Comme c’est le cas depuis des années, le bilan de pertes hivernales nous montre une situation très variable selon les régions. En 2016-17, nous avons pu obtenir une vision nationale beaucoup plus large et représentative grâce à la collaboration entre la FAB-BBF (niveau fédéral), « Honeybee Valley » et le Konvib (Flandre), et le CARI et le CRA-W (Wallonie). Après vérification des données, nous avons pu utiliser 689 réponses pour ces analyses sur un peu plus de 700 réponses reçues. Nous en profitons pour vous encourager à répondre à toutes les questions afin que nous puissions exploiter un maximum de résultats.
La Belgique apparaît comme un patchwork montrant des zones indemnes de pertes, tandis que d’autres ont révélé des proportions de pertes variables (carte 2). Les réponses obtenues montrent un taux de mortalité moyen par province qui varie entre 8.9 % [5.1 % - 15.1 %] dans le Hainaut (représentant 7.9 % des réponses) et 37.4 % [31.2 % - 44 %] dans la province de Namur (9.1 % des réponses). La moyenne nationale est de 25.5 % [23.5 % - 27.7 %] (tableau 1). Vous avez aussi rapporté plus de 14 % de colonies « faibles » au début de l’année 2017 que vous avez sûrement soignées correctement pour les récupérer...
Si on regroupe les ruchers par région naturelle plutôt que par province, on constate que les régions où il nous a été rapporté le plus de pertes sont la Famenne (50.9 % [33.6 % - 68 %]) suivie par le Condroz (36.3 % [29.9 % - 43.1 %]). A l’opposé les taux de mortalités rapportés sont les plus faibles en Campine (17.5 % [13.9 % - 21.8 %] et en Lorraine (21.1 % [12.5 % - 33.5 %]), après exclusion des régions pour lesquelles nous avons reçu trop peu de réponses comme la région des Dunes.
Si vous avez rempli le questionnaire, vous avez répondu également à des questions sur votre pratique apicole notamment l’origine de vos cires (du commerce ou recyclage interne), la ou les méthodes de lutte utilisées contre la varroase. Nous présentons ci-dessous (tableau 1) les résultats de ces questions additionnelles intéressantes à plus d’un titre.
Pratiques liées à la cire
L’achat de cire du commerce est une pratique habituelle chez les apiculteurs qui ont répondu au questionnaire (75 %), tandis que plus de 21 % utilisent leur propre cire. A côté de cela, seulement 3 % laissent leurs abeilles bâtir les cadres. En comparant la mortalité en fonction de l’origine de la cire, on observe une mortalité significativement plus grande chez les apiculteurs utilisant la cire du commerce (mortalité moyenne de 28.1 %) par rapport à celle signalée par ceux utilisant leur propre cire (mortalité moyenne de 20.7 %).
Mais attention ! La manière de collecter ces données (questionnaire sur base volontaire) ne permet en aucun cas d’être certain que c’est la cire du commerce qui a causé ces 7.4 % de mortalité supplémentaire. Cependant, cette simple observation pose question étant donné les polémiques récentes autour de la cire du commerce.
Comme vous le savez sans doute déjà, un problème dans les cires du commerce a été repéré par les autorités suite à des signalements de symptômes de couvain en mosaïque.
Les analyses ont révélé la présence de stéarine dans certaines des cires achetées par les apiculteurs, un acide gras ajouté à la cire d’abeille qui s’avère toxique pour les abeilles. La cire du commerce peut aussi contenir de nombreux contaminants de type pesticides ou des résidus d’acaricides venant des précédents traitements anti-arroa. Une étude menée par un consortium des Universités de Liège et Gand appelée « BeeToxCheck » permettra bientôt de décrire la qualité des cires travaillées par les apiculteurs et celles du commerce. Malheureusement, à ce jour il n’existe aucun système de certification de la qualité des cires commercialisées. Pour éviter l’introduction de contaminants dans les ruches via les cires, plusieurs options existent pour réaliser vos cires gaufrées. La première consiste à utiliser la cire d’opercule (celle de meilleure qualité). Une deuxième option consiste à récupérer aussi la cire des hausses. L’utilisation des cires de corps est à proscrire si vous avez fait des traitements anti-varroa avec des produits antiparasitaires synthétiques (par exemple, à base de tau-fluvalinate, coumaphos, flumethrine, amitraz, etc.) vu l’accumulation de ces produits ou de leurs métabolites dans les cires.
Pratiques liées au traitement varroase
Le questionnaire a permis d’obtenir un instantané des pratiques mises en œuvre en Belgique pour le contrôle du varroa. Deux tiers des participants à l’enquête déclarent surveiller le niveau d’infestation du varroa surtout durant les mois d’avril, août et décembre. La moitié des apiculteurs ayant répondu au questionnaire déclarent suivre la bonne pratique qui consiste à couper un cadre à mâles plusieurs fois au long de l’année pour éliminer les varroas qui se multiplient dans les cellules (graphique 1). D’autres pratiques biotechniques comme le blocage de ponte ou l’hyperthermie sont utilisés par 10.4 % et 0.7 % des apiculteurs, respectivement. Les apiculteurs ayant répondu montrent clairement une préférence à utiliser la « lutte chimique douce », c’est-à-dire des traitements à base d’acide oxalique (52.6 %, incl. dégouttement et sublimation), d’acide formique (36 %, en flash ou en longue durée), ou un mélange des deux (BeeVitalHive Clean ou Varromed) (21.8 %), thymol (27.5 %) et de manière plus marginale de l’acide lactique (0.8 %). L’avantage de ces méthodes est notamment l’absence de résidus dans les cires, et par conséquent un risque réduit d’effets négatifs à long terme sur les abeilles et de contamination des produits de la ruche.
