai aussi le plaisir de travailler avec des apiculteurs de l’île de la Réunion sur des projets de miels locaux (Litchis, Baies roses, Eucalyptus, Troène...). J’ai aussi quelques clients belges et suisses.


AF - Et le rucher ?
RT - A côté, j’ai deux ruchers qui me permettent de m’évader quand la saison reprend. Les clients le comprennent tout à fait. Parfois, je mets entre parenthèses ma production artistique pour m’écarter des écrans ou de mon chevalet, le temps d’un après-midi ou d’une journée, et m’occuper de mes abeilles. C’est un moment important qui me permet de me ressourcer.

AF - Ces deux activités se nourrissent l’une de l’autre.

RT - Et quand je m’accorde ce temps auprès de mes abeilles, je prends du recul sur des dossiers en cours. Quand je rentre, c’est plus frais dans ma tête. J’ai les idées plus claires et je suis plus efficace en revenant sur mon outil de tra vail. En ce sens, les abeilles contribuent au travail que j’apporte aux apiculteurs.

J’ai réussi à trouver un bon équilibre, je crois. J’ai 23 colonies en hivernage sur 2 ruchers. Je me donne une limite de 30 colonies. Au-delà, je ne serais pas suffisamment disponible pour m’occuper correctement de mes abeilles.
Ça me permet d’avoir un petit revenu annexe. Ce que j’aime, c’est que mon activité graphique pour les apiculteurs me permet de me rémunérer et d’alimenter aussi mes besoins au rucher. Je fais parfois du troc, j’échange mes services contre quelques kilos de cire gaufrée ou du matériel apicole à renouveler. J’ai un ami belge Thomas G. qui gère entre autres une petite boutique de matériel apicole et je passe souvent par lui pour certaines fournitures, en échange d’un tirage d’étiquettes ou d’une étude de projet. J’aime cette idée d’une monnaie d’échange. C’est très bienvenue. J’ai le plaisir de partager des saveurs avec certains apiculteurs de régions diverses. Il y a quelques mois, j’ai pu échanger un pot de miel de Sarrasin contre un pot de miel de lavande, un autre contre du miel de Renoué du Japon, ou encore contre un pot de miel de Metcalfa.

AF - Vous parlez de miel de sarrasin, vous produisez donc des miels monofloraux ?
RT - Je produis des miels de fleurs au printemps et en été, avec en été un miel à dominance châtaignier. Et depuis 2021, j’ai la chance de faire du miel de sarrasin. Mes ruches sont placées dans des endroits privés chez des agriculteurs très sensibles au travail avec les abeilles.
Mes ruchers sont chez des agriculteurs qui font de la culture sous couverts, qui me préviennent de ce qu’ils vont semer, des moments de floraison et qui me consultent avant certaines interventions.
En juillet dernier, un agriculteur m’a dit : « j’ai mis 20 hectares de sarrasin pour vos abeilles. » C’était chouette, pour faire du miel, mais surtout pour assurer les provisions de mes protégées et leur assurer un
hivernage moins rude !


AF - C’est l’illustration d’une belle collaboration avec le monde agricole.
RT - Oui, je privilégie les lieux privés, clôturés ou surveillés pour placer mes ruches. C’est aussi une précaution face à la montée des vols et des dégradations.
J’évite aussi les lieux trop près des habitations et des chemins pour des questions de sécurité vis-à-vis des randonneurs. Les relations avec les agriculteurs apportent des solutions en la matière.

AF - Vous semblez être un homme de réseau.
Ce que j’apprécie dans les échanges, et particulièrement dans les échanges que je peux avoir avec les apiculteurs, c’est la diversité des points de vue, les divers conseils techniques, les manières parfois très différentes de concevoir l’apiculture. Pour certains, c’est un métier, un outil de travail avec le vivant, pour d’autres cela donne un sens à leur vie, et même pour certains, c’est une philosophie de vie. Moi je ne considère pas les ruches comme une contrainte économique. Ça me donne beaucoup de liberté dans ma pratique apicole. Dans un de mes deux ruchers, je suis en train de passer en abeilles noires. Je les trouve plus réactives et cela me permet de comparer les comportements avec mon autre rucher principalement composé de colonies Buckfast.
Je m’aperçois que j’ai parfois décidé d’intervenir mais ce n’est pas le bon moment pour les abeilles. On apprend à observer et à agir en fonction des réactions des abeilles. Après je comprends qu’un api-
culteur professionnel ait un planning et des impératifs à respecter et doive absolument intervenir malgré tout pour réaliser ses objectifs. Moi j’ai la liberté de me dire que je reviendrai plus tard.

