La pollinisation, un service capital rendu par les pollinisateurs.
Dans nos régions, on retrouve environs 80% de pollinisation entomophile (pollinisation via un insecte), contre 10% d’autopollinisation (pollinisation autonome) et 10% de pollinisation anémophile (pollinisation par le vent). Dans le cas d’une pollinisation entomophile, le pollinisateur permet d’assurer la fécondation des plantes en transportant du pollen des étamines d’une fleur vers le pistil d’une autre. Il favorise ainsi la production d’un grand nombre de cultures à fleurs : arboriculture fruitière (poires, pommes, cerises, prunes), petits fruits (fraises, groseilles, framboises, myrtilles), cultures maraîchères (cornichons, concombres, melons), production de semences (carottes, salades, chicons) et production d’huile (colza, tournesol, lin). En Europe, la production de 84 % des 264 espèces cultivées dépend directement des insectes pollinisateurs et principalement des abeilles (Williams, 1994). Parmi l’ensemble de l’entomofaune pollinisatrice, les abeilles sont d’une importance capitale pour la reproduction d’un grand nombre de plantes à fleurs.
D’un point de vue quantitatif et qualitatif, la pollinisation permet d’améliorer le rendement et la qualité des productions entomophiles (bonne forme du fruit, un nombre plus important de graines et une meilleure qualité nutritive) (Blaauw et al., 2014). C’est par exemple le cas pour la pomme (Garatt et al., 2014) et le colza (Bommarco et al., 2012 ; Klein et al., 2007). Pour ce dernier, il est démontré d’un point de vue quantitatif qu’un environnement riche en pollinisateurs permet une augmentation de rendement de 35,7 % par rapport à un environnement pauvre en pollinisateurs (Perrot et al., 2018). En absolu, des augmentations de rendement pour la culture de colza dû aux pollinisateurs peuvent être estimé entre 0,4 et 0,6 tonne/ha (Woodcock et al., 2016), entre 0,8 et 1 tonne/ha (Perrot et al., 2018) ou supérieures à 2,5 tonne/ha (Araneda et al., 2011). D’un point de vue qualitatif, la pollinisation du colza par les insectes pollinisateurs améliore la qualité des graines en augmentant la teneur en huile et en diminuant la teneur en chlorophylle (Bommarco et al., 2012).
D’un point de vue diététique et santé humaine, la pollinisation permet d’assurer une alimentation saine et équilibrée (Ellis et al., 2015 ; Smith et al., 2015) . En effet, les groupes alimentaires tels que les fruits, les légumes et les fruits à coque permettent une alimentation saine de par leur apport en micronutriment et comprennent des cultures dépendantes de la pollinisation (Garibaldi et al., 2022). De plus, il est à noter qu’en moyenne, 7% des folates, 20% de la vitamine C et 41% de la vitamine A de notre bol alimentaire sont fournis par des cultures dépendantes de la pollinisation (Eilers et al., 2011).
D’un point de vue économique, 39 % de la valeur économique de la production mondiale alimentaire provient de cultures dépendantes des pollinisateurs. Afin de mesurer l’importance des pollinisateurs, la valeur monétaire du service de pollinisation dans le monde peut être estimée en simulant une disparition totale des pollinisateurs. Cette valeur est estimée à 153 milliards d’euros chaque année, soit presque un dixième (9,5%) de la valeur totale de la production alimentaire agricole mondiale. Un même calcul effectué pour l’Europe des 25 estime la valeur monétaire du service de pollinisation à 14,4 milliards, soit 10% de la valeur totale de la production alimentaire agricole européenne. Cette valeur monétaire ne prend pas en compte la production des cultures destinées à l’alimentation animale (pâturage,…), les cultures destinées à la production d’énergie,… et serait par conséquent plus élevée si c’était le cas. Ces cultures sont en effet pour certaines dépendantes de la pollinisation.
Enfin, d’un point de vue esthétique, la pollinisation permet la reproduction de toute une diversité de plantes à fleurs du paysage, ce qui assure un environnement de qualité (Garibaldi et al., 2022).
Le rôle des abeilles mellifères dans la pollinisation.
Les impressionnantes capacités de pollinisation des abeilles mellifères s’expliquent en grande partie par leur biologie et leur mode de fonctionnement.