Les traitements basés sur des produits de synthèse, c’est-à-dire amitraz, tau- fluvalinate, coumaphos, flumethrine, sont nettement moins utilisés. L’amitraz en bandelettes est utilisé par 8.8 % des apiculteurs-répondeurs, et en fumigation par 1.8 %. Les produits avec des pyréthrinoïdes comme le tau-fluvalinate et la flumethrine (e.g. Apistan et Polyvar Yellow, respectivement) sont peu utilisés (6.1 % au total). Quant à l’utilisation de produits à base de coumaphos, elle reste anecdotique.
Par ailleurs, d’après les réponses reçues, il y aurait de nettes différences de pratiques selon les régions. Les apiculteurs flamands déclarent appliquer nettement plus souvent des pratiques biotechniques (67.6 % des réponses) que les apiculteurs wallons (31.5 %). Les traitements à base de produits de synthèse sont par contre plus fréquents en Wallonie (28.6 %) qu’en Flandre (13 %). Il est possible qu’une partie de ces différences soient dues à des différences dans le questionnaire, entre la version utilisée au Nord et au Sud du pays.
Évidemment la pratique de la découpe de cadre à mâles est celle qui est la plus répétée. Il est intéressant de se centrer sur le nombre de répétitions des traitements chimiques. Sur base de l’hypothèse que l’apiculteur aura traité parce qu’il/elle considérait que le niveau d’infestation de varroa était trop important, le fait d’avoir un grand nombre d’applications répétées sur le même rucher suggère que le traitement n’est plus efficace. Dans ce cas il serait recommandable de vérifier l’efficacité du traitement à l’aide par exemple d’un comptage des varroas phorétiques après le traitement (test sucre impalpable, CO2 ou alcool, suivi des mortalités sur lange ou en comptant le nombre de varroas dans le couvain de mâle).
Dans votre stratégie de lutte intégrée contre le varroa, la plupart d’entre vous utilisez une combinaison de traitements, en général entre 2 et 4 types de traitement différents et jusqu’à 7 traitements en combinaison pour 3 apiculteurs/trices. Le graphique 3 vous montre les combinaisons de pratiques biotechniques, chimiques douces (à base de produits organiques), chimiques dures (à base de produits de synthèse). L’utilisation de la « chimie douce » seule ou en combinaison avec des pratiques biotechniques est très largement dominante.
Existe-t-il un lien entre certaines pratiques apicoles et les pertes hivernales ?
Nous avons comparé les pertes hivernales selon une combinaison de six critères : le type de traitement appliqué (biotechnique, chimie « dure », chimie « douce »), la pratique du monitoring varroa, l’achat de cire du commerce et la région (Wallonie/Flandre (+Bruxelles)). Rappelons que l’interprétation de ces résultats doit se faire avec précaution, d’abord parce qu’il s’agit de corrélations (sans qu’on sache s’il y a lien de cause à effet) et ensuite parce que la manière dont les données sont récoltées peut facilement introduire des biais. L’exercice reste cependant instructif. Les résultats montrent qu’un apiculteur pris comme point de référence situé en Flandre, ne pratiquant ni le monitoring des varroas ni aucun traitement et n’achetant pas de cire aurait un niveau de perte hivernal théorique de 18.5 % en moyenne. Il n’y a aucune différence significative de perte hivernale chez les apiculteurs qui déclarent pratiquer le monitoring varroa, les traitements biotechniques ou à base de chimie douce. Par contre, toutes choses étant égales par ailleurs (c’est-à-dire région et achat de cire, traitement biotechnique ou par chimie douce), les apiculteurs qui déclarent utiliser des traitements à base de chimie dure ont en moyenne des pertes hivernales réduites significativement de 7.7 %. Les pertes en Wallonie sont en moyenne 6 % plus élevées et elles sont 6.8 % plus élevées en moyenne chez les apiculteurs achetant de la cire du commerce (toujours « toutes choses étant égales par ailleurs »). Ces deux dernières différences sont légèrement significatives.
Le mot de la fin
Nous tenons à vous remercier pour vos contributions et nous vous encourageons à continuer à répondre au questionnaire que nous proposons chaque année. Le lancement du questionnaire pour l’hiver 2017 - 18 circulera dans les réseaux apicoles dans les prochains jours et vous aurez jusqu’au 15 avril pour y répondre. De notre côté nous essayons de nous améliorer chaque année. Si vous avez des recommandations, suggestions ou questions spécifiques, n’hésitez pas à nous envoyer un e-mail à info chez cari.be.