Comment faire de l’apiculture si l’on ne tient pas compte de la nature qui nous entoure ? Pour tant, dans notre monde de plus en plus déconnecté de l’environnement naturel, on a parfois l’impression qu’on peut oublier certaines règles puisque « ça marche bien comme ça ». C’est ainsi qu’on en arrive à s’écarter de plus en plus des équilibres naturels. L’intensification de l’agriculture que nous décrions si souvent en est un bon exemple. Mais côté apicole, où en sommes-nous aujourd’hui ? Nous étions nombreux à nous révolter face aux images du film « More thanhoney » présentant une certaine forme d’apiculture où les abeilles ne représentent plus qu’un outil de production et de ressource financière. A l’opposé, l’apiculture africaine et l’apiculture « à paniers » semblent « primaires » et même cruelles pour certains avec l ‘étouffement des colonies pour la récolte du miel. Mais où se situe notre apiculture sur cette échelle ? Respecte-t-on réellement les abeilles dans leurs besoins naturels ? On ne parle que rarement de bien-être animal lorsqu’on parle d’abeilles et pourtant il est intéressant de s’arrêter quelques instants pour tirer le bilan de ce qu’on fait ou plutôt de ce qu’on fait faire à nos abeilles.
Notre choix d’emplacement, de ruches, de cadres mobiles… est-il le bon ? Notre sélection basée avant tout sur le rende ment en miel et sur la résistance aux maladies ne va-t-elle pas trop loin ? Depuis deux mois, j’ai personnellement été confronté à une série de messages qui ont généré une réflexion personnelle sur notre façon de conduire nos ruches. Le choc est venu lors d’un congrès aux Pays-Bas, « Learning from the bees », qui concernait l’apiculture naturelle. Il y a été souligné toutes les fractures existant entre ce qu’on fait et ce qui se passe dans la nature. Ensuite, Eurbee à Gand et « Let’s bee united 11th » au Liban ont permis de valider scientifiquement plusieurs pistes sur l’importance de s’approcher davantage de la nature dans le cadre de la lutte contre les maladies.
Enfin, Apiquality à Sibiu (Roumanie) a complété le tableau en mettant en avant la diversité des produits de la ruche, non seulement en lien avec la botanique et la situation géographique mais égale ment avec les espèces d’abeilles. Les propriétés du miel, du pollen, de la gelée royale, des larves d’abeilles, du venin sont diverses et incroyables. Un simple produit comme le miel a des effets sur la santé que je n’aurais jamais ima giné. Naturellement cela n’est possible que dans la mesure où on respecte les abeilles. J’ai clôturé la partie Apiquality du symposium en insistant sur le fait que la nature, au travers des abeilles, nous offre des cadeaux fabuleux avec les produits de la ruche.
Ils représentent une réelle pharmacie.
Mais attention ! Pour qu’ils gardent leurs propriétés, il faut cependant respecter notre environnement et ne pas dégra der les produits en les maltraitant ou en les adultérant. La recherche de produits très sophistiqués à base d’extraits de produits de la ruche est-elle réellement nécessaire et apporte-t-elle un réel avantage si ce n’est aux compagnies qui les produisent ? Cette réflexion peut certainement être étendue aux abeilles elles-mêmes.
Nous avons un réel trésor dans les mains, c’est la biodiversité, que nous devons conserver. Naturellement c’est compliqué et cela demande peut-être un peu de temps, c’est moins rentable. Les résultats sont plus variables et le travail se fait à plus long terme, mais à la fin, cela rapporte à tous. C’est un patrimoine collectif.
A-t-on l’intelligence de savoir quels sont les réels besoins de nos abeilles ? Sommes-nous prêts à ne pas trop intensifier notre conduite quitte à perdre un peu d’argent ? La recherche nous permet aujourd’hui de mieux comprendre les abeilles et leurs produits et de mieux cerner les multiples interactions en présence. A nous d’en tirer les leçons.
Si l’on tire un bilan global de l’activité apicole, je suis persuadé qu’une apiculture beaucoup plus naturelle a toute sa place aujourd’hui dans notre société. A nous de réfléchir et de construire de nouveaux modèles apicoles plus en harmonie avec nos abeilles. La nature nous offre ce qu‘il y a de meilleur et nous devons tout faire pour la respecter.