Chez nous, la production de miel a été particulièrement difficile pour ne pas dire catastrophique et proche de zéro pour bon nombre d’apiculteurs. C’était malheureusement le cas d’une grande partie de l’Union européenne à l’exception du nord et du sud du continent. De plus, avec le changement climatique, comme le font remarquer les apiculteurs italiens confrontés à ce phénomène depuis près de 5 ans, c’est la flore qui évolue. Les miellées ne sont plus comme avant, même en conditions normales de miellée. Pour les jeunes apiculteurs qui se sont lancés ces dernières années, l’eldorado annoncé est-il bien là ? Va-t-on pouvoir continuer à ne vivre que du miel ? Personne ne sait répondre à cette question mais quoiqu’il en soit, l’avenir est probablement dans la diversification. Il faut éviter de mettre tous ses œufs dans le même panier.
Lorsqu’on a du miel, tout n’est pas résolu, il faut que son humidité soit assez basse pour sa conservation, en d’autres mots que son humidité soit inférieure à 18 %. Si ce n’est le cas, il faut le déshumidifier. Attention, ce mot risque de ne pas plaire à tout le monde. De plus en plus d’apiculteurs de par le monde ne veulent plus autoriser la déshumidification du miel. Pourquoi ? Toute cette polémique vient du fait que dans une grande partie de l’Asie, les apiculteurs récoltent du nectar fraîchement récolté par les abeilles avant que ces dernières n’aient pu assurer sa maturation. Cette récolte prématurée n’est pas acceptée par le Codex Alimentarius ni par la Directive européenne sur le miel, mais la Chine l’autorise dans sa législation. Comme il est impossible pour l’instant de faire la différence entre un miel mature et un nectar déshumidifié, le plus simple semble d’interdire tout simplement la déshumidification des miels. Mais peut-on comparer les différentes techniques utilisées pour réduire l’humidité d’un miel ? Peut-on comparer le passage de hausses dans un local où l’humidité est basse et permet de réduire la teneur en eau d’un miel d’un ou deux pourcents, avec le passage d’un miel chauffé à plus de 50°C dans un appareil sous vide pour faciliter l’évaporation d’un excès d’eau et avec lui, de nombreux arômes volatils ? C’est un des sujets délicats abordés pour l’instant par le jeune groupe de travail ISO sur le miel. En fonction de la situation des différents pays, la position diffère. Comment arriver à un consensus en sachant qu’on n’est pas là pour mettre en place un label pour des miels de niche mais bien pour améliorer les échanges internationaux de miels dont la qualité devrait être revue à la hausse.
Mais ce n’est pas fini. Lorsque le miel est en pot et étiqueté, il faut le vendre et si possible à un juste prix. En Belgique, vu les faibles volumes produits, les apiculteurs peuvent se permettre de demander le prix qui leur convient. Dans d’autres pays, la situation est plus délicate car les miels indigènes sont en compétition directe avec les miels d’importation et les fameux miels vendus provenant d’un mélange de miels produits en UE et non UE. Heureusement, les apiculteurs ont enfin eu le soutien de l’ensemble des membres du Conseil de Ministres européens pour imposer un étiquetage plus explicite pour les consommateurs. La Commission parle de mettre la Directive Miel en discussion afin de pouvoir revoir l’étiquetage. Il est vrai que la Slovénie, aux commandes de l’UE pour le moment, a mis ce point à l’agenda comme une priorité. C’est probablement la France qui aura la charge de la révision du texte. Afin de rendre cet étiquetage efficace, il faudra également s’assurer qu’une traçabilité du produit soit possible sous peine de ne pouvoir assurer aucun contrôle.
Lors de la semaine des pollinisateurs, l’adultération et le contrôle des miels ont également été abordés et il est clair que la Commission connait aujourd’hui les pistes à suivre pour enrayer ce phénomène qui déstructure totalement le marché international des miels. L’effort devrait porter tant sur la constitution d’une banque de miels, une validation des dernières techniques de détection à utiliser pour le dépistage, la mise en place de tests de screening, une meilleure traçabilité, des contrôles aux frontières qui intègrent la vérification de l’authenticité du miel… Le problème est que tout cela coûte cher et que le miel même s’il est un des produits les plus adultérés au monde ne présente pas de risque pour la santé.
Dans ce domaine, au niveau du rucher, nous devons cependant rester vigilent et éviter tout risque de contamination de nos miels avec des sirops de nourrissement qui sont facilement détectés par les laboratoires.
Le miel est un produit merveilleux. Espérons que nous pourrons continuer à le produire et le vendre dans de bonnes conditions et à sa juste valeur. C’est en tous cas ce à quoi nous nous attacherons au CARI.
Etienne BRUNEAU