AF - Votre apiculture n’a pas un objectif économique.
RT - Avec mes 23 colonies, je pratique une apiculture passionnée. Je ne cherche pas à en retirer un profit. Cela n’empêche pas que je vends le miel que je produis. J’ai quelques points de vente. Dans un petit
supermarché, des épiceries fines, et dans une auberge (La Petite Auberge à Margny-sur-Matz) qui propose des produits locaux et une cuisine locale de qualité (mon miel y est fréquemment utilisé pour certaines recettes). J’aime bien choisir les endroits où mon miel va être vendu afin qu’il soit en accord avec ma philosophie de vie. Et finalement, l’argent que je gagne avec le miel, je le réinvestis dans mon activité apicole essentiellement. Je veux que ça entre dans un circuit logique et que ça retourne aux abeilles à travers le renouvellement de la cire et du matériel par exemple ou dans l’achat de nouvelles colonies chaque année pour apporter un peu de « sang neuf » au rucher. Il y a tout de même un petit bénéfice qui est dégagé ce qui n’est pas négligeable.

AF - Je suppose que vous avez toutes les recettes pour bien vendre votre miel.
RT - Je vends mon miel sans aucun problème et n’arrive pas à servir mes clients pour fermer la boucle avant la première récolte de la saison suivante. Je souligne là le lien avec mon autre activité. Mon propre miel est un support test qui me permet de travailler sur des idées d’étiquettes pour voir comment réagissent mes clients. Je me fais plaisir en faisant varier mes étiquettes chaque année.
Je trouve des idées sur certaines présentations. Quand ça fonctionne pour moi, je le propose aux apiculteurs. Par exemple, j’avais mis de côté du miel d’été en pots de 125 et 250 grammes non étiquetés.

J’ai fait des étiquettes avec une ambiance fin d’année-Noël-hiver, tout en respectant les différentes mentions réglementaires d’étiquetage. Je me suis aperçu que ça restait un miel de fleurs d’été mais avec une étiquette évoquant les fêtes. Tous mes pots se sont vendus à une vitesse incroyable parce que les gens achetaient clairement les pots pour accompagner les cadeaux de Noël. En 2021, j’ai renouvelé l’opération pour la St Valentin. J’avais 80 pots de 125 grammes et tout a été vendu très vite dans une épicerie fine pour l’occasion. C’est là qu’on se rend compte du « pouvoir de l’image sur les produits. »

AF - Cela illustre le fait que les étiquettes entrent pleinement dans la stratégie de valorisation du miel. La taille du pot joue un rôle également selon vous ?
RT - C’est vrai que dès l’instant où les apiculteurs proposent des pots de 1 kilo, ils sont bien souvent achetés par des clients qui cherchent surtout du miel pour cuisiner. Ces clients ne portent pas forcément un grand intérêt à l’étiquette. Ils pourraient acheter tout aussi bien du miel en seau. Par contre quand on arrive à des contenances de 500 grammes, 250 grammes, les clients sont davantage sensibles aux étiquettes. Grâce aux étiquettes, les gens s’arrêtent, parlent avec les apiculteurs, les questionnent sur
la composition du produit... J’ai réussi à faire passer ce message : l’image que l’on véhicule sur l’étiquette va apporter des informations importantes aux clients qui pourront identifier le produit mais aussi l’univers, la personnalité, l’esprit de l’apiculteur. Le client enregistrera cette image du produit grâce aux étiquettes et le retrouvera facilement. Par exemple, les étiquettes de mes miels accueillent chacune l’illustration d’un animal local (le blaireau pour le printemps, le renard pour l’été, le coq pour le sarrasin ...) Et bien j’ai certains de mes clients qui collectionnent mes pots pour avoir toutes les illustrations. Et chaque année je dessine de nouveaux animaux. C’est amusant et j’adore le principe d’utiliser cet espace de création au-delà d’un simple support de vente. Une étiquette peut raconter une histoire, évoquer un souvenir. Je réalise des projets d’étiquettes illustrées uniques à la demande de chacun.

Jusque là, les apiculteurs avaient la solution d’acheter des étiquettes génériques auprès des marchands de matériel apicole ou de faire appel à un imprimeur, mais ce dernier ne propose pas la partie conception personnalisée. Il faudra donc faire appel à plusieurs interlocuteurs pour un projet d’étiquettes. Moi je me charge de toutes les étapes : l’étude du projet, la réalisation, la production, la livraison, les échanges téléphoniques pour découvrir l’univers de chacun. J’ai compris aussi que bien des étiquettes « types » vendues ne sont pas réglementaires et mettent les apiculteurs dans des situations délicates.
Un de mes rôles est de sensibiliser aussi au respect de la réglementation pour éviter que les apiculteurs ne subissent des amendes en cas de contrôle sur les marchés par exemple.

