Bien souvent, nous sommes amenés à devoir conseiller des apiculteurs débutants ou même plus expérimentés sur ce que nous avons coutume d’appeller de bonnes pratiques apicoles. Cette question se pose à tous les niveaux, du cours d’apiculture de base jusqu’à la FAO et Apimondia qui aimeraient développer des lignes de conduite apicole. De même, en ce qui concerne l’ISO, certains aimeraient pouvoir valoriser le travail de personnes qui satisfont à certaines règles officiellement définies.
Tant qu’on s’en tient à un guide qui ne fait que transposer en langage courant la législation existante, comme notre guide de bonnes pratiques apicoles, c’est assez facile. Les choses se compliquent lorsqu’on veut définir les lignes de conduites à suivre pour un plus grand nombre de gens, au risque qu’elles soient traduites en règlementations internationales. Prenons l’exemple d’une question très simple : peut-on déshumidifier un miel ? Tout le monde sait que pour se conformer à la législation, il faut récolter un miel travaillé par les abeilles (miel mature). Pourtant nous savons également que certains miels malgré toute l’attention que nous avons pu avoir, peuvent présenter une humidité excessive ne permettant pas de leur assurer une bonne conservation. Certains marchands proposent d’ailleurs des déshumidificateurs. Mais jusqu’où peut-on aller ? Où faut-il fixer les limites ? Les asiatiques trouvent que nous utilisons de techniques archaïques à côté de leurs déshumidificateurs sous vide très sophistiqués. Ces derniers justifient l’utilisation de la déshumidification par le fait que les miels récoltés en zones tropicales ou provenant d’Apis cerana peuvent avoir des teneurs en eau assez élevées de 22 ou 23 %. Il doit être possible de les déshumidifier avant de les vendre sauf si l’on en fait une sorte de bière comme en Afrique. On peut voir dans ce simple cas qu’il n’y a pas que des aspects techniques ou scientifiques en jeu mais qu’il faut également tenir compte des conditions locales de production, des moyens disponibles par les personnes qui sont le plus souvent de tout petits artisans et encore de l’image culturelle du produit et du marché.
Un autre exemple vient des pratiques apicoles que l’on voudrait systématiser et uniformiser pour permettre une standardisation des produits, ce qui est généralement demandé par la distribution. Mais ici on se heurte de plein fouet à toutes les approches plus naturelles qui voudraient au contraire favoriser la biodiversité et adapter notre apiculture aux réels besoins des abeilles.
Comment peut-on prendre en compte ce caleidoscope de situations, de coutumes et de besoins ? Les choix qui seront fait vont dépendre des paramètres qu’on va mettre en avant pour autant qu’ils se basent sur des études scientifiquement validées.
Personnellement, il me semble qu’il faut accorder la priorité à deux choses essentielles, le respect des abeilles et le respect de leurs produits. Le parcours apicole qui sera suivi par tout un chacun pourra varier en fonction de sa localisation, de sa culture, de ses moyens financiers et des besoins locaux du marché. Il ne faut pas un guide de bonnes pratiques mais bien des guides adaptés à chaque région du globe et qui veillent à respecter ces deux priorités de base.
De même à plus petite échelle, on ne cherche plus à mettre tout le monde dans le même panier. Chacun a le droit de pratiquer l’apiculture qu’il entend pour autant qu’il respecte ses abeilles, son voisinage et la qualité des produits qu’il met sur le marché.
L’attention devrait donc porter sur les points critiques dont il faut tenir compte pour assurer le bien-être de nos abeilles et pour garantir que nos produits conservent un maximum de leurs qualités d’origine. Pour le reste, il faut accepter que chaque personne puisse prendre un chemin différent du sien. Il s’agit en fait d’une réponse à une caractéristique de l’apiculture qui est l’individualisme. Et pourquoi pas ?
Cela ne doit pas nous empêcher de regrouper ces divers individus autour d’objectifs communs et de les aider à rendre ces groupes plus actifs. Là, on est dans le vrai développement apicole basé sur l’ouverture et le respect de chacun.
La section d’Arlon qui est présentée en page 16, a fait un beau travail dans ce sens. Espérons que ce type de projet puisse essaimer. Sur le plan international, je vais m’efforcer de mettre en avant mes deux priorités qui ne cadrent pas vraiment avec les intérêts économiques en place pour l’instant. Je suis certain qu’on peut construire un meilleur avenir pour nos abeilles et défendre la qualité de leurs produits. Bee attitude est un des moyens de soutenir les efforts qui vont dans ce sens. Nous vous y attendons donc nombreux.
EDITO : Existe-t-il de bonnes pratiques apicoles ?
Etienne BRUNEAU