L’ensemble des informations présentes dans cet article sont le fruit des connaissances des experts suivants :
- Monsieur Fabien Kaczmarek : Maître hydromellier et auteur du livre « l’hydromel »
- Madame Marie Charlotte Colosio : Ingénieure en microbiologie à l’institut français de la vigne et du vin (IFV)
- Monsieur Arnaud Delaherche : Docteur en Œnologie de la Société Lesaffre Fermentis
Les origines de l’hydromel
L’hydromel est la boisson alcoolisée souvent considérée comme la plus ancienne. On en retrouve d’ailleurs des traces à l’antiquité. Monsieur Kaczmarek émet l’hypothèse que ce breuvage serait né suite à la fermentation inopinée d’une jarre de miel récolté trop humide. D’un point de vue géographique, l’orateur remet en doute l’origine bretonne de l’hydromel. Bien que le chouchen (type d’hydromel) soit d’origine bretonne, l’hydromel ne l’est pas selon lui. Ce serait probablement le franc succès du chouchen dans les années 80 qui in fine a mené à l’appropriation culturelle de l’hydromel par les bretons. Aujourd’hui, l’hydromel est un produit national et international. Aux États Unis, l’hydromel est très apprécié et les chiffres sont en bonne expansion. On retrouve également beaucoup d’hydromels dans l’est de l’Europe comme en Pologne. Cela s’explique certainement par la faible présence de vignes dans ces régions. En France, la croissance du secteur de l’hydromel est exponentielle.
L’hydromel, remis à l’ordre du jour
Bien que l’hydromel ait actuellement le vent en poupe, ce ne fut pas toujours le cas. La faible popularité de la boisson s’explique par les raisons suivantes. Dans un premier temps, cette boisson fut trop longtemps considérée comme un sous-produit de l’apiculture, pâtissant d’une mauvaise notoriété. Or, l’hydromel est un produit apicole à haute valeur ajoutée et permet de vendre le miel à un prix supérieur au prix habituel. Ensuite, l’hydromel fut également trop souvent associée aux milieux médiévaux et vikings et donc restreint à leurs partisans. Enfin, le manque de formation et de connaissances propres au secteur de l’hydromel ne bénéficiait pas à son développement. Les faibles volumes de production historiques qui en découlaient ne permettaient pas l’approvisionnement de l’ensemble des restaurants de France.
L’attrait actuel grandissant pour l’hydromel est multi factoriel. Dans un premier temps, l’abeille et le miel véhiculent une image très positive d’un point de vue environnemental ainsi qu’une fascination populaire. Cette fascination et cette image positive sont directement réfléchies sur les produits de la ruche, ce qui bénéficie à l’hydromel. Ensuite, le consommateur aime explorer de nouveaux produits et l’hydromel assouvit ses besoins, le vin et la bière étant déjà largement connus. De plus, les variétés gustatives des hydromels sont diversifiées et comparables à celles des vins, chaque miel utilisé pour un hydromel pouvant être comparé à un cépage. Tout comme un vin dépend de son cépage, un hydromel est susceptible de varier d’un point de vue aromatique et organoleptique en fonction du miel utilisé. Certains miels peuvent être considérés comme des grands crus. Enfin, la boisson est également médiatisée par de nombreuses séries télévisées qui touchent le grand public mettant le produit en exergue, l’hydromel étant associé à la boisson des dieux.
Le développement de la boisson
En conséquence de l’engouement pour l’hydromel, le développement rapide de nombreuses hydromelleries s’observe à travers le monde. Certains vignerons s’intéressent également à l’hydromel et mettent leurs connaissances viticoles à contribution du secteur. La France compte actuellement une cinquantaine d’hydromelliers professionnels. Fort de ce développement, plusieurs structures consacrées à l’hydromel émergent un peu partout dans le monde. On note par exemple l’AMMA (American Mead Maker Association) ou encore l’EMMA (European Mead Maker Association). Selon Monsieur Kaczmarek, l’hydromel est un produit d’avenir malgré qu’il soit souvent perçu comme un breuvage moyenâgeux.
Il existe plusieurs bras de leviers pour promouvoir davantage l’hydromel dans nos régions. D’une part, il faut favoriser la formation. En effet, de meilleures connaissances sur le produit permettent une meilleure réalisation. Monsieur Kaczmarek n’hésite pas à former d’avantage d’hydromelliers sur le territoire et ne craint pas la concurrence. Il y a selon lui de la place pour tout le monde sur le marché de l’hydromel. D’autre part, il faut attirer le consommateur vers le produit. Pour ce faire, la promotion de l’hydromel doit passer par l’éducation du consommateur. Il faut que ce dernier connaisse mieux le produit (diversité, complexité, aromes,…) pour s’y intéresser. En participant à la formation de nouveaux hydromelliers, Mr Kaczmarek agrandit la diversité d’hydromels (en fonction de la région, de l’hydromellier,…) proposée au consommateur. C’est également une manière de contribuer à la promotion du produit sur notre territoire. Monsieur Kaczmarek invite également à systématiquement demander un verre d’hydromel au restaurant. Cela permettrait d’engendrer une certaine demande et d’agrandir le marché.