Dans un premier temps, la morphologie de l’abeille est parfaitement adaptée au transport des grains de pollen. Lors de l’activité de butinage, ces derniers sont d’abord retenus sur les poils du corps de l’abeille. L’espacement entre les poils est similaire au diamètre des grains de pollen et permet ainsi une bonne adhérence (Santos et al., 2019). Une substance collante nommée « pollen kit » que l’on trouve sur les grains de pollen permet aussi une bonne adhérence entre les grains et les poils de l’abeille (Amador et al., 2017). Une fois une certaine quantité de pollen amassée, l’abeille entasse et stocke le pollen sur les brosses de ses pattes arrières, assurant ainsi un meilleur transport. La structure velue qui recouvre la surface de ses pattes lui permet de fixer et de transporter des millions de particules de pollen (Santos et al., 2019). Une fois qu’il est stocké de la sorte, le pollen n’est plus disponible pour la pollinisation. C’est donc lorsque le pollen est encore dispersé sur le corps de l’abeille qu’il peut être transféré d’une fleur vers une autre et ainsi participer à la pollinisation. Sur le corps de l’abeille, les grains de pollen sont viables plusieurs heures après avoir été récoltés (Amador et al., 2017).
Dans un second temps, les abeilles sont constamment sur les fleurs étant donné leur régime alimentaire centré sur le nectar, le pollen et l’eau. Les butineuses durant leurs heures de vol s’emploient donc inlassablement à la tâche de pollinisation. De plus, une certaine fidélité à une espèce de plante lors de l’activité de butinage peut être observée. Cette fidélité permet une plus grande efficacité de butinage pour l’abeille mais aussi une meilleure fécondation de l’espèce dont le pollen n’est pas gaspillé sur les fleurs d’une autre espèce (Sagili et al., 2011)
Enfin, les ruches d’abeilles mellifères sont mobiles et facilement transportables pour les amener sur une culture à polliniser lors de la période de floraison (Sagili et al., 2011). La culture d’intérêt est par conséquent quasi instantanément pourvue d’un potentiel de pollinisation remarquable.
Les apiculteurs-pollinisateurs.
Le métier des apiculteurs -pollinisateurs consiste à fournir un potentiel de pollinisation au moment opportun des floraisons. Lors de l’exercice de cette opération, il est important que le gestionnaire de la parcelle à polliniser et l’apiculteur communiquent sur les sujets :
- de l’emplacement des ruches, afin de les installer à l’endroit où le gestionnaire constate généralement un manque de pollinisation.
- de l’itinéraire technique du gestionnaire de l’exploitation pour éviter tout traitement phytosanitaire lorsque les abeilles sont présentes.
- du fonctionnement général des colonies d’abeilles, pour éviter que l’arboriculteur ne déplace les ruches.
- de la responsabilité du gestionnaire de l’exploitation en cas de vol de ruches. En effet, une fois les ruches placées sur son terrain, il est tenu responsable de ces dernières.
- Du nombre de colonies à installer sur le terrain. Des tableaux indiquant le nombre de colonies à installer à l’hectare en fonction de la culture à polliniser existent (Sagili et al., 2011) et permettent d’estimer ce nombre selon une première approche. Toutefois, il est à noter que l’efficacité de pollinisation ne dépend pas que du nombre de ruches installées mais aussi des paramètres climatiques, des périodes de floraisons, etc (Sagili et al., 2011).
Une fois tous ces sujets abordés, un contrat de pollinisation est obtenu (voir contrat de pollinisation dans les documents à télécharger ci-dessous).
Le travail de l’apiculteur-pollinisateur pour permettre une bonne pollinisation est conséquent et nécessite une préparation des colonies en amont. Le demandeur du service de pollinisation paie la possibilité d’avoir des pollinisateurs à sa disposition durant la période de floraison, ce qui implique une année de travail de la part de l’apiculteur. La valeur du service de pollinisation est toujours à considérer en fonction de ce que la ruche aurait pu produire si elle n’avait pas réalisé ce service de pollinisation (vente d’essaims, récolte de miel,…). En effet, l’apiculteur qui fait de la pollinisation doit faire une croix sur ses récoltes de miel.
Si vous désirez bénéficier du service de pollinisation, n’hésitez pas à consulter notre liste d’apiculteur-pollinisateurs disponible sur notre site internet.
Plus d’informations.
Des « fiches pollinisation » et des « planches » reprenant des explications sur des essences nécessitant la pollinisation sont présentes sur notre site.
Bibliographie
Williams, I. H. 1994 The dependences of crop production within the European Union on pollination by honey bees. Agric. Zool. Rev. 6, 229–257.
• Blaauw, B. R., & Isaacs, R. (2014). Flower plantings increase wild bee abundance and the pollination services provided to a pollination‐dependent crop. Journal of Applied Ecology, 51(4), 890-898.
• Ellis, A. M., Myers, S. S., & Ricketts, T. H.(2015). Do pollinators contribute to nutritional health ?. PLoS One, 10(1), e114805.
• Smith, M. R., Singh, G. M., Mozaffarian, D., & Myers, S. S.(2015). Effects of decreases of animal pollinators on human nutrition and global health : a modelling analysis. The Lancet, 386(10007), 1964-1972.
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