Istanbul 2017 devait être l’endroit de partage et de rencontre entre deux continents et malgré une participation massive des apiculteurs plaçant ce congrès en tête de tout ce qui avait été obtenu auparavant, la rencontre n’a pas eu lieu. C’est une réalité qu’on ne doit pas minimiser. Les Français, les Allemands, les Italiens, les Belges… en d’autres mots, l’ancienne Europe, a délaissé cet événement international. Je ne veux porter ici aucun jugement sur les motivations diverses qui ont abouti à cette situation. Cela me fait cependant penser à un grand miroir de notre monde actuel où la solidarité, l’ouverture et le partage sont en perte de vitesse au détriment de la peur, du manque de tolérance… Mais on a pu constater que le monde tourne bien sans la vieille Europe et les apiculteurs présents sont certainement rentrés chez eux riches de nouveaux contacts et satisfaits d’avoir emmagasiné de nombreuses connaissances. Apimondia est là pour mettre les apiculteurs du monde en relation et pour les défendre. C’est essentiel même si cela semble parfois difficile. Il faut connaître la réalité de terrain de chacun, leurs attentes, pour éviter de construire sur du sable.
De leur côté, les chercheurs sont de plus en plus frileux de se confronter au terrain et aux apiculteurs. Ils privilégient des congrès scientifiques entre collègues de même disciplines. Il est vrai que vu le niveau scientifique atteint par certaines recherches, le dialogue avec le terrain nécessite des efforts de vulgarisation énormes que peu sont prêts à réaliser. Ils n’en perçoivent peut-être pas l’intérêt.
Pour faciliter ce dialogue, Apimondia a mis en place des tables rondes. Les premières étaient à Montpellier. Cette notion d’échanges avec le terrain est très latine et européenne mais peu comprise dans d’autres lieux (Corée du Sud et Turquie). Il faut probablement la faire évoluer et l’adapter en fonction des cultures locales et des modes d’expression.
On pourrait rêver d’un Apimondia mettant les différents apiculteurs du monde en réseau avec un échange continu d’informations pertinentes utilisant un langage commun, une base de données compatibles. A ce titre, les développements énormes enregistrés dans le contrôle et le suivi des colonies avec les programmes de gestion des ruches et les techniques non invasives de suivi des colonies nous indiquent une direction. Face aux modifications rapides et de plus en plus fréquentes de notre climat, le partage à large échelle de données relatives aux colonies pourrait déboucher sur une aide à la gestion prévisionnelle des colonies et à l’exploitation des miellées ou même à un meilleur suivi du développement de certains agents pathogènes sur le terrain. De même, des partages d’informations relatives aux productions et aux prix du marché nous permettraient de faire la clarté sur ces fameux problèmes d’adultération des produits en ciblant rapidement les points noirs. La localisation des problèmes de dépérissement en relation avec une bonne connaissance de la pratique apicole et de l’environnement nous éclairerait également sur les zones à risques et sur certaines pratiques préjudiciables pour l’environnement et pour nos abeilles.
Le croisement de toutes ces données virtuelles véhiculées dans des langages compatibles pourrait déboucher sur des informations que l’on ne soupçonne même pas aujourd’hui. Naturellement cela demande une ouverture, une collaboration et un partage qui jusqu’ici sont restés à des échelles très limitées. Mais je suis confiant car chacun sait que c’est grâce à de tels développements que nous pourrons aider les abeilles et les apiculteurs. Il ne faut pas avoir peur de l’avenir. C’est en construisant notre futur comme nous le voulons que nous assurerons un futur plus riche et ouvert où les pollinisateurs retrouveront leur rôle indispensable à la survie de notre planète. Chacun a son rôle à jouer dans la confiance et le respect mutuel.
A Istanbul, deux continents ne sont reliés que par trois ponts et un tunnel mais les échanges sont très nombreux et riches. Que cela nous serve d’exemple.
EDITO : Entre 2 continents