Le marché de l’hydromel
Le marché actuel de l’hydromel est dominé par l’Europe (grâce aux pays de l’Est) suivie par les Etats-Unis. Sur le marché, l’hydromel se décline sous ses multiples facettes (épicé, fruité, au miel mono floral, au miel toutes fleurs,…) mais il y a tout de même une nette préférence pour les hydromels aux épices ou aux fruits. Selon Mr Kaczmarek, l’hydromel est tout à fait capable d’aller chercher quelques parts de marchés du secteur de la bière et du vin.
La fabrication de l’hydromel, ce qu’il faut savoir
a) Les principes de base pour réussir son hydromel
Dans un premier temps, le choix des ingrédients est fondamental. Un bon hydromel s’obtient à partir d’ingrédients de qualité (miel, eau et levures) ! Il est à noter que le miel est un produit particulier dont certains paramètres diffèrent des fruits : pH, rapport fructose/glucose, matrice pauvre en azote,… La fabrication de l’hydromel diffère donc de celle du vin sur ces points. Étant donné la pauvreté en azote du miel, il est nécessaire d’apporter de la nutrition azotée aux levures.
Ensuite, il est important de se renseigner sur les processus de fabrication. La fabrication de l’hydromel s’apparente à la vinification mais les connaissances théoriques sont rares, bien qu’elles soient essentielles. Monsieur Kaczmarek insiste sur la manque d’informations qu’il existait lorsqu’il s’est intéressé à la fabrication d’hydromel. Les seuls ouvrages disponibles étaient d’origine américaine. C’est notamment une des raisons qui l’ont poussé à écrire « l’hydromel ». La lecture de ce dernier permet selon lui de gagner quelques années d’expérience.
Enfin, il faut travailler avec du matériel de qualité. Il faut compter entre 3 et 30 miles € d’investissement pour se lancer en tant que professionnel, ce qui reste relativement abordable. Certains frais doivent également être faits pour payer les droits d’assises, l’hydromel étant une boisson alcoolisée.
b) L’influence des levures sur l’expression aromatique de l’hydromel
Les levures sont fondamentales pour la fermentation alcoolique afin de transformer les sucres en alcool. Cependant, ce n’est pas leur unique rôle dans la fabrication de l’hydromel. En effet, le profil aromatique de ce dernier est influencé par les levures utilisées. Marie charlotte Colosio, ingénieure en microbiologie de l’institut français de la vigne et du vin (IFV) et Monsieur Arnaud Delaherche de la société Fermentis s’intéressent fortement à cette influence aromatique des levures. D’après les recherches de Mme Colosio, les levures sont à l’origine des arômes fermentaires et variétaux. Les arômes fermentaires sont synthétisés par les levures à partir des substrat de fermentation. L’alcool, le glycérol et les alcools supérieurs (esters) participent à la production de ces arômes. Les arômes variétaux sont liés à la richesse en enzyme des levures (capacités enzymatiques). En fonction de leur pool enzymatique, elles sont capables de libérer des arômes tels que des thiols, ou des terpènes.
La société Fermentis s’intéresse à la caractérisation des levures selon le degré d’alcool obtenu et la quantité de sucres résiduels. En connaissance de ces 2 caractéristiques, il est plus aisé de sélectionner une levure en fonction des objectifs d’hydromel définis. L’observation de la cinétique fermentaire permet de déterminer la tolérance à un certain degré d’alcool tandis que les analyses physico chimiques permettent de quantifier la quantité de sucres résiduels. Lorsqu’une levure caractérisée par une certaine quantité de sucres résiduels est sélectionnée, il est important de sulfiter la préparation après la fermentation. Dans le cas contraire, ce sucre résiduel pourrait être consommé par des levures indésirables.
En conclusion, le choix des levures est primordial car il dirige le bouquet aromatique et la préparation de l’hydromel. Il peut aussi être à l’origine d’un gout indésirable. Ce n’est cependant pas le seul facteur influençant les arôme de l’hydromel, le choix des produits de base et les conditions de fermentation y contribuent également. Des bonnes levures sur papier qui travaillent dans des mauvaises conditions (température, acidité,…) peuvent donner des résultats différents de ceux attendus. Il est aussi à noter que toutes les levures produisent des sulfites et que si cette production se fait en trop grosse quantité, cela peut aussi être à l’origine d’un gout indésirable. Dans la plupart des fabrications, les levures utilisées sont externes au miel. Cependant, des levures directement présentes dans le milieu du miel peuvent être utilisées si elles produisent un gout intéressant que l’on veut donner à son hydromel. En tant que débutant hydromellier, il est conseillé de commencer à travailler avec des levures qui consomment l’intégralité des sucres (pour éviter des mauvaises surprises) et qui permettent d’obtenir le degré d’alcool désiré. Dans un second temps, le choix des levures parmi celles qui « fermentent bien » peut se baser sur l’aromatique désirée. D’autres critères comme la consommation d’azote et l’adéquation de la levure avec le « cépage » du miel peuvent également être considérés.
Les concours d’hydromel
Les hydromels peuvent être évalués sur base de leur gout mais également selon leur robe et leur nez. Un concours accessible par l’ensemble des producteurs d’hydromels (professionnels ou amateurs) existe et est mis en place lors de la conférence de l’ « European mead maker conference ».