EDITO : Actions multiples, besoins d’harmonisation

Etienne BRUNEAU

a journée organisée à l’Institut royal des sciences naturelles de Belgique était une première et une occasion unique de dresser un bilan des actions réalisées en faveur des pollinisateurs. Elle s’inscrivait dans une démarche globale de structuration des diverses activités entreprises en faveur des pollinisateurs. Depuis une quinzaine d’années, les initiatives se succèdent pour venir en aide aux pollinisateurs qui étaient jusque là pratiquement oubliés par les autorités. Il a fallu des pertes massives de nos abeilles et une mobilisation générale de la population pour que l’on voit apparaître les premières initiatives en la matière. Depuis, de gros moyens ont été mis en œuvre avec par exemple le Plan Maya en Région Wallonne ainsi que le Plan abeilles au niveau fédéral et les nombreuses actions qui en découlent. Dans un premier temps, celles-ci se focalisaient principalement sur les abeilles mellifères car en tant que bioindicateur elles nous apportaient des informations alarmantes sur la dégradation de notre environnement. On pouvait quantifier les pertes et l’importance du phénomène. Elles ont permis de pointer du doigt l’impact de nouvelles molécules insecticides comme les néonicotinoïdes sur leur santé mais également sur celle d’une série d’autres animaux et même sur notre santé. Chose étonnante, une série d’études venant de l’industrie phytosanitaire a mis en évidence que les abeilles mellifères n’étaient pas aussi importantes que cela et que les abeilles solitaires et les bourdons avaient certainement autant si pas plus d’importance qu’elles. Progressivement, les abeilles solitaires sont ainsi sorties du profond oubli dans lequel on les avait laissées depuis de trop nombreuses années. Ce désintérêt était lié principalement à un manque de chercheurs et de spécialistes capables de les identifier correctement. Elles pouvaient mourir mais personne n’y était attentif. Aujourd’hui les choses ont bien changé et on trouve plus de chercheurs travaillant sur les abeilles solitaires et les bourdons que sur les abeilles mellifères. Après Belbees, qui a entre autres permis de faire le point sur l’évolution de la situation, SAPOLL, un très gros projet de recherche appliquée (7 millions d’euros), a vu le jour en zone frontalière (projet Interreg avec le Nord de la France) et est piloté par l’université de Mons. Tout cela est très positif et il est heureux de voir cette prise de conscience et l’intérêt porté à tous les pollinisateurs.
Si les pollinisateurs vivent depuis des années en équilibre dans notre environnement, vous aurez certainement de plus en plus souvent entendu parlé de phénomènes de compétions entre ces abeilles. Là, c’est notre abeille qui est la grande fautive. Elle doit être rejetée ou du moins éloignée des zones naturelles car elle perturberait les équilibres. Etonnant, car les publications les plus récentes en matière de pollinisation mettent clairement en évidence que les pollinisateurs travaillent en synergie et qu’il est donc utile pour la flore de pouvoir être entourée d’un grand nombre de pollinisateurs différents. Un fait est certain, lorsque les ressources viennent à manquer, une forte densité d’abeilles n’est pas souhaitable. Mais faut-il mettre le problème alimentaire sur les abeilles mellifères ou sur l’absence de ressources ?
Mais ce n’est pas tout. Même entre apiculteurs on cherche la compétition. Là ce sont les différentes races d’abeilles que l’on vise. C’est comme si nous nous placions au dessus des lois de la nature. Les reines dans la nature se reproduisent avec les mâles les plus vigoureux et elles cherchent à diversifier les apports génétiques. Chaque mâle apporte de nouveaux outils à une colonie et lui permettra de mieux se défendre et de mieux s’adapter à des modifications éventuelles de son environnement. La nature a horreur de la standardisation, elle recherche la diversité tout en ne gardant que ce qui peut s’adapter sans aucune aide extérieure. Afin de pouvoir conserver cette diversité génétique à large échelle, des conservatoires sont importants en vue d’éviter de perdre un potentiel génétique. Dans ce cas, on ne parle pas du tout de sélection, ni de production, ni de douceur, ni… On laisse faire la nature avec ses règles. Ces zones doivent juste être protégées d’apports massifs de patrimoine génétique étranger. Éviter tout apport est totalement utopique. Regardons la vitesse de dissémination naturelle des frelons ou même du petit coléoptère des ruches en Calabre ! On ne peut localiser et éviter les disséminations des abeilles non plus. Il va de soi que les échanges à longue distance sont de réelles sources de risques, principalement sanitaires et nous devons tout mettre en œuvre pour les limiter.
Mais que faut-il penser des races non indigènes ? Comme nous l’on montré les Finlandais avec leurs abeilles italiennes, une race peut s’adapter en peu de générations (2-3) à son environnement local. De nombreuses races peuvent donc être adaptées si elles sont élevées chez nous par des éleveurs locaux et c’est donc dans ce sens qu’il faudrait aller. Mais là on en revient à la politique que ce soit au niveau communal, provincial, régional et même fédéral.
Maintenant qu’on a pu prendre conscience de la diversité des actions entreprises par les différents acteurs sur le terrain, il est nécessaire de passer à une étape de concertation afin que les politiques mises en œuvre aux différents niveaux de pouvoir s’inscrivent dans une logique de développement durable qui permette la mise en place d’initiatives porteuses d’avenir. Nous mettons tout en œuvre pour arriver à cet objectif.