Le microbiote
Aujourd’hui, les moyens techniques permettent d’identifier le microbiote du système digestif d’une abeille, en d’autres mots, sa flore intestinale ou encore, l’ensemble des micro-organismes (bactéries, microchampignons, protistes, virus) vivant dans l’environnement de son système digestif. Des équipes de chercheurs ont analysé l’influence de l’environnement, des traitements et/ou de l’alimentation sur ce monde vivant indispensable à l’assimilation des ali ments. Ainsi Philipp Engels a travaillé plus particulièrement sur les « communautés » de bactéries présentes dans l’intestin. Elles vont avoir un impact direct sur la santé et le développement de maladies de l’abeille. Son équipe a constaté que ces bactéries parvenaient à décomposer les parois des pollens et pouvaient même s’en alimenter.
Une analyse génétique complète de l’en semble des gènes (shotgun metagenomic data) a montré l’adaptation du microbiote à différentes niches métaboliques dans l’intestin. En parallèle, une équipe irlandaise a analysé l’impact sur les bactéries de l’intestin de l’utilisation d’antibiotiques (tylosine, tetracycline et sulfaquinoxaline) ainsi que du thymol et d’autres mélanges présentés comme utiles aux abeilles. La stabilité du microbiote est surprenante car seule la tylosine a un effet destructeur de certaines bactéries (bifidobacté ries et lactobacilles) remplacées par des bactéries moins abondantes.
Les colonies résilientes
Lorsqu’on parle de colonies naturellement résistantes au varroa, l’équipe INRA de Montfavet s’est demandée si la résistance n’était pas liée à la présence de lignées de varroas moins agressives pour leur hôte. Ils ont fait l’analyse génétique de différentes populations de varroas provenant de colonies naturellement tolérantes. S’il existe bien de légères variations entre les différents pays investigués, elles ne peuvent expliquer la tolérance des colonies provenant de Norvège, de Suède, de France et des Pays-Bas. Les chercheurs suggèrent que les populations locales doivent cependant être adaptées à leurs varroas. Ils ont également analysé le trio abeilles - varroas - virus pour mettre en lumière les relations très complexes existant au sein de ce trio. Ils ont observé des recombinaisons du virus des ailes déformées (DWV) dans les colonies résistantes. Les Suédois ont d’ailleurs mis en évidence l’importance de la tolérance des abeilles au virus des ailes déformées dans leurs colonies survivant sans traitement.
Une abeille mellifère adulte peut abriter un milliard de bactéries, dont environ 95 % résident dans les déchets de l‘intestin postérieur ; peu survivent dans la culture microbe hostile. Les butineuses ramènent les bactéries environnementales des fleurs à la ruche, notamment les Lactobacillus kunkeei, qui se développent ensuite dans le nid riche en fructose (surtout dans le pain d‘abeille). D‘autres bactéries sont des symbiotes de nidification, comme le groupe Alpha 2.2 que l‘on trouve dans la gelée. Et puis il y a les bactéries de l‘intestin « cœur », qui présentent une fidélité de niche stricte à l‘intérieur de l‘intestin d‘abeille.
Aux Pays-Bas, Tjeerd Blacquière a travaillé pendant 11 ans avec des colonies non traitées. Lorsqu’il analyse ce qui différencie les colonies survivantes, il constate une réduction de la fertilité des acariens dans le couvain d’ouvrières et aussi de la fécondité des acariens. Aucune population n’est devenue hygiénique ou n’a développé un comporte ment d’auto-épouillage. Une des deux lignées d’abeilles sélectionnée a augmenté son comportement VSH. Ils ont également constaté l’influence de la génétique et dans une moindre mesure de l’environnement. Ils en concluent qu’une sélection en aveugle peut être la voie à suivre pour obtenir des colonies résilientes si la démarche est générali sée sur un périmètre important.
Aujourd’hui, le projet français Beestrong a fait des prélèvements sur 1500 colo nies entre 2016 et 2018 principalement en France et a évalué leur développe ment, le nombre de varroas phorétiques et le comportement SMR (suppressed mite reproduction - suppression de la reproduction de varroa). Le génome de ces colonies sera analysé pour y trou ver les marqueurs associés aux traits de résistance. Dans un second temps, la mise en place d’un service d’analyses génotypiques basé sur ces résultats devrait aider les apiculteurs à détecter les colonies tolérantes plus facilement.
Produits de la ruche
C’est la présentation de Wim Reybroeck de l’ILVO (Instituut voor Landbouw and Visserijonderzoek) sur les cires adulté rées avec de la stéarine qui concerne naturellement directement les apicul teurs. Il arrive à la conclusion que 15 % d’ajout de stéarine provoque une mortalité significative du couvain d’abeille (49 %). Des doses plus importantes se traduisent par une augmentation des mortalités (71 % pour 35 % d’ajout).
La chercheuse croate L. Svecnjak a montré avec une technique de spectros copie (FITR-ATR) que sur 137 échantillons récoltés de 2016 à 2018 provenant de 15 pays européens, plus de 65 % des échantillons étaient adultérés avec des quantités de paraffine allant de 5 à 93 %.
L’équipe de Janko Bozic du département de biologie de l’université de Ljubljana a travaillé sur la production de pain d’abeille par les abeilles. Le rôle des abeilles est très important. Elles remplissent tous les espaces vides avec du miel. Ils ont prouvé que ce sont les acides lactique et gluconique qui expliquent le mieux l’activité antimicrobienne du pain d’abeille, le dernier acide étant de 90 à 370 fois plus concentré que le premier.
Le projet BoogIH (https://boogih. uni-hohenheim.de/projektziele) sur l’analyse et la différenciation des miels de miellat a été présenté par B. Shaaban. La composition en sucre diffère surtout en fonction des pucerons et dans une moindre mesure, des plantes hôtes. Cela se marque principalement au niveau des trisaccharides (mélézitose et erloze). La composition en acides aminés et en ions inorganiques varie beaucoup moins entre les pucerons.
Varroase
C’est sans conteste le jeune américain S.D. Ramsey qui a fait le buzz en annon çant que le varroa se nourrit préféren tiellement au départ des corps gras de l’abeille et non comme on le pensait de l’hémolymphe. Ses chelicères pénètrent dans la cuticule au niveau du corps gras et le vide de sa substance. Ainsi alimentés, les varroas survivront plus long temps et produiront plus d’œufs.
Une équipe de l’université d’Aberdeen (C.R. Christie et al) a quant à elle mis en place un dispositif artificiel d’alimentation des varroas. Constatant le manque de ponte, ils ont recherché des hormones pouvant induire cette ponte afin de pouvoir recomposer artificiellement le cycle du varroa. Aujourd’hui, ils arrivent à ce que 47 % des femelles se mettent à pondre et à ce que tous les stades de développement du varroa soient possibles. Cette recherche ouvre la porte à des tests sur un grand nombre de produits dans le cadre de la lutte contre cet acarien.