AF - Vous conseillez bien au-delà du simple aspect réglementaire, n’est-ce pas ?
RT - Ce que j’aime aussi, c’est conseiller les apiculteurs sur l’image de leur produit. Certains me disent : « je veux juste une étiquette simple, je vous fais confiance ». Je prends toujours le temps de comprendre
à qui j’ai affaire. Je propose toujours un premier échange par mail pour que le client prenne le temps de me donner un minimum d’informations. Ils peuvent prendre le temps de réfléchir à ce qu’ils veulent en me confiant quelques indications sommaires. Je pose de simples questions. Voulez-vous une étiquette
qui évoque quelque chose d’artisanal, de moderne ? Voulez-vous quelques chose de coloré, de neutre, des dorures... ?

Si nécessaire, je les appelle pour qu’on puisse parler et c’est alors bien souvent un échange entre passionnés d’abeilles.
Moi ça me permet de récupérer des informations sur la personnalité de l’apiculteur et ça me donne des idées de personnalisation pour les étiquettes. L’objectif est que chaque apiculteur trouve l’éti-
quette qui lui ressemble. Et ceux qui me demandent les mêmes étiquettes que leur ami, je refuse, par respect pour celui qui m’a fait le première commande.
Je leur propose alors des étiquettes qui dégagent le même esprit, dans un style graphique ressemblant, mais différentes.
Chacun se démarque de l’autre. Quand ils se rejoignent sur un marché pour vendre leurs produits ensemble, ils auront des étiquettes qui distinguent bien leurs produits.


AF - C’est aussi une interprétation. C’est dans la continuité de votre démarche artistique.
RT - Oui, tout à fait. Je me suis parfois posé la question de savoir si j’allais pouvoir réussir ce pari de fournir à chaque fois des étiquettes différentes. Et ça fonctionne... Dans les échanges, les apiculteurs évoquent parfois des modèles qu’ils ont croisé, des idées auxquelles je n’ai pas forcément pensé. C’est alors une
nouvelle orientation graphique qui jaillit et dont je peux m’inspirer pour d’autres.
Par exemple, il y a 15 jours, un apiculteur a voulu des étiquettes qui fassent le tour complet de ses pots. Et il voulait qu’à l’arrière, quand les deux bouts de l’étiquette se rejoignent, on voit alors apparaître dans la symétrie des deux parties de l’étiquettes, une cuillère à miel dans l’espace laissé transparent. Ce sont des idées comme celles-ci, qui viennent des apiculteurs parfois, que je mets en application.

AF - En parlant de mettre en application, vous travaillez seul sur toute la chaine de production ?
RT - Non, cela m’aurait noyé dans des tas de contraintes techniques et administratives. Je n’aurais pas pu proposer le même service. Cela aurait pris le pas peu à peu sur la partie créative qui est le cœur de mon travail car je propose des « œuvres uniques » qui demandent un certain temps et investissement. A mon niveau, je me charge de toute la relation client, je réalise les études et devis, je réalise le projet de A à Z, et c’est seulement à la suite de la validation du Bon à Tirer que je délègue la production en atelier. Ce dernier se chargera de produire les étiquettes dans des délais courts et s’occupera également du conditionnement et expédition (4 jours en moyenne pour recevoir les étiquettes en main propres).
J’ai pu profiter dès le début d’une collaboration avec un premier producteur d’étiquettes à qui j’avais présenté mon projet. Il avait une réponse à ce que j’attendais mais sans investissement réel de sa part. Je voulais m’accorder avec un atelier « impliqué ». J’ai donc proposé à une connaissance qui s’occupait de la partie commerciale d’une grosse société de production d’étiquettes en France, présent sur le marché depuis les années 50 et dont la qualité de prestation n’a pas d’égal. Cette structure dirige une grosse
chaîne de production. Ils travaillent avec des industriels et produisent plusieurs centaines de milliers d’étiquettes par mois. Jusque là ils ne travaillaient pas sur de petites productions. Je leur ai présenté mon projet et je leur ai proposé de me faire des tirages de bobines d’étiquettes sur différents papiers, avec différents rendus. Cela m’a permis de démarcher. Ils ont joué le jeu. Ils se sont aperçus qu’une clientèle se développait. Ils se sont adaptés à mes besoins et on mis à ma disposition un atelier dédié à la production en petit tirage répondant parfaitement à mes attentes. A n’importe quelle heure je peux appeler l’atelier pour évoquer des points techniques, obtenir des échantillons, faire des essais, etc.

Je leur confie les dossiers avec toutes les contraintes techniques afin qu’ils exécutent la production en atelier, la gestion du conditionnement des étiquettes, la livraison, le suivi. Cela me laisse toute la liberté pour la création. Aujourd’hui cela fait 5 ans que nous collaborons ensemble et produisons des centaines de projets nouveaux chaque année.

AF - Ce qui les intéresse c’est sans doute précisément le développement de ce type de production à petite échelle ?
RT - Ils avaient, je crois, le projet de se positionner sur ce marché de production à tirage faible. C’est ce qui a fait que ça a fonctionné. L’apiculteur n’a pas besoin de gros volumes d’étiquettes et doit bien souvent renouveler de petits tirages chaque année, sans oublier que le volumes d’étiquettes diffère en fonction des saisons plus ou moins fructueuses.
Leur idée de départ était de mettre en place un interface graphique accessible en ligne, une sorte de d’application froide et limitée mais qui pouvait malgré tout suffire à certains. Ils ont mis en place ce module et se sont aperçus très vite que ça ne fonctionnait pas. Il manquait une étape cruciale qui est celle de la conception graphique de l’étiquette qui intègre les pictogrammes, les diverses mentions légales, les hauteurs de caractère réglementaires... mais il manquait la relation humaine dans tout cela surtout. Ils étaient sans arrêt appelés pour régler des points techniques parce que les clients n’arrivaient pas à valider leurs commandes. Et comme moi je leur proposais de gérer toute la relation directe avec le client, que j’allais proposer à l’apiculteur de réaliser un projet graphique à recevoir à son domicile, ça les a séduit. Ils ont décidé de mettre en place l’outil et cette production à faible tirage fonctionne aujourd’hui parfaitement. Il y a une belle confiance et une belle collaboration qui s’est mis en place.

AF - Encore une histoire de réseau...
RT - Oui, et c’est probablement grâce aux abeilles que j’ai pu les séduire. Ce concept de service aux apiculteurs avait égale ment quelque chose de novateur. Je n’ai aucune concurrence directe dans le service que je propose. La seule concurrence possible serait les autres imprimeurs qui offrent un service d’étiquettes. Mais finalement non. Un imprimeur ne propose pas la conception graphique et le regard personnalisé. Un apiculteur, s’il passe par les services d’un imprimeur, et il y en a qui le font, va avoir plusieurs interlocuteurs et il va devoir faire appel à une agence de création ou à un graphiste indépendant.
Après il va devoir chercher un imprimeur.
C’est beaucoup de perte de temps, y compris quand il y a le besoin d’une petite modification sur une étiquette. Chez moi c’est un simple changement sans conséquence économique pour l’apiculteur.

AF - Je sais que vous êtes aussi dessinateur ? Vous communiquez beaucoup sur les réseaux sociaux...
RT - Oui, j’ai aussi en parallèle une activité de portraitiste. Je réalise des portraits humains et animaliers. Et je me suis dit, pourquoi ne pas dessiner des abeilles ?
Et j’ai commencé cet hiver. Cela a ouvert d’autres possibles, d’autres commandes.
J’ai beaucoup d’apiculteurs qui me commandent la réalisation de tableaux dessinés au fusain ou au pastels. Ils m’envoient parfois des photos de leurs abeilles, de leurs reines. J’ai eu la commande d’un dessin de reine pour décorer une miellerie. Et il a été complété par le dessin d’une ouvrière et d’un faux-bourdon.

C’est vrai que c’est plutôt un travail de week-end parce que j’ai besoin d’être posé, sans téléphone, avec du temps sans être dérangé. Je fais ça plutôt en automne et en hiver. Je m’adapte à la saison des abeilles pour ça. Et j’ai plein d’idées à venir à ce niveau.
Vous pouvez voir une sélection de mes travaux sur ma page Facebook ou sur ma page Pinterest .

AF - C’est une forme de diversification du point de vue de l’artiste-apiculteur.
RT - A ce propos, j’ai eu aussi beaucoup de demandes d’apiculteurs qui voulaient des textiles imprimés. Des t-shirts, casquettes, vestes... avec le modèle graphique que je leur avais créé... J’ai eu un peu peur de trop me diversifier, de me disperser. Mais il y a maintenant des solutions pour créer des interfaces en ligne.

Il existe des boutiques automatisées rattachées à des fabriquants d’impression textile de qualité. Et j’ai mis en place ce service complémentaire pour répondre à cette demande spécifique. Je propose des graphismes de base à disposition et le client choisit de les disposer sur son vêtement. Ce qui a été intéressant c’est que quand je travaille par exemple sur le logo d’un rucher et l’élaboration de sa charte graphique, je propose à l’apiculteur toute une déclinaison de fichiers exploitables pour qu’il puisse envisager de l’utiliser avec d’autres prestataires, pourquoi pas ? Avec les fichiers, il peut aussi aller sur ma boutique en ligne avec son logo imprimé pour des produits personnalisés. Il peut les configurer comme il le souhaite en toute liberté.

AF - Et bien je ne peux que vous féliciter pour cette réussite de concilier ses passions et la réalisation d’un projet économique parallèle à l’apiculture et complémentaire à elle.


Liens divers